En France, on admet mal que les règles communautaires sur les contrats puissent limiter le pouvoir d'organisation des services publics. L'idée prévaut que les relations entre entités de la sphère publique, même personnalisées, relèvent d'une sorte d'ordre intérieur fondant un pouvoir discrétionnaire. C'est ce qui ressort d'un arrêt du Conseil d'Etat, Société Unipain , dans lequel le Conseil d'Etat rappelle que « le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'Etat satisfasse par ses propres moyens aux besoins de ses services ».
Le marché « in house » (ou le contrat de prestation intégrée) peut être défini comme un contrat qui, conclu entre un pouvoir adjudicateur et une entité considérée comme son simple prolongement, est exclu du champ d'application des règles de mise en concurrence.
Le « in house » permet de se soustraire aux obligations de mise en concurrence dans la mesure où les autorités communautaires considèrent que le lien entre le prestataire et le pouvoir adjudicateur est tel que le premier se confond avec le second, et de ce fait, que les législations relatives aux marchés publics et les principes généraux de transparence n'ont pas vocation à s'appliquer. La difficulté de l'utilisation de la notion réside dans le fait qu'il s'agit uniquement d'une définition jurisprudentielle.
Cette notion est qualifiée par la doctrine communautaire de prestations dite « in house providing » selon les conclusions de l'avocat général P. Léger rendues le 15 juin 2000 devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) dans l'affaire C-94/99. L'idée majeure de la jurisprudence d'origine communautaire est donc d'exclure du champ de la mise en concurrence les contrats avec des personnes juridiquement distinctes, mais dépourvues d'autonomie au plan fonctionnel.
Cette théorie purement jurisprudentielle a été créée afin de répondre à un besoin particulier, celui de concilier la pleine application des libertés du marché intérieur avec la liberté organisationnelle des autorités publiques lorsqu'elles décident d'accomplir des tâches d'intérêt public par leurs propres moyens.
L'exception des prestations « in house », appliquée en ce qui concerne les marchés de seuil communautaire au regard des différentes directives, a d'ailleurs été intégré à l'article 3-1 du code des marchés publics énonçant que le code des marchés publics n'est pas applicable aux « accords-cadres ou marchés conclus entre un pouvoir adjudicateur et un cocontractant sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités pour lui, à condition que, même si ce cocontractant n'est pas un pouvoir adjudicateur, il applique, pour répondre à ses besoins propres, les règles de passation des marchés prévues (…) »
La théorie jurisprudentielle sur les marchés « in house » s'est surtout développée par rapport au problème de la gestion des services d'intérêt généraux (SIEG). Le domaine du droit communautaire des marchés publics et des concessions, concerne essentiellement la mise à disposition du public, par les pouvoirs publics (Etat et collectivités territoriales), des services et travaux d'intérêt général. Ce sont des prestations qui visent à couvrir nos besoins de tous les jours, tels que la fourniture d'eau et d'énergie, la gestion des déchets, des transports, des espaces publics, ou encore la gestion d'institutions culturelles telles que les théâtres, la télévision, ou la radio.
Ces prestations peuvent être offertes par les pouvoirs publics eux-mêmes en utilisant leurs propres services internes. Mais, il existe une tendance des pouvoirs publics à recourir à des opérateurs externes en concluant des contrats, dans ce contexte, ils s'adressent normalement à des opérateurs privés. Ainsi, on assiste à partir des années 1990, à une contractualisation progressive de la gestion d'activités qui étaient antérieurement assurées par les pouvoirs publics à l'aide d'instruments de droit public. C'est dans ce contexte particulier que le problème va prendre toute son ampleur.
[...] Dans l'arrêt Parking Brixen, notamment, la cour précise que la propriété publique à 100% considérée à elle seule ne suffit pas. Il est nécessaire que le pouvoir public en question exerce lui-même un contrôle sur l'opérateur. L'arrêt établit qu'il convient d'établir au cas par cas le degré exact d'autonomie de l'opérateur en question, notamment par l'analyse de ses statuts. Cette interprétation in concreto pose problème car elle ne permet pas de savoir précisément quels seront les cas où cette condition de contrôle analogue sera remplie. [...]
[...] Ainsi, l'on essaye de limiter au maximum les distorsions de concurrence qui sont inhérentes à l'exemption de in house. L'octroi d'un marché ou d'une concession en dehors des règles de procédure prévues par les directives marchés publics ou le Traité implique un avantage important pour ces opérateurs, avantage dont ils pourraient, en principe, profiter pour renforcer leur position vis-à-vis des concurrents en dehors de cette sphère semi-publique Dans l'affaire Teckal, la Cour de Justice avait aussi considéré que le critère de l'essentiel de l'activité n'était pas rempli, le groupement pouvant assurer la prestation de certains services à des communes, des particuliers ou des organismes publics qui n'y participent pas. [...]
[...] A l'occasion de ces affaires, les différents avocats généraux ont tenté de préciser cette notion. C'est notamment le fait de l'avocat général dans l'arrêt Stadt Halle, qui a considéré que le critère du contrôle développé par la Cour implique plus qu'une influence dominante au sens du droit des sociétés ou de ce qui est exigé par certaines directives pour la qualification comme pouvoir adjudicateur L'appréciation doit être portée par rapport aux possibilités de contrôle de la collectivité publique et non à l'exercice effectif dudit contrôle[26]. [...]
[...] Bien que le principe d'exemption soit posé dans l'arrêt Teckal, il est indéniable que l'étendue de ce dernier n'est pas définie de manière satisfaisante au regard des enjeux en présence. Ainsi, la jurisprudence postérieure à l'arrêt Teckal va s'efforcer d'interpréter cette exemption afin de nous en préciser la portée. Cependant, les juridictions concernées semblent opter pour une interprétation stricte de la notion de prestation quasi intégrée, ce que nous pouvons regretter au regard des conséquences qui en découlent. Enfin, malgré une jurisprudence administrative et communautaire abondante et une transposition interne dans le code des Marchés publics, toutes les questions soulevées en matière de relations inter-organiques ne sont pas résolues. [...]
[...] C'est dans ce contexte particulier que le problème va prendre toute son ampleur. Ainsi, lorsque les pouvoirs publics décident de fournir eux-mêmes une activité économique, il n'y a pas d'appel au marché et il ne peut donc pas y avoir de risque de discrimination entre concurrents potentiels. C'est donc en grande partie à cause de ce processus de recours à des instruments de droit privé pour la gestion des SIEG que la détermination de la frontière entre les activités assurées par les autorités publiques par leurs propres moyens et les activités confiées à des entités externes est devenue sans cesse plus difficile. [...]
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