Comme l'énonçait Henrion de Pansey, juriste et politicien français, dans De l'Autorité judiciaire en France (1827) « Juger l'Administration, c'est encore administrer », justifiant ainsi le retrait de cette capacité au juge judiciaire. En effet le juge judiciaire désigne à la fois le juge pénal et le juge civil, c'est-à-dire le magistrat qui tranche les litiges entre particuliers qu'on lui soumet relativement à l'application d'une règle de droit. De ce fait, d'après l'expression d'Henrion Pansey et en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut connaître des affaires de l'Administration, car administrer correspond au pouvoir exécutif, indépendant du pouvoir judiciaire.
Le juge judiciaire est incompétent en matière administrative, autrement dit dans la branche du droit public qui concerne la gestion des activités de service public. Ce principe du dualisme juridictionnel a été établi sous la Révolution française par la loi des 16 et 24 août 1790 et a été réaffirmé par le décret du 16 fructidor an III. L'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 dispose que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. », il était essentiellement question d'empêcher le juge judiciaire de juger l'Administration et de troubler son fonctionnement pour des raisons essentiellement politiques.
[...] Leur compétence n'est ni générale ni absolue. De ce fait, la jurisprudence a prévu deux cas où cette compétence s'applique : l'emprise irrégulière et la voie de fait. L'emprise désigne l'action de l'Administration qui consiste à déposséder un particulier d'un bien immobilier légalement ou non, totalement ou partiellement, à son profit ou au profit d'un tiers. L'emprise est régulière lorsqu'un texte l'autorise à déposséder un particulier par exemple dans le cas des expropriations pour cause d'intérêt public notamment en Vendée suite à la tempête Xynthia. [...]
[...] Selon lui, en interprétant un règlement administratif, le juge judiciaire ne méconnait pas ces textes fondamentaux. Il ne trouble pas non plus les opérations de l'Administration puisqu'il dit simplement le droit établi par un règlement qui n'est pas suffisamment clair. Ce n'est pas le juge civil qui s'immisce dans le droit judiciaire dans ce cas, il lui est simplement subordonné, il est la bouche qui prononce les paroles édictées par le règlement. Mais encore il considère même que le juge civil respecte le règlement administratif en révélant au grand jour son sens. [...]
[...] Selon lui l'appréciation de la légalité vient troubler l'activité administrative puisqu'il s'agit de se prononcer sur l'utilisation efficiente de ses pouvoirs par l'Administration et contrevient de ce fait au principe de dualisme juridictionnel. Ce principe est repris par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1988. La Cour de cassation a estimé que le juge prud'homal ne pouvait se déclaré autorisé à apprécier la régularité de la décision de l'inspecteur du travail, agent de l'Administration, d'accorder le licenciement de M. Y par M. [...]
[...] Ce régime a été initié par le Tribunal des Conflits le 8 avril 1935 dans son arrêt intitulé Action française. Dans cet arrêt le Préfet de Police de Paris avait pris un arrêté concernant la saisie du journal Action française sur l'ensemble du département dans le cadre des troubles de février 1934 occasionnés par les ligues d'extrême droite. Les tribunaux avaient été saisis sur le fondement d'une atteinte à la liberté de la presse. Le Tribunal des Conflits a considéré que cet arrêté excédait ce qui était nécessaire pour le maintien de l'ordre public en étendant la saisie à l'ensemble du département, et que, de ce fait, il constituait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de la presse constitutive d'une voie de fait dont le contentieux relève du juge judiciaire. [...]
[...] En effet, le commissaire du gouvernement estime que le juge civil est compétent pour apprécier la légalité des règlements qui portent sur un domaine qui relève de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Ainsi en matière d'impôts indirects, de liberté individuelle, d'état des personnes, et de propriété immobilière le juge civil est compétent pour apprécier la régularité des règlements qui s'y rapportent. Par ailleurs, si toutefois le juge judiciaire venait à violer ces principes il serait stoppé par l'autorité administrative puis par le Tribunal des Conflits. [...]
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