« Les procédures d'urgence sont atteintes d'une infirmité congénitale qui les empêche d'être réellement efficaces et les maintient dans une situation d'infériorité par rapport au référé civil, modèle d'une justice idéale de l'urgence » Cette affirmation de R.Vandermeeren montre avec éloquence à quel point l'urgence fut longtemps très éloignée de la culture d'un juge administratif français pour lequel « juger l'administration, c'est encore administrer ».
Une mesure d'urgence présente l'intérêt pour le justiciable de saisir rapidement la justice afin de suspendre l'exécution d'une décision administrative jusqu'à ce que le jugement au fond ait lieu. Elle est donc normalement accessoire et, dans ce cadre, le juge ne prend théoriquement que des mesures provisoires. Pourtant ces mesures d'urgence, de part la grande tradition française du « privilège du préalable » (M. Hauriou), ont été considérées comme quantité négligeable et leur application a été extrêmement restreinte par le juge : le sursis à exécution, principale mesure d'urgence, était exceptionnellement accordée et dans des conditions très restrictives (il fallait des conséquences difficilement réparables et un moyen sérieux, transformé au fil de la jurisprudence en moyen fondé).
[...] La réforme du 30 juin 2000, évolution plus que révolution du contentieux administratif, présente des effets encore incertains. II Une réforme aux effets encore incertains La réforme des procédures d'urgence, bien que salutaire, n'en est pas moins inaboutie et trop timide. L'urgence est conditionnée par le poids de la tradition administrative et par le juge administratif elle présente également des risques inhérents à la rapidité des nouvelles procédures Une urgence conditionnée Le maintien du privilège du préalable La règle fondamentale du droit public Posée par le Conseil d'État (CE juillet 1982, Huglo et autres), la règle du caractère exécutoire des actes administratifs et de la non-suspension des actes en cas de recours est particulièrement éclairante quant à la relation entre l'administration et la justice administrative : il s'agit de ne pas paralyser l'action administrative par l'exécution d'office des décisions. [...]
[...] En effet, le référé liberté laisse une grande marge d'appréciation au juge administratif dans la définition de la notion de liberté fondamentale. Ainsi, la notion recouvre aujourd'hui les libertés du bloc de constitutionnalité (libertés individuelles) mais ne trouve pas d'ancrage au sein de la CEDH : en effet, le juge administratif privilégie quasi systématiquement la source constitutionnelle en témoigne l'arrêt CE janvier 2001, Commune de Venelles qui érige en liberté fondamentale le principe de libre administration des collectivités territoriales à partir de l'article 72 de la Constitution. [...]
[...] Le référé liberté, un nouvel instrument entre les mains du juge administratif Une volonté de rupture avec le passé : le référé liberté 521-2 CJA) Cette création, qui a motivé la réforme de 2000, paraît fondamentale en tant qu'elle offre aux victimes d'agissements de l'administration, atteintes dans leurs droits essentiels un recours équivalent au référé judiciaire et donne au juge administratif un statut officiel de protecteur des libertés individuelles face à l'administration agissant dans ses fonctions (contrairement à la voie de fait où l'administration s'est octroyée un pouvoir sans aucune base légale). Une réforme novatrice, car elle s'applique aux personnes publiques et personnes privées gérant un service public, à des agissements en plus des décisions et n'est pas déterminée par une obligation de demande au fond. Elle est conditionnée par l'urgence et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. [...]
[...] L'existence de degrés dans l'urgence tout comme la subjectivité du juge administratif fragilise ainsi la notion. Un référé liberté limité La notion de liberté fondamentale est tributaire de la politique jurisprudentielle en matière de référé et, si le juge administratif a consacré nombre de libertés individuelles en libertés fondamentales, la majorité des droits à prestations ou droits créances sont exclus du champ d'application de l'article L521-2 et induisent un biais dans l'égalité juridique des administrés. Par exemple, le droit au logement (CE Association de réinsertion du Limousin), le droit à la santé (CE Bunel) qui, bien que principe à valeur constitutionnelle, n'entre pas dans le champ du référé liberté. [...]
[...] Extension des pouvoirs du juge Le pouvoir d'injonction reconnu au juge administratif La loi du 30 juin 2000 confère au juge administratif un pouvoir d'injonction effectif qu'il s'était toujours refusé à admettre jusqu'à la veille de l'entrée en vigueur de la réforme : désormais, même les décisions de rejet sont susceptibles d'être suspendues (CE Ouatah qui opère un revirement de jurisprudence par rapport à CE Amoros : pas de sursis à exécution pour les décisions de rejet). En matière de référé liberté, le pouvoir d'injonction est étendu puisque le juge peut faire cesser une abstention et obliger à l'action, pouvoir important en matière de protection du droit des étrangers. [...]
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