Le sujet soulève la question d'une possible contrariété entre deux principes, l'un étant la pièce maîtresse du droit administratif, reconnu depuis longtemps (il date d'une époque marquée par l'absence de contrôle de constitutionnalité des lois, ces dernières apparaissant comme la seule norme supérieure), le principe de légalité, l'autre, consacré solennellement depuis peu par le CE, le 24 mars 2006, le principe de sécurité, qui n'était qu'un impératif jusqu'alors (décision d'Assemblée du contentieux sur le rapport de la 6e sous-section sur affaire de commissaires aux comptes Société KPMG – Société Ernst Young Audit et autres – Société Deloitte et associés et Société Grant Thornton –Société Pricexaterhousecoopers Audit).
Le principe de légalité énonce le principe fondamental selon lequel les actes de l'administration doivent respecter toutes les normes qui leur sont supérieures (qu'il s'agisse de celles émanant directement ou indirectement du peuple français, telles les normes constitutionnelles ou les lois, ou des normes résultant des traités internationaux et en particulier du droit communautaire dont l'éventuelle méconnaissance par l'administration est aujourd'hui susceptible d'être sanctionnée). Ce principe a été consacré en Principe Général du Droit (PGD) dans l'arrêt d'Assemblée du CE du 17 février 1950 Ministre de l'agriculture c/ Dame Lamotte : le REP est ouvert même sans texte contre tout acte administratif et a pour effet d'assurer conformément aux PGD le respect de la légalité.
Le principe de sécurité juridique soulève le problème de l'environnement juridique marqué par la multiplication des règles de droit et par l'encadrement croissant des activités privées (par les autorités publiques, nationales ou communautaires) ; il s'entend comme la nécessité pour les autorités administratives d'assurer la stabilité des situations juridiques individuelles dans le temps, et de veiller à la clarté et à la prévisibilité des normes. Ce principe peut donc être assimilé au principe de non-rétroactivité, mais également, paradoxalement, aux mécanismes de retrait des décisions illégales.
Je prends le parti de poser la question en termes d'annulation et d'abrogation des actes administratifs. En effet, l'effet rétroactif de l'annulation et du retrait pose le problème de sécurité juridique. Question que nous allons immanquablement nous poser.
Sont-ils contradictoires ? Leur combinaison par le juge administratif et l'administration ne mène-t-elle pas parfois à une impasse, du moins à une insécurité juridique pour l'administré ?
[...] L'annulation d'un acte administratif par le juge a des effets perturbateurs sur l'ordonnancement juridique et peut donner lieu même à des problèmes d'exécution redoutables. Parfois elle peut même déboucher sur un vide qu'il est impossible de combler alors même que l'illégalité censurée était mineure. De façon générale, la décision par laquelle le juge est amené quel que soit le type de recours dont il est saisi à constater a posteriori l'illégalité d'un acte administratif, même sans l'annuler, peut bouleverser l'économie des règles applicables. [...]
[...] Je prends le parti de poser la question en termes d'annulation et d'abrogation des actes administratifs. En effet, l'effet rétroactif de l'annulation et du retrait pose le problème de sécurité juridique. Question que nous allons immanquablement nous poser. Sont-ils contradictoires ? Leur combinaison par le juge administratif et l'administration ne mène-t-elle pas parfois à une impasse, du moins à une insécurité juridique pour l'administré ? I. [...]
[...] Rappel : dans le cas du retrait comme de l'abrogation, il s'agit de mettre fin à un acte antérieur. Le retrait y procède pour le passé, dès l'origine, l'abrogation seulement pour l'avenir. Le retrait comporte donc un effet rétroactif contraire au principe de non-rétroactivité des actes administratifs (1948 Société du journal l'Aurore) que n'a pas l'abrogation. Dans les deux cas apparaissent des exigences contradictoires : si l'acte initial est illégal, cette illégalité justifie qu'il soit remis en cause ; mais les droits acquis qu'il a pu créer même illégalement ne doivent pas pouvoir l'être indéfiniment, sauf à compromettre la sécurité juridique. [...]
[...] Cela tient à la conception jurisprudentielle de la rétroactivité. Seules se trouvent en effet protégées contre un éventuel changement des règles applicables, les situations considérées comme définitivement constituées sous l'empire de la réglementation antérieure. En revanche rien n'interdit qu'un texte puisse attacher des effets de droit nouveaux à une situation passée ou modifier une situation en cours La fragilité des situations juridiques individuelles s'explique par des facteurs dont le juge administratif n'a pas toujours les moyens de se saisir efficacement - Le principe de non-rétroactivité n'a pas, sauf en matière pénale, valeur constitutionnelle. [...]
[...] Entre principe de légalité et l'impératif de sécurité juridique la voie est nécessairement étroite pour le juge administratif français. Mais celui-ci dispose aujourd'hui de moyens renforcés pour conforter le principe de légalité sans renoncer à la sécurité juridique, a condition qu'il accepte de renouveler la conception qu'il se fait de son rôle en tant que juge de la légalité de l'action administrative. Cette évolution est bien engagée comme en témoigne le dernier rapport du CE, consacrant solennellement le principe de sécurité juridique. [...]
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