Juge administratif - Economie - Droit de la concurrence - CJUE - CEDH - Droit des contrats.
Dans son article « Le droit administratif français saisi par la concurrence » publié en 2000 (AJDA), Jacques Caillosse estime que l'économie est devenue le « patrimoine juridique commun » de tous les juges, y compris le juge administratif.
Au premier abord, l'affinité entre le juge administratif et l'économie est loin d'être évidente, tant ce champ apparaît modelé par des relations privées. Pourtant, une mise en perspective historique révèle qu'il n'y a jamais eu de cloison étanche entre le juge administratif et l'économie. Au XIXe siècle, il avait pu sembler que l'économie « intimidait » ou « ennuyait » le juge administratif, qui donnait parfois l'impression de la considérer comme un « contentieux de gouttière » (Christine Bréchon-Moulènes). Toutefois, son rôle dans l'économie n'en était pas moins notable : ses décisions concernant la propriété, le contrat, ou l'égalité civile, avaient beaucoup à voir avec la vie économique. Mais c'est au XXe siècle, alors qu'évoluent les modes d'intervention de l'Etat dans le jeu des marchés - tantôt dans le sens d'une emprise plus importante (années 1930, « trente glorieuses »), tantôt dans celui d'un désengagement (depuis la fin des années 1970) - que le juge administratif revendique définitivement une partie du contentieux économique, au détriment du juge judiciaire. Depuis lors, ce dernier a toujours opéré un travail de contrôle des interventions de l'Etat dans l'économie, via une annexion progressive de certains contentieux des services publics industriels et commerciaux, des assurances sociales, des ordres professionnels, etc.
Depuis une quinzaine d'année, l'influence du juge administratif sur l'économie semble avoir franchi une nouvelle étape, alors que s'opéraient en France des changements juridiques profonds, à commencer par la montée en puissance du droit communautaire ou la création de nouvelles autorités administratives indépendantes. Déjà très développée en matière contractuelle et à propos des expropriations, la jurisprudence administrative est devenue - en s'emparant du droit de la concurrence au tournant des années 2000 - « très offensive » en matière de régulation des marchés (Marie-Anne Frison Roche).
Par sa jurisprudence, le juge administratif doit concilier la protection de l'intérêt général et celle des intérêts économiques particuliers. Comment le juge administratif contribue-t-il à la régulation de l'économie, pour assurer un équilibre entre ces deux intérêts légitimes ? Son activité de contrôle de l'intervention de l'État est elle légitime et efficace ?
[...] TC octobre 1999, Aéroports de Paris : à charge pour le juge administratif d'appliquer le droit de la concurrence le juge administratif n'accepte d'appliquer les règles de la concurrence que tardivement. o Jusqu'en 1996, le juge administratif se refusait obstinément à appliquer les règles de concurrence (CE 23 juill Compagnie générale des eaux). C'est la raison pour laquelle le législateur a complété, en 1995, l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour étendre son champ d'application aux conventions de délégation de service public. [...]
[...] Cette première question se dédouble d'une seconde remise en cause : la technique juridique du contentieux administratif est-elle adaptée au droit économique ? La procédure est-elle suffisamment transparente, alors que l'autorité du juge économique repose sur son aptitude à convaincre de son impartialité, et suffisamment rapide, alors que l'économie fonctionne en temps réel ? Il est fréquent que la compétence du juge administratif soit mise en cause. Je citerai notamment le travail de N. Charbit dans son article, Marée haute et écueils de la jurisprudence du Conseil d'État en matière de concurrence. [...]
[...] o L'émergence d'un principe de non-concurrence La première question qui a préoccupé le juge administratif a été de déterminer sous quelles conditions une personne publique avait le droit de créer un service alors que des personnes privées le rendent déjà. Par son interprétation du principe de liberté de commerce et de l'industrie, elle a dégagé un principe de non-concurrence qui réserve au secteur privé l'exercice des activités industrielles et commerciales, le secteur public n'intervenant qu'à titre résiduel et subsidiaire. Pour citer le Rapport du Conseil d'État de 2002, Collectivité publique et concurrence : Le principe de liberté de commerce et d'industrie est compris depuis toujours comme s'appliquant à la seule initiative privée, et comme ayant pour objet la protection de celle-ci o Les critères justifiant des atteintes à ce principe de non- concurrence ont été précisés dans l'arrêt Chambre syndical du commerce en détail de Nevers (CE mai 1930). [...]
[...] En matière économique, le contrôle du juge administratif a d'abord porté sur la légitimité de l'intervention de l'État 1. La jurisprudence administrative a très tôt consacré un principe de liberté du commerce et de l'industrie La question du contrôle du juge administratif sur la légalité de l'interventionnisme des personnes publiques se pose d'abord par rapport au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. La valeur juridique, le contenu, et la portée de ce principe ont peu à peu été précisés par le juge administratif. [...]
[...] Pourtant, une mise en perspective historique révèle qu'il n'y a jamais eu de cloison étanche entre le juge administratif et l'économie. Au XIXe siècle, il avait pu sembler que l'économie intimidait ou ennuyait le juge administratif, qui donnait parfois l'impression de la considérer comme un contentieux de gouttière (Christine Bréchon- Moulènes). Toutefois, son rôle dans l'économie n'en était pas moins notable : ses décisions concernant la propriété, le contrat, ou l'égalité civile avaient beaucoup à voir avec la vie économique. [...]
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