L'administration a pour mission de satisfaire l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle elle bénéficie de prérogatives exorbitantes et d'un régime juridique spécial. Comme illustration de ce principe, on trouve la protection spécifique accordée aux biens du domaine public qui se traduit par deux règles : l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité de ces biens.
En droit administratif, l'inaliénabilité des biens signifie que les dépendances du domaine public ne peuvent faire l'objet d'une aliénation qu'elle soit volontaire (vente) ou forcée (expropriation). De même des droits réels civils ne peuvent, en principe, être constitués sur ces biens au profit de particuliers. Ainsi, ces biens sont en quelque sorte « hors commerce ».
Il faut savoir que les biens du domaine public n'ont pas toujours été perçus au sens large. En effet, la jurisprudence a longtemps hésité à incorporer les biens mobiliers au domaine public. Aujourd'hui, cette question ne se pose plus car le nouveau code des propriétés des personnes publiques énonce clairement qu'il trouve à s'appliquer aux biens immobiliers, mobiliers, corporels et incorporels (art L.2).
Concernant la définition du domaine public, elle fut elle aussi établie par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Cependant pour définir aujourd'hui ce qu'est le domaine public il faut s'en référer à l'art L.2111-1 du CG3P qui a quelque peu modifié les règles jurisprudentielles établies. Le code énonce que le domaine public est constitué des biens appartenants à la personne publique et qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. Ainsi, on voit bien que c'est parce que les biens sont au service du public que ceux-ci font partis du domaine public et qu'ils vont donc bénéficier d'un régime protecteur incluant la règle de l'inaliénabilité.
Le principe de l'inaliénabilité des biens du domaine public est très ancien. Il fut établi en 1566 par l'édit de Moulins en réaction à la prodigalité des monarques. Pourtant, les monarques n'en firent pas l'application qu'on en connaît aujourd'hui est c'est plus précisément au XIXe siècle que cette règle se façonna, d'abord dégagée par la doctrine puis reconnue par la jurisprudence et les textes. Le droit de la domanialité publique a fait l'objet d'une refonte massive par le biais du nouveau code de propriété des personnes publiques. Il est aujourd'hui intéressant de se poser la question de savoir qu'est devenu ce principe d'inaliénabilité après tant d'années d'évolutions juridiques.
On présente généralement ce principe comme fondateur de la domanialité publique, au même titre que le service public serait « la pierre angulaire » du droit administratif. Qu'en est-il vraiment ? Peut-on aujourd'hui réellement donner tant d'importance à ce principe ?
Il apparaît que la portée de ce principe tant mis en exergue paraît démesurément exagérée. On verra tout d'abord que cette portée a toujours été discutée et qu'elle n'est pas absolue (I). De plus, il apparaît évident que ce principe a un avenir compromis dans la mesure où les actuelles exigences économiques et européennes ne vont pas dans le sens d'une favorisation du régime de protection du domaine public (II).
[...] C'est ce qui transparaît clairement dans différents arrêts tels que : CE,6 janvier 1967, Epoux Boutot ; CE juin 1971, Etablissements J.Marboise Ainsi, on peut se demander quelle est la valeur d'un principe qui n'existe que parce que l'Administration l'a voulu . C'est la question que se posait déjà Marcel Waline en 1921 dans sa thèse sur Les mutations domaniales En effet, celui-ci met l'accent sur le caractère discrétionnaire de l'acte de déclassement et la grande liberté laissée aux personnes publiques pour disposer de leurs biens. Pour Marcel Waline, l'inaliénabilité n'est que relative et potestative C'est pour cette raison qu'il substitue au principe d'inaliénabilité une règle d'aliénabilité conditionnelle. On pourrait ici s'interroger sur la notion de potestativité qu'évoque Marcel Waline. [...]
[...] Pour lui l'idée d'affectation primait sur l'idée d'appartenance au domaine public. Enfin, il faut aussi souligner le fait que le législateur a privatisé de nombreux domaines en faisant massivement sortir les biens du domaine public sans que cela ne pose trop de difficultés. Ce fut notamment le cas avec la loi du 30 septembre 1986 prévoyant le transfert des biens de l'ancien établissement public Télédiffusion de France à la nouvelle société TF1. Ce fut également le cas avec la loi du 26 juillet 1996 concernant la privation de France Télécom. [...]
[...] En conséquence on peut se demander si le principe d'inaliénabilité n'est pas devenu une exception. En plus du droit interne qui a procédé à un net assouplissement du principe, le droit européen vient également restreindre les protections accordées par l'Etat à ses biens afin de faire respecter un certain principe d'égalité. Le droit européen (au sens large) a aujourd'hui un impact fort sur le droit interne ce qui ne fera que diminuer un peu plus l'importance de ce principe déjà fragile. Le principe d'inaliénabilité mis à l'épreuve du droit européen et communautaire. [...]
[...] Ensuite, il a de nouveau confirmé sa position dans une décision du 21 juillet 1994. Tout d'abord, le conseil semble rejeter la valeur constitutionnelle du principe d'inaliénabilité en se distinguant de la pensée des députés : si les députés auteurs de la saisine invoquent à l'encontre de l'art 1er de la loi le principe selon eux à valeur constitutionnelle de l'inaliénabilité du domaine public ( ) De plus, pour fonder sa décision, le Conseil ne va pas invoquer le principe d'inaliénabilité mais la protection devant être accordée à la continuité des services publics et la protection due à la propriété publique. [...]
[...] Il apparaît que la portée de ce principe tant mis en exergue paraît démesurément exagérée. On verra tout d'abord que cette portée a toujours été discutée et qu'elle n'est pas absolue De plus, il apparaît évident que ce principe a un avenir compromis dans la mesure où les actuelles exigences économiques et européennes ne vont pas dans le sens d'une favorisation du régime de protection du domaine public (II). L'inaliénabilité des biens du domaine public : un principe de portée relative. [...]
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