Selon l'article R. 128 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 532-1 du Code de justice administrative, « le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ». Sûrement le décret du 22 novembre 2000, modifiant l'article précité, se voulait pour le législateur la juste conclusion, à l'heure où nous parlons, d'un long processus d'évolution d'une véritable « culture de l'urgence » du juge administratif, dont le point convergeant reste sans nul doute la fameuse loi du 30 juin 2000.
Dans une fin de XXe siècle marquée par la rapidité des techniques et le développement toujours plus grand des rapports humains, l'ordre administratif se devait de rester à la page en vue d'assurer le bon fonctionnement des services publics et la sauvegarde de l'intérêt général ; à la multiplication des contentieux et des situations de plus en plus complexes, nécessitant des prises de position immédiates du juge administratif, s'opposaient des procédures lentes, préservant leur aspect d'antan par des délais souvent trop longs et inadaptés. Rappelée fermement à l'ordre par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, qui impose à toute procédure un « délai raisonnable », la question de la rapidité de la justice est un critère de l'efficacité du droit public, « tant pour l'administré qui y a à faire et s'y trouve confronté, que pour la société qui l'observe et la juge à l'aulne de ses décisions rapides et équitables » comme le fait remarquer Mme Isidoro, membre de la Cour administrative d'appel de Paris, mais pas seulement ; elle est aussi liée à la capacité qu'ont les juges à faire face à des situations d'urgence, et le juge des référés a été voulu par le législateur comme la réponse tangible à ces situations.
Le juge des référés est souvent désigné sous le vocable de "juge des apparences" car il n'a pas le pouvoir de se prononcer sur le fond des litiges. Son rôle est toutefois très important puisqu'il peut prendre toute une série de mesures de sauvegarde quand les circonstances le justifient. Les articles L. 511-1 et 2 du Code de Justice Administrative définissent le statut du juge des référés : se plaçant à la date de sa décision, le juge statue « en l'état de l'instruction »par « des mesures qui présentent un caractère provisoire, [et] il n'est pas saisi du principal ». Sa compétence est aussi bien rationae materiae, réaffirmée par le Conseil d'Etat, que rationae loci, imposée par le législateur.
L'apport fondamental de la loi du 30 juin 2000 reste que le juge des référés est un juge unique, c'est-à-dire à la fois un magistrat statuant seul, par voie d'ordonnances, et un organe unique de jugement compétent pour se prononcer sur toutes les variétés de demandes de référé (référés d'urgence, ordinaires ou spéciaux), les cas de collégialité étant rares avec une audience publique et sans conclusion du commissaire du gouvernement. L'existence de ce juge se démontre du seul fait du caractère exécutoire des décisions administratives, affirmé comme principe fondamental du droit public dans le célèbre arrêt Huglo rendu par le Conseil d'Etat le 2 juillet 1982, et du caractère non-suspensif des actes administratifs ; il paraît alors évident que les mesures provisoires du juge des référés doivent pouvoir être prises immédiatement afin d'éviter aux administrés de subir un préjudice exacerbé par la lenteur du procès administratif.
Cette loi fondatrice a fait coup double : outre la sacralisation définitive du juge des référés, elle a empêché les dérives de la voie de fait et introduit deux nouvelles procédures d'urgence: le référé-suspension et le référé-liberté Le législateur a alors parlé d'une « culture de l'urgence », car sa démarche était véritablement de donner un nouveau souffle au juge administratif et, a fortiori, à l'ensemble de la procédure administrative.
Le principe de mise en avant du juge des référés n'en est pas pour autant absolu et certains problèmes juridiques se sont posé après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, tandis que la Cour Européenne des Droits de l'Homme émettait des réserves sérieuses sur la sécurité juridique des requérants et le respect de l'article 6 de la Convention qu'elle est censée protéger.
Le juge des référés bénéficie-t-il à l'heure actuelle d'un statut plus adapté aux mesures d'urgence ? Parallèlement, son champ d'action ne se heurte-t-il pas avec d'autres principes juridiques ?
Si le juge des référés est ancré dans l'ordre interne comme le seul et unique juge de l'urgence, notamment depuis la loi du 30 juin 2000 (I), son champ d'action s'en trouve néanmoins diminué par quelques problèmes d'application, secrétés en partie par des dogmes juridiques qui lui font obstacle (II).
[...] On peut y recourir si l'administration a pris une décision dont l'exécution est imminente, cette exécution créant une situation d'urgence et s'il y a de sérieuses raisons de penser que la décision elle-même est illégale. Deuxièmement, le référé-injonction ou liberté peut être exercé contre une mesure de l'administration portant atteinte à une liberté fondamentale (libre circulation des personnes, liberté du commerce et de l'industrie). Il faut qu'il y ait urgence, et que la mesure présente une illégalité manifeste. Troisièmement, le référé conservatoire permet de demander au juge en cas d'urgence, même sans que l'administration ait pris de décision, toute mesure "utile", sans toutefois faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. [...]
[...] Dans ce cadre, le principe du contradictoire, principe général du droit qui s'applique également aux référés civils, est bien respecté. Pour éviter tout encombrement, une procédure de tri a été prévue : le juge des référés statuant en urgence peut écarter par une ordonnance de rejet les demandes, soit qui n'ont pas de réel caractère d'urgence, soit qui ne relèvent pas du juge administratif, soit qui sont irrecevables ou mal fondées. L'apport inestimable de la loi du 30 juin 2000 pour le juge des référés n'est plus à démontrer, elle est désormais acceptée par tous. [...]
[...] Le renvoi à une formation collégiale est, comme nous l'avons vu, certes possible mais les juges sont alors choisis par les tribunaux administratifs et les Cours administratives d'appel, ainsi que par des membres du Conseil d'Etat. Se pose clairement la question de l'indépendance du juge, puisque l'on constate une interaction des personnes et une connexité dans le traitement affaires plutôt néfastes d'un certain point de vue. Dès lors, certaines interrogations concernant les garanties procédurales, dont doivent naturellement bénéficier les justiciables, viennent immédiatement à l'esprit. [...]
[...] Le juge des référés, du fait de l'urgence, ne peut surseoir à statuer et doit donc prendre la décision sans aucune question préjudicielle au juge judiciaire. L'interprétation de plusieurs textes ne constitue pas la seule entrave aux pouvoirs du juge ; la compétence rationae materiae, par son respect normal, provoque quelques difficultés notoires. Ainsi, les tribunaux judiciaires ont les premiers posé le principe de la limitation de la compétence du juge d'urgence aux litiges dont la connaissance lui appartient quant au fond. [...]
[...] La loi distingue nettement lorsque le juge des référés statue en urgence et lorsqu'il statue dans le cadre de référés que l'on peut qualifier d'ordinaires. Dans la première hypothèse, le juge des référés doit statuer très rapidement et, parallèlement, l'une des conditions exigées pour qu'il prononce une mesure provisoire est justement la condition d'urgence (c'est le cas pour le référé-suspension ou pour le référé-liberté Dans la seconde hypothèse, la condition d'urgence n'est pas exigée et le juge des référés n'a pas l'obligation de statuer en urgence (c'est le cas du référé-constat du référé-instruction ou du référé- provision Toutefois, si, dans cette seconde hypothèse, le juge ne statue pas en urgence, il est possible d'obtenir, dans le cadre de ces trois référés ordinaires et dans un délai relativement court, une mesure provisoire : par exemple, une mesure d'instruction ou une provision sur l'indemnité demandée. [...]
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