« L'intérêt général se situe, depuis plus de deux cents ans, au cœur de la pensée politique et juridique française, en tant que finalité ultime de l'action publique ». Telle est l'une des conclusions du rapport du Conseil d'État de 1999 sur l'intérêt général.
Pourtant, précise le doyen Vedel, la notion d'intérêt général reste imprécise et incertaine eu égard à sa définition. On oppose traditionnellement deux conceptions de l'intérêt général. La première est dite « utilitariste ». L'intérêt général est la somme de tous les intérêts particuliers. C'est la conception qui prévaut dans le Common Law. La deuxième est dite « volontariste ». L'intérêt général transcende la sphère des intérêts particuliers, égoïstes et mercantilistes. Cette conception pose comme nécessaire l'intervention de l'État, seul habilité à incarner l'intérêt général en transcendant et en dépassant les seuls intérêts privés. L'intérêt général en droit administratif français s'inscrit dans cette tradition volontariste dans la mesure où est confiée à la loi, expression de la volonté générale, la mission de définir l'intérêt général qui détermine alors l'action administrative et fonde le contrôle du juge.
Cette conception volontariste de l'intérêt général est donc à l'origine de la conception d'un droit administratif comme « un droit exorbitant du droit commun ». Ainsi, le droit administratif français est l'ensemble des règles régissant le fonctionnement de l'administration et ses relations avec les administrés. Néanmoins, convient-il de préciser que cette notion volontariste de l'intérêt général est aujourd'hui fragilisée.
L'intérêt général peut-il demeurer le fondement de l'action administrative ou est-il condamné à la disparition? Cette notion est-elle entrée en crise ou bien s'agit-il d'une étape nécessaire vers une redéfinition et un rajeunissement de la notion ?
[...] Cela peut donc conduire à des dérives au nom de cette notion-là et de son caractère sacralisé. Sur le plan idéologique ensuite. Là encore, l'intérêt général n'est rien d'autre que l'expression d'un intérêt de classe. On se trouve là dans une vision marxiste de la notion. L'intérêt général des personnes publiques est l'intérêt propre à une classe qui a su s'imposer. Sur le plan économique enfin. L'invocation par l'Etat de l'intérêt général justifie la mise en place de services publics ou de monopoles qui sont autant de dérogations au droit de la concurrence. [...]
[...] Cette jurisprudence évoquée contribue à l'extension du service public non plus seulement exercé par des personnes publiques, mais aussi par des personnes privées. Admettre que des personnes privées puissent poursuivre un intérêt général signifie aussi que l'administration peut ne pas toujours poursuivre cet intérêt et faire défaut. Cela révèle qu'elle peut suivre un intérêt public différent de l'intérêt général. Cette extension de la gestion du service public aux personnes privées est ainsi révélatrice d'une dissociation du lien entre le droit administratif et l'intérêt général ce qui contribue à l'évolution du concept au sein même du droit administratif. [...]
[...] On comprend alors que l'intérêt général en droit administratif français réponde aussi aux mutations, enjeux et évolutions de la société b. Le caractère interprétatif Il revient ainsi au législateur, au gouvernement et au juge administratif ou même constitutionnel d'interpréter cette notion, d'en préciser le contenu et les finalités au prorata des besoins de la société et des mutations économiques, sociales, géographiques, juridiques Cette capacité d'adaptation du concept lui permet d'assurer sa pérennité grâce à une certaine souplesse. Nonobstant la jurisprudence administrative même, la jurisprudence communautaire, voire même constitutionnelle, ont un impact certain sur la notion d'intérêt général en droit administratif français 2. [...]
[...] S'il ne fait aucun doute que l'intérêt général est au cœur du droit administratif français il conviendra de constater que la fragilité et la contestation de cette notion rendent nécessaire une mutation et une redéfinition de ce concept pour assurer sa réhabilitation puis sa survivance dans le système juridique administratif L'intérêt général, une notion mère du droit administratif français. Deswarte) A. L'intérêt général: une notion centrale et un fondement essentiel de l'action administrative 1. L'origine de la notion d'intérêt général en droit administratif français: une vision volontariste (document document 2). [...]
[...] On a donc une notion de droit administratif désacralisée. Néanmoins, la flexibilité du concept rend possible une réhabilitation et redéfinition du concept. En conclusion, l'intérêt général est une notion centrale et fondamentale du droit administratif. Elle a la particularité d'être flexible et de pouvoir ainsi évoluer au gré des besoins et enjeux de la société. Cette adaptation propre à l'intérêt général rend possible une redéfinition et une réhabilitation du concept en droit administratif pour faire face à une fragilisation et une contestation. [...]
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