La Constitution détermine les règles selon lesquelles s'acquiert, s'exerce et se transmet le pouvoir politique. Mais elle fixe également les règles fondamentales d'organisation de l'Etat. En ce sens, le juge administratif, juge opérant dans une des juridiction administrative (Conseil d'Etat, cours administratives d'appel, tribunaux administratifs et juridictions administratives spécialisées), est confronté à des litiges impliquant une ou plusieurs normes constitutionnelles. L'existence du Conseil constitutionnel et donc d'un juge constitutionnel à part entière ainsi que la constitutionnalisation du système juridique français imposent une réflexion sur la relation qu'ont les deux institutions et posent plus particulièrement la question de l'empiètement du juge administratif sur les compétences du Conseil constitutionnel.
Afin de déterminer si le juge administratif peut être considéré comme un juge constitutionnel, l'étude de la distinction dans les textes et de la confrontation dans la pratique des compétences du juge administratif et du Conseil constitutionnel (I) ainsi que de l'empiètement du juge administratif sur les compétences du Conseil constitutionnel (II) s'avère nécessaire.
[...] Si l'administration prend une mesure contraire à la Constitution, le juge administratif l'annulera. En effet, il se refuse, comme tout juge ordinaire en France, à contrôler la conformité d'une loi à la Constitution, c'est-à-dire à examiner l'exception d'inconstitutionnalité à l'encontre de la loi, comme vu précédemment et comme en témoigne l'arrêt du Conseil d'Etat Arrighi du 6 novembre 1936 : cet examen est réservé au Conseil constitutionnel. Néanmoins, le juge administratif censure les actes administratifs pris en méconnaissance d'une règle constitutionnelle. [...]
[...] Ce sont des principes non écrits, mais qui sont dégagés par le juge administratif et qui s'imposent à l'administration. Ils sont exprimés dans la jurisprudence du Conseil d'Etat depuis une cinquantaine d'années et constituent une source essentielle de la légalité. Le Conseil d'Etat en consacre d'ailleurs l'existence dans deux grands arrêts Dame Trompier-Gravier du 5 mai 1944 et Aramu du 2 octobre 1945. Ces principes sont très nombreux ce qui empêche une liste exhaustive mais on peut notamment citer la liberté d'aller et venir du commerce et de l'industrie, l'égalité sous des formes diverses ou encore le principe de la continuité des services publics dont le Conseil constitutionnel a fait un principe de valeur constitutionnelle dans une décision du 25 juillet 1979. [...]
[...] Le juge administratif, révélateur de droit, précède parfois le Conseil constitutionnel dans la consécration de principes constitutionnels et fondamentaux Le juge administratif a pour mission de faire respecter l'intérêt général. Il doit donc être attentif à l'évolution de la société et des mœurs et modifier sa jurisprudence en ce sens. Parfois plus rapide à saisir ces évolutions que le Conseil constitutionnel, le juge administratif consacre parfois des principes dans sa jurisprudence que le Conseil constitutionnel reprendra pour les élever au rang constitutionnel Les principes généraux du droit Ainsi, en témoigne l'apparition des principes généraux du droit. [...]
[...] Lorsque la loi est antérieure au traité, aucun problème ne se pose pour l'application puisque la ratification du traité suppose la conformité de la loi à ce dernier (c'est-à-dire un accord de la loi du pays avec les dispositions du traité signé et ratifié). Mais lorsque la loi est postérieure au traité, le Conseil d'Etat donnait sa préférence à la loi nationale, expression de la souveraineté nationale. En effet selon la jurisprudence des semoules (arrêt du Conseil d'Etat du 1er mars 1968 syndicat des fabricants de semoules de France la loi faisait écran entre l'acte administratif et le traité. Cette position du Conseil d'Etat était alors en contradiction avec celle du Conseil constitutionnel dans ses décisions du 31 octobre 1988. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel en fait de même dans une décision du 16 juillet 1971 relative au droit d'association. De même, le Conseil d'Etat reconnaît valeur de droit positif à la Déclaration des droits de 1789 dans l'arrêt Condamine du 7 juin 1957. Enfin, le Conseil d'Etat consacre la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958 dans un arrêt Société Eky de 1960 qui fait également référence à la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel suivra le Conseil d'Etat le 16 juillet 1971 en affirmant dans un arrêt que le Préambule fait corps avec la Constitution et a une place identique Tous ces textes forment un bloc de constitutionnalité dont le respect s'impose à l'administration. [...]
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