Selon Victor Hugo, il ne faut « accepter que le visible et le tangible ». Pourtant en droit administratif, c'est la notion d'intangibilité qui est la source même de la protection de l'ouvrage public. La notion d'ouvrage public doit être distinguée des notions de travail public ou de domaine public, car elles ne se confondent pas, même si elle leur est souvent liée étroitement. La jurisprudence l'a défini comme étant un immeuble résultant d'un travail ou d'un aménagement et affecté à l'intérêt général. Cet ouvrage public est protégé par le principe de l'intangibilité, qui a été dégagé d'un arrêt du Conseil d'État du 7 juillet 1853, « Robin de la Grimaudière ». De cet arrêt ressort l'adage « ouvrage mal planté ne se détruit pas ». Le juge ne peut donc pas décider de détruire un ouvrage public, car ce serait porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement de celui-ci. Cela signifie qu'au cours d'une opération immobilière, si l'administration prenait possession d'un terrain appartenant à une personne privée, sans autorisation d'un acte et y bâtit un immeuble dans un but d'intérêt général, cette possession devient irréversible, laissant au propriétaire pour seul choix de saisir le juge judiciaire en vue d'obtenir une indemnisation. Le juge ne pouvant prononcer la destruction de l'ouvrage se contentait de « valider » ce transfert de propriété. Ce principe était appliqué de façon stricte et rigoureuse par les juges pendant plus d'un siècle et demi. Seulement, il a fait l'objet de nombreuses critiques et de nombreux débats, car certains auteurs comme Maurice Hauriou parlaient d'expropriation indirecte. Cette expropriation portait clairement atteinte au droit de propriété des personnes privées. . De plus, certains arrêts du Conseil d'État et de la Cour de cassation, suivis et approfondis par une loi en 1995 ont semblé ôter au principe d'intangibilité toute sa substance, ce qui pour certains annonce indubitablement l'abandon de ce principe en ce qui concerne la protection des ouvrages publics.
[...] Si tous les juges raisonnent ainsi, on peut facilement comprendre que les cas de démolition se trouvent extrêmement réduits. On peut justifier cela par le fait que l'intérêt général est une notion vague laissée à la libre appréciation du juge. Comme Teboul l'a souligné lorsqu'une notion aussi importante que la notion d'intérêt général est à même de justifier une chose et son contraire, n'y a-t-il pas lieu de craindre, quelle que soit la sagesse du juge, le danger de l'arbitraire ? [...]
[...] Cependant, un arrêt vient dénoter de cette jurisprudence. C'est l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 février 2009 Communauté de commune du canton de Saint Malo Le Conseil d'Etat va venir pointer du doigt les problèmes laissés en suspens depuis 2003, concernant notamment l'interprétation de l'intérêt général que les juges Ont. En l'espèce, il s'agissait d'une communauté de communes qui avait fait construire une cale d'accès à la mer sur le littoral. La cour administrative d'appel avait ordonné la destruction qui ne constituait pas, selon elle, une atteinte excessive à l'intérêt général. [...]
[...] Le juge ne pouvant prononcer la destruction de l'ouvrage se contentait de valider ce transfert de propriété. Ce principe était appliqué de façon stricte et rigoureuse par les juges pendant plus d'un siècle et demi. Seulement, il a fait l'objet de nombreuses critiques et de nombreux débats, car certains auteurs comme Maurice Hauriou parlaient d'expropriation indirecte. Cette expropriation portait clairement atteinte au droit de propriété des personnes privées . De plus, certains arrêts du Conseil d'État et de la Cour de cassation, suivis et approfondis par une loi en 1995 ont semblé ôter au principe d'intangibilité toute sa substance, ce qui pour certains annonce indubitablement l'abandon de ce principe en ce qui concerne la protection des ouvrages publics. [...]
[...] Egalement, dans l'arrêt Chiro contre Italie en date du 11 octobre 2005, la Cour a condamné l'Italie et a réaffirmé que l'expropriation de fait porte atteinte à la prééminence du droit qui n'est pas apte à assurer un degré suffisant de sécurité juridique et qui est incompatible avec le respect des biens de l'article 1er du protocole 1. La pression de la doctrine a réussi à infléchir un principe jusque-là applique de façon stricte et ferme. Suivant les juridictions européennes, les juridictions françaises, ainsi que le législateur ont décidé d'opter de plus en plus pour un abandon de l'application stricte de l'intangibilité des ouvrages publics puisqu'il perd sa vertu première : la théorie de l'expropriation de fait étant abandonnée. [...]
[...] Le droit de propriété est un droit fondamental qui est prévu dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme et qui a été confirmée par le Conseil constitutionnel, et le principe d'intangibilité y porte atteinte sans que l'administration ne puisse être considérée responsable, ou que la personne privée expropriée n'ait le droit à une procédure légale et plus avantageuse pour elle. Effectivement, le versement d'une indemnité intervient seulement a posteriori, au même moment que le transfert de propriété vers l'administration. De plus, elle n'est donnée que si l'exproprié en fait la demande auprès du juge judiciaire, elle n'est pas automatique. C'est pourquoi cette procédure n'offrait aucune garantie, ni aucune sécurité à la personne expropriée anciennement propriétaire. Elle constituait donc une atteinte évidente au droit de propriété en lui-même. [...]
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