Le juge administratif est souvent considéré comme un « juge de droit interne » ou un « juge de droit français ». Cette affirmation de M. Odent, qui donne l'impression d´un droit administratif français exclusivement interne, est reprise et développée par M. Auby soulignant que la compétence du juge administratif se limite à résoudre des litiges dont la solution se trouve « dans la seule application des règles de droit interne ». Cependant, si ces assertions, qui font du droit administratif un ordre juridique replié sur lui-même et fermé à tout autre droit extérieur, se sont avérées justes dans le passé, il conviendrait aujourd'hui de les nuancer.
En effet, depuis une soixantaine d´années, le droit administratif français s'est vu s'internationaliser. Celui-ci regroupe l´ensemble des règles définissant les droits et obligations de l'Administration, c'est-à-dire du gouvernement et de l'appareil administratif et règle le rapport entre l´Administration et les administrés. Il correspond à un régime juridique qui s'applique à l'ensemble des activités administratives, et est exorbitant du droit commun. Ses règles juridiques s'appliquent à toutes les activités des personnes publiques.
[...] Le droit administratif français va donc devoir introduire les actes internationaux, processus qui ne se fera pas sans difficulté mais qui va conduire le juge administratif à remplir une mission nouvelle, plus large qu´auparavant (II.). I. L´introduction des traités et accords internationaux en droit français : un processus difficile, mais nécessaire L´introduction des traités et accords internationaux dans le droit français constitue une étape indispensable à l´internationalisation du droit administratif. Cependant, les débuts de cette insertion furent difficiles (A.). Mais la nécessité de cette introduction prendra le dessus, encouragée par le contexte européen (B.). [...]
[...] Pourtant, à partir de l´arrêt Gisti, du 29 juin 1990, le Conseil d´État met fin à cette jurisprudence remontant à la décision du 23 juillet 1823, Veuve Murat, en estimant qu´il appartient au juge administratif lui-même d´interpréter les actes et accords internationaux. Celui-ci peut toujours, en cas de difficulté, demander l´avis du ministre, mais il ne sera nullement lié à son interprétation. Ainsi, le juge administratif ne se trouve plus délégué à une autorité gouvernementale - De plus, la décision de ratification d´un traité n´est plus aujourd´hui un acte de gouvernement. En effet, depuis la décision du Conseil d´État du 18 décembre 1998, SARL du parc d´activités de Blotzheim, c´est le juge administratif qui contrôle sa régularité. [...]
[...] C´est la naissance du contrôle de conventionalité des traités par le juge administratif. - Si le Conseil d´État français fut parmi les dernières juridictions à reconnaître la pleine primauté des conventions internationales sur la loi interne, il n´en a pas mois instauré une sanction très sévère : la non- application ou la mise à l´écart de la loi non conventionnelle. - Jusqu´en 1990, le Conseil d´État ne s´estimait pas compétent pour interpréter un traité international auquel la France était partie. [...]
[...] Cela est même possible, selon l´arrêt du Conseil d´État Aggoun, du 5 mars 2003, lorsque le délai de recours est dépassé, par voie d´exception. - Ainsi, le juge administratif, souvent qualifié, on vu, de juge purement français ou interne, devient, en tant que juge national, le premier à appliquer le droit européen. C´est ce qu´il fait dans l´arrêt du 3 février 1989, Compagnie Alitalia, en obligeant l´auteur dont le règlement était devenu illégal du fait de l´intervention d´une directive dont il ne respecte pas les objectifs, à abroger son règlement. [...]
[...] Cependant, plusieurs facteurs vont finalement conduire le Conseil d´État à franchir le pas. B. Une insertion finalement nécessaire, encouragée par le contexte européen Une différence peut être faite entre les traités en général et le droit communautaire L´introduction des traités en droit français - Développement de la conception moniste avec la Constitution de 1946, selon laquelle le droit international et le droit national appartiennent au même ensemble juridique. C´est en effet son préambule qui affirme déjà que la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international et que sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l´organisation et à la défense de la paix Plus particulièrement, l´article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que les traités ou accords régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi La Constitution du 4 octobre 1958, plus exactement son article 55 va plus loin, en édictant que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l´autre partie - Depuis la décision Dame Kirkwood, rendue par le Conseil d´État le 30 mai 1952, il est admis que la violation d´un acte international puisse être invoquée à l´appui d´un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif, même si celui-ci faisait une application juste d´une norme nationale. [...]
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