Dans un ouvrage de doctrine juridique de 1999, René Chapus s'intéresse à l'administration et
à son juge, dont il considère les rapports comme complexes et changeants. Il met en perspectives
l'évolution de cette relation avec la modification de l'Etat de droit, sensé être garanti par le juge :
« l'Etat de droit ne cesse de changer ; il change sans cesse en se compliquant sans cesse. ». En effet,
sous l'influence du droit européen notamment, le droit administratif s'enrichit et, selon Chapus,
évolue peu à peu vers un « droit des libertés publiques ».
La question des libertés publiques en lien avec la sécurité juridique est au centre des débats
actuels et des réflexions du Conseil d'Etat. En effet, dans un rapport du CE de 1991, sa rédactrice,
Françoise Chandernagor, alerte sur les risques d'insécurité juridique dans la production juridique
française. Quinze ans après, la sécurité juridique est solennellement reconnue par une décision de ce
même Conseil d'Etat (Arrêt 24 mars 2006,KPMG et autres) qui en fait le thème de son rapport
public de 2006. La garantie des libertés des administrés est a donc mise en lumière comme l'un des
objectifs principaux des juridictions administratives et ce, notamment sous l'influence du droit
communautaire et des innovations du droit administratif.
Face à ces évolutions, le juge administratif s'adapte, s'éloignant de plus en plus de son
modèle originel de « juge administrateur » : « le juge administratif a été administrateur avant d'être
juge ». La loi des 16 et 24 Aout 1790, dite loi du « ministre juge », instaure une soustraction de
l'administration au droit commun, et sousentend donc l'existence de juridictions spéciales
consacrées aux actes de l'administration. Le système de « justice retenue » apparu avec la création
du CE en 1799 ou la reconnaissance du dualisme juridictionnel par la loi de 1872 consacrent cette
spécificité de l'administration. Ainsi, l'administration a elle-même crée son propre juge. Les
instances administratives semblent alors jouer un rôle de protection de l'administration et le juge
administratif peut apparaître, aux yeux des administrés, à la fois comme juge et partie.
Le rôle du juge a donc changé. Au départ protecteur de l'administration, il semble qu'il devienne, de
façon plus ou moins efficace, un garant des libertés publiques des administrés.
Ainsi, il semble intéressant de souligner les différentes modifications du rôle du juge
administratif . Il convient alors de se demander comment le rôle du juge administratif a pu évoluer,
l'amenant peu à peu à devenir un protecteur des libertés de l'administré sans toutefois renier sa
fonction originelle de protecteur de l'administration.
Dans un premier temps, il convient de montrer comment le juge administratif tend à devenir
un juge qui protège plus efficacement l'administré (I). Puis, dans un second temps, il faut toutefois
souligner l'existence de réticences des juridictions administratives à évoluer, qui amènent le juge
administratif à conserver son apparence originelle de protecteur de l'administration.
[...] D'administrateur, le juge est devenu un garant des libertés publiques de l'administré. Toutefois, son rôle de protection du justiciable semble entaché par son image persistante de protecteur de l'administration : le juge administratif possède donc un double visage. Bibliographie : Chapus René, L'administration et son juge, PUF Gaudemet Yves, Le juge administratif à l'aube du XXI ème siècle, Presses universitaires de Grenoble Rapport du Conseil d'Etat de 1991 Gonod Pascale, Etre et paraître, AJDA mars 2007, p. [...]
[...] I Un juge administratif qui devient peu à peu un protecteur efficace de l'administré . Sous l'impulsion du droit communautaire et de l'évolution du droit administratif le juge administratif tend à devenir un garant des libertés publiques de l'administré. A. Un juge administratif garant des libertés publiques sous l'impulsion du droit communautaire . Dans son rapport de 2006, le Conseil d'Etat s'intéresse à la notion de sécurité juridique notamment consacrée dans l'arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE, 30/09/03, Köbler) et plus récemment dans un arrêt de 2006 (CJCE mars 2006, Rosmarie Kapferer contre Schlank & Schick). [...]
[...] Ainsi, le juge administratif apparaît comme un garant des libertés publiques et devient un protecteur efficace de l'administré notamment sous l'impulsion du droit communautaire et des évolutions du droit administratif. Néanmoins, la France continue à être condamnée par les instances européennes pour ne pas assez remplir son rôle de protecteur du justiciable. Le juge administratif semble conserver une apparence de protecteur de l'administration. II . malgré l'apparence d'un protecteur de l'administration. Avant d'être juge, le juge administratif est d'abord un administrateur qui semble continuer à protéger l'administration A. [...]
[...] La sécurité juridique apparaît comme l'un des principes généraux fondamentaux du droit communautaire. La garantie de l'Etat de droit, de la non-discrimination ou encore le droit à un procès équitable sont autant de principes communautaires consacrés par la CJCE et par les juridictions françaises. L'application du droit au procès équitable, à travers la théorie des apparences, illustre cette influence exercée par les cours européennes. En effet, de récents débats agitent les spécialistes du droit. La CJCE a condamné à plusieurs reprises la France pour l'irrespect de ce principe concernant le rôle du commissaire du gouvernement, notamment en 2001 (7/06/01, CJCE, Kress) et en 2006 (12/04/06, CJCE, Martinie). [...]
[...] et des évolutions du droit administratif Depuis la création des juridictions administratives, le droit administratif n'a cessé d'évoluer sous l'impulsion du droit communautaire depuis le milieu du XXème siècle mais également sous l'influence de la doctrine et l'apparition d'innovations. En effet, de nouvelles théories ont enrichi le droit administratif afin de mieux protéger l'administré. La théorie du juge unique apparue à la fin du XXème siècle s'inscrit dans cette tendance. Le législateur est revenu sur le principe général de collégialité et a instauré des exceptions. En matière de référé, et notamment de référé liberté, un seul juge siège. [...]
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