Intangibilité, ouvrage public, 7 juillet 1853, Robin de Grimaudière, droit de propriété, juge judiciaire, juge administratif, intérêt particulier, intérêt général, pouvoir d'appréciation, principe d'intangibilité
Seul l'immeuble, ou le meuble s'il constitue l'élément accessoire indissociable d'un immeuble, ou incorporé à celui-ci, peut recevoir la qualification d'ouvrage public. La jurisprudence a clairement défini cette notion comme étant : "un immeuble résultant du travail de l'homme et répondant par son usage aux besoins du public, d'un service public ou à un but d'intérêt général". Affecté à l'utilité publique, l'ouvrage public bénéficie d'une protection particulière, puisque sa destruction engendrerait un trouble à l'intérêt général.
[...] En effet, si l'administré lésé pouvait se voir verser des dommages-intérêts, il devait s'accommoder de la construction de l'ouvrage mal implanté. En vertu du principe absolu d'intangibilité de l'ouvrage public, le juge judiciaire se trouvait dans l'impossibilité de prescrire des mesures promptes à porter atteinte au fonctionnement de l'ouvrage public (T.confl février 1956, Consorts Sauvy c/l'État), toute destruction de l'ouvrage public mal implanté était donc exclue. Toutefois ce régime juridique protecteur, en dépit de la reconnaissance de la jurisprudence, n'était pas exempt de critiques. [...]
[...] La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi rendu plusieurs décisions, tendant à confirmer la tangibilité sous conditions, dégagée par le droit français. Dans un de ces arrêts, la Cour a affirmé que le principe d'intangibilité de l'ouvrage public était incompatible avec le droit au respect des biens codifié à l'article 1er du protocole additionnel 1 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH mars 2007, Scodino c/Italie). En conséquence, le souci croissant de construire une administration plus respectueuse des droits des administrés et économiquement réaliste condamne le principe d'intangibilité à demeurer dans les oubliettes du droit administratif français. [...]
[...] Il devra, au surplus, apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général (CE janvier 2003, syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes). Par conséquent, la décision du juge administratif se fondera avant tout sur les caractéristiques matérielles de l'ouvrage et son utilité. Ainsi, dans un arrêt relatif à la démolition d'une piscine municipale (CAA Lyon juillet 2006, Plein sud), le juge administratif a considéré que le bilan était favorable au maintien de l'ouvrage. [...]
[...] Ainsi, le juge judiciaire peut ordonner le déplacement ou la destruction d'ouvrage public mal implanté si la réalisation dudit ouvrage procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative (T.confl décembre 2012, Vidal c/ERDF). Par conséquent, le juge judiciaire est compétent à prononcer la démolition de l'ouvrage public en cas de voie de fait. Toutefois, cette compétence est assortie d'une condition, tenant à l'absence d'engagement par l'administration d'une procédure de régularisation appropriée. De surcroît, le juge judiciaire ne prend pas en compte l'intérêt général, mais se contente simplement de vérifier si aucune procédure de régularisation n'a été engagée. [...]
[...] Avec ce revirement jurisprudentiel, se pose avec acuité, la remise en cause de ce principe d'intangibilité de l'ouvrage public. En d'autres termes, le recul progressif du principe d'intangibilité de l'ouvrage public témoigne-t- il d'une volonté de concilier l'intérêt particulier et l'intérêt général ? Afin d'examiner en détail, la manière dont la jurisprudence a procédé pour reconnaître les intérêts particuliers, il convient de s'intéresser à l'abandon du principe d'intangibilité en tant qu'évolution favorable à l'administré ainsi que le remplacement de ce principe par une tangibilité mesurée (II). [...]
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