La notion de domaine public et de domaine privé de l'Etat n'a toujours été présente dans l'histoire du droit français. Les premières esquisses de cette distinction sont apparues lors de la période romaine, on parlait alors de « res extra comercium » (chose en dehors du commerce) comme les routes ou les places, et de « res in commercio » (chose du commerce) comme les épaves ou butins de guerre. Sous l'ancien régime, ensuite, on vient à parler de domaine de la couronne (route, rivage, île...), on considérait que le roi ne pouvait pas vendre de biens le composant, il appartenait à chacun. Durant la période révolutionnaire, on parle du domaine national (code domanial).
Mais c'est avec le code civil, à travers son article 539, que l'on voit apparaître la notion de domaine public, même si dans sa définition de l'époque elle ne correspondait pas à la notion actuelle du domaine public. En effet, lors de la création du Code, la notion de domaine privé et public n'existait pas, c'était juste une expression, tout le travail de définition se fera par la doctrine au cours du XIXème siècle puis par la jurisprudence administrative.
L'un des courants de pensée les plus importants va estimer que la distinction domaine public et privé se pose sur le critère de l'affectation du bien. Un bien appartient au domaine public car il est affecté à une situation particulière. Hauriou, Valine ou encore Duguit vont s'appuyer sur ce critère. Cette argumentation est celle qui sera retenue par le juge.
Le juge va utiliser une définition négative : tout ce qui n'est pas du domaine public est du domaine privé. Pour savoir si un bien rentre dans le domaine public, il doit être affecté à l'usage du public ou à un service public. Bien sur, il doit appartenir à une personne publique. La jurisprudence a beaucoup élargi le domaine public et ainsi la compétence du juge administratif, juge de droit commun en la matière.
Ainsi, le premier critère, celui de l'affection à l'usage du public, a été reconnu par le juge, dans un arrêt du Conseil d'Etat (CE) du 28 juin 1935 : Marecar. En l'espèce, les cimetières étant à l'usage du public, ce sont donc des dépendances du domaine public. Ainsi, la seule affectation à l'usage du public entraine son appartenance au domaine public.
Si ce premier critère reste encore aujourd'hui le critère de référence en matière de distinction de la domanialité publique, il n'en va pas de même du second, développé par l'arrêt Société Le Béton du CE du 19 octobre 1956. Celui-ci reconnait comme critère de distinction, celui de l'affectation à un service public et spécialement aménagé à cet effet. En l'espère, des terrains avaient été loués par une société privée près d'un port dans un but privé ; il s'agissait alors de connaitre le juge compétent. Les terrains participant au fonctionnement du port, le Conseil d'Etat a estimé qu'ils faisaient parti du domaine public. L'arrêt ajoute la condition d'un aménagement spécial : il faut dans certains cas adapter le bien aux besoins du service. Il s'agit ainsi de travaux plus ou moins important effectués sur le bien afin que celui-ci puisse relever du domaine public. Le juge considère donc que ce bien devait être classé dans le domaine public du fait qu'il était affecté au service public et aménagé à cet effet. La différence avec la définition de l'affectation à l'usage du public tient en le fait que dans le cas de l'usage, le simple usage suffit sauf dans quatre cas où il faut en plus l'aménagement ; ici l'aménagement est obligatoire dans tous les cas.
[...] Le juge considère donc que ce bien devait être classé dans le domaine public du fait qu'il était affecté au service public et aménagé à cet effet. La différence avec la définition de l'affectation à l'usage du public tient en le fait que dans le cas de l'usage, le simple usage suffit sauf dans quatre cas où il faut en plus l'aménagement ; ici l'aménagement est obligatoire dans tous les cas. Mais cette jurisprudence Société Le Béton, sur laquelle il nous est proposé de revenir, n'a pas été exempte de critique tant de la part de la doctrine que de la part du législateur, qui, en 2006, avec la création du Code général des Propriétés des Personnes publiques (CG3P) l'a fortement remis en cause, notamment en faisant disparaître la notion d'aménagement spécial au profit d'un aménagement indispensable Il conviendra, dès lors, afin de tenter d'établir un jugement positif ou non sur l'arrêt Société Le Béton, d'en confronter justement le pour et le contre en deux parties distinctes afin, en dernier lieu, de tendre d'un coté ou de l'autre. [...]
[...] Aussi, le Conseil d'État en 1994 a refusé de ranger les bureaux de la Direction nationale des impôts situés dans un lot appartenant à l'État dans un immeuble en copropriété, car la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété ne confère pas un droit exclusif de propriété sur les parties privatives, compte tenu de la présence des parties communes et de la mitoyenneté des murs de séparation des lots. Alors même que les composantes du critère du service public étaient réunies, ce bureau ne fut pas rangé dans le domaine public parce que le régime de la copropriété est contraire au régime applicable à celui-ci. M. [...]
[...] Cela va permettre de clarifier la situation, car avec la définition jurisprudentielle donnée par l'arrêt Société Le Béton, on parlait d'aménagement spécial. La notion d'aménagement spécial était bien trop floue et recouvrait même un simple travail d'entretien (ce qui est peu pour un aménagement) ; ou même simplement que le bien était géographiquement proche d'un domaine public. On peut espérer que le juge soit plus exigeant avec la notion d'aménagement indispensable afin de réduire le domaine public par rapport au domaine privé des personnes publiques. [...]
[...] Le second critère apporté par l'arrêt est en contradiction avec l'orientation du droit des propriétés publiques dominée par le souci de les valoriser, au besoin en les rendant au privé. Moins de souplesse ne permet pas de valoriser suffisamment le bien. Cet élan de souplesse et de valorisation du domaine public nécessite un régime qui lui soit adéquat, notamment et même surtout lorsqu'il s'agit de service public, parfois trop coûteux pour une personne publique à prendre en charge, d'où la nécessité d'externalisation des activités. [...]
[...] De plus, la codification actuelle semble constituer une confirmation partielle de l'arrêt Société Le Béton. En effet la jurisprudence Le Béton a été presque en totalité reprise avec la codification dans le Code Général de la Propriété des Personnes publiques (CG3P), à l'article 2111-1, que sous réserve de disposition législative spéciale, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affecté, à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public Le critère d'aménagement indispensable et non spécial étant le seul changement entre les deux textes. [...]
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