Primauté, Cour de justice de l'Union européenne, responsabilité de l'Etat, hiérarchie des normes, directives, règlements, norme de transposition, suprématie, article 55 de la Constitution, Conseil d'Etat
L'observation de l'évolution du droit administratif depuis la seconde moitié du XXème siècle ne peut être appréhendée fidèlement en dehors du prisme communautaire, tant les conséquences de l'intégration européenne ont bouleversé les habitudes quotidiennes de nos juridictions.
Si elle est le fruit d'un dialogue des juges rendu nécessaire dans une optique d'efficacité et de rapprochement, elle est surtout l'expression de la prééminence du droit de l'Union européenne qui trouve son expression dans le principe de primauté de ce dernier.
Le principe de primauté est issu de la jurisprudence de la Cour de justice qui l'a consacré pratiquement dès le début de l'existence des communautés (CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. Enel), comme le préalable nécessaire à l'uniformité du droit de l'Union dans les États membres. Ainsi, en vertu de celui-ci, le droit communautaire s'impose aux droits nationaux y compris dans leur propre ordre
juridique quelque soit la norme opposée par les autorités en cas de conflit de norme, ce qui entraîne diverses conséquences qu'il y aura lieu d'analyser de façon plus conséquente.
Cette jurisprudence audacieuse au regard du silence des traités initiaux n'a cependant pas toujours été bien reçue par les juridictions nationales qui y voyaient une atteinte à la souveraineté de l'État dans des domaines qui leur étaient chers.
Outre cet aspect plus politique que juridique, la primauté du droit de l'Union européenne peut susciter par ailleurs plusieurs difficultés pratiques du fait que ce droit trouve son expression non seulement à travers diverses normes telles que celles issues du droit primaire, mais aussi à travers celles issues du droit dérivé (directives, règlements, décisions).
En ce qui concerne le droit français, si on peut avancer de façon péremptoire que les différents traités constitutifs ont une valeur supérieure à la loi sur le fondement de l'article 55 de la Constitution, les actes comme les directives ou règlements édictés par les institutions européennes, bien que subordonnées aux dispositions conventionnelles, s'imposent néanmoins aux autorités nationales sur le fondement de l'article 288 du TFUE.
Sur cette question spécifique, la Cour de justice a établi une primauté qu'on pourrait considérer comme globale puisque l'ensemble de ces normes s'impose au droit interne des États membres ce qui entraine plusieurs conséquences concernant les normes prises par les institutions puisque celles-ci peuvent être invoquées, dans de nombreux cas, par les particuliers devant leurs juridictions nationales.
Ce faisant, s'il en est une manifestation flagrante, cet effet direct ne doit pas être confondu avec le principe de primauté puisque ce dernier en est le préalable nécessaire.
Le juge administratif a été très tôt sensible à ces problématiques, puisqu'étant juge de l'administration et donc de l'intérêt général, il ne peut être évidemment indifférent à la souveraineté étatique, mais doit néanmoins la conjuguer avec le respect des droits des administrés, reconnus notamment par les normes supranationales édictées par l'Union européenne.
À la lumière de ces différents éléments, il est intéressant d'examiner comment a été appréhendé le principe de primauté par le Conseil d'État et la portée de celui à travers sa jurisprudence.
[...] Par conséquent, le Conseil d'Etat vérifiera la conformité de l'acte incriminé à la Constitution seulement en cas de carence du droit de l'Union européenne ce qui, au regard de la convergence des ordres juridiques notamment en matière de droits fondamentaux, sera de moins en moins fréquent Au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat, on s'aperçoit dès lors que le principe de primauté du droit de l'Union européenne a été réceptionné assez fidèlement en droit interne avec cependant quelques limites qui, dans le souci d'une bonne coordination et de cohérence, sont néanmoins appréciées de manière relative. Si la réception du principe de primauté est une chose, ses applications concrètes en sont une autre, élément qui transparait dans différents domaines. [...]
[...] Cette question cruciale peut s'étudier selon deux aspects : un relatif au droit primaire et l'autre touchant au droit dérivé. En ce qui concerne le droit primaire, la jurisprudence du Conseil d'Etat a été assez évolutive, dans un cadre général englobant également, les relations entre la loi et les conventions internationales à l'aune de l'article 55 de la Constitution. A ce sujet, la haute juridiction reconnait depuis 1952 la primauté des traités internationaux mais refusait cependant d'aller jusqu'à l'appliquer aux lois postérieures (CE er mars 1968, Syndicat général des fabricants de Semoule), marquant une position plus rigoriste que celle adoptée par la Cour de cassation depuis 1975. [...]
[...] Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a précisé notamment qu'un ministre prenant une circulaire devait autant que possible interpréter la loi conformément au droit de l'Union européenne. Il s'agit donc, comme on le voit, d'une primauté influant non seulement sur la validité mais également sur l'interprétation des normes nationales. Selon une logique similaire, les autorités administratives ne peuvent laisser subsister des dispositions règlementaires contraires au droit de l'Union européenne (CE février 1989, Compagnie Alitalia). Le Conseil d'Etat en a déduit une obligation de retrait de l'acte litigieux à la charge de l'administration dont le non respect entraine l'annulation de la décision de refus voire de la décision règlementaire initiale si le juge est saisi d'une injonction en ce sens, selon les règles procédurales actuellement en vigueur. [...]
[...] La construction progressive d'un régime de responsabilité de l'Etat Le principe de primauté du droit de l'Union européenne oblige l'Etat à se conformer aux obligations qui découlent tant du droit primaire que du droit dérivé. Parmi ces obligations on peut citer notamment celles relatives à son obligation de transposition des directives ou celles relatives à la nécessaire compatibilité des normes nationales au droit de l'Union européenne. La Cour de justice de l'Union a sur ce principe estimé que le non respect de ces obligations entraine la responsabilité de l'Etat défaillant qui doit ainsi réparer les préjudices causés aux particuliers du fait cette violation (CJCE Francovich) même quand celle-ci résulte de l'attitude du législateur (CJCE Brasserie du pêcheur) ce qui démontre la conception très poussée de la primauté par les juges de Luxembourg. [...]
[...] Ainsi, le Conseil d'Etat reconnait la responsabilité de l'Etat pour les normes incompatibles avec le droit de l'Union sans qu'il n'ait pour autant précisé ce qu'il adviendrait quand cette violation serait issue de la loi. La jurisprudence récente, reconnaissant la responsabilité de l'Etat en cas violation par la loi d'une convention internationale ass février 2007, Gardelieu) semble ouvrir une voie nouvelle et intéressante qui trouvera à s'appliquer, à n'en pas douter, dans la perspective d'une violation du droit primaire de l'Union européenne par des dispositions législatives quand le Conseil d'Etat sera saisi de cette question. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture