Comment, entre la subordination au politique et l'autodétermination totale, concevoir la libre administration des collectivités territoriales ? La libre administration, principe inscrit dans la Constitution française, n'est a priori pas le libre gouvernement : l'adjectif “libre” concerne ici l'administration. Si l'on s'en tient aux termes même, la libre administration est d'abord une administration. Est-ce à dire que la libre administration ne consiste pour les collectivités territoriales qu'à appliquer des décisions politiques prises par d'autres autorités ? On peut en effet considérer a priori que l'administration est subordonnée au politique. L'administration, étymologiquement, est « au service » des organes politiques, c'est-à-dire à leur disposition (comme en témoigne l'art. 20 de la Constitution) pour l'application des décisions.
Mais la libre administration implique également de s'interroger sur le sens du terme « liberté », que l'on peut définir comme la faculté d'autodétermination propre aux collectivités territoriales. Comme toute liberté au sens juridique du terme, la liberté des collectivités territoriales suppose des limites, des règles. Il importe que la « libre administration » ne soit pas définie dans son contenu. Car la définir matériellement, ce serait la nier dans son principe même. On voit surgir un premier paradoxe : comment la libre administration, soumise au pouvoir politique en tant qu'administration, pourrait-elle être « libre » si elle consiste pour les collectivités territoriales en la simple exécution des décisions politiques prises par d'autres organes qu'elles ? Peut-on encore parler de liberté ?
[...] Or la pratique du “contrôle de légalité” est bien souvent une coopération entre les préfets représentants de l'Etat et les collectivités territoriales. Le préfet ne fait qu'un usage exceptionnel du déféré préfectoral. Cette coopération implique une certaine conciliation entre les intérêts en jeu, sinon une certaine souplesse du contrôle. Même s'il existe un mécanisme de déféré provoqué (introduit par la loi du 2 mars 1982), le préfet a toute latitude pour y répondre. Le refus du préfet n'est en effet pas susceptible de recours pour excès de pouvoir, car le préfet dispose du pouvoir d'apprécier librement de l'opportunité de déférer ou non un acte Brasseur, 1991). [...]
[...] Le préfet est chargé du contrôle administratif, par la voie du déféré préfectorale. Ce contrôle s'est substitué à la tutelle en 1982. Seuls certains actes doivent faire l'objet d'une transmission au préfet, mais tous les actes peuvent être déférés. In fine, c'est le juge administratif qui tranche le problème juridique, et non pas le préfet lui-même. Il en va ainsi, tout du moins, dans les textes. II. La libre administration des collectivités territoriales, une notion renforcée par l'approfondissement de la décentralisation? A. [...]
[...] Enfin les collectivités territoriales disposent d'un pouvoir réglementaire local (art al ce qui est un facteur de renforcement de la libre administration. De plus, en principe la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre est en principe interdite (art al 5). - Le Conseil d'Etat a reconnu que la libre administration est une liberté fondamentale au sens du Code de la Justice Administrative (CE janvier 2001, Commune de Venelles), c'est-à-dire qu'une collectivité territoriale (qui est une personne morale et peut donc à ce titre ester en justice) peut s'en prévaloir dans le cadre d'un référé-liberté. [...]
[...] En effet, l'Etat a tendance à transférer nombre de compétences aux collectivités territoriales, sans se soucier beaucoup d'accompagner ces transferts des moyens (notamment budgétaires) qu'ils impliquent. Or évidemment, la libre administration ne saurait subsister que si elle est accompagnée de ses conditions d'exercice. Nul doute qu'un renforcement de la décentralisation aura pour objet de valoriser la démocratie locale A cet égard, il faut être attentif à la réforme annoncée par le gouvernement actuel. La libre administration des collectivités territoriales en ressortira-t-elle gagnante ? [...]
[...] Le pouvoir normatif des collectivités territoriales (art al. qui est certes consacré par la Constitution, est subordonné au pouvoir normatif national. Comme toute personne morale, une collectivité territoriale a un certain pouvoir de création du droit, mais il est résiduel et subsidiaire Il s'agit d'un pouvoir réglementaire de type administratif et non pas de type gouvernemental. Surtout, la libre administration est limitée par le principe d'égalité : la libre administration ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles d'application d'une loi organisant l'exercice d'une liberté publique dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire (solution constante: Conseil constitutionnel, décision 84-185 DC du 18 janvier 1985; décision 96-373 du 9 avril 1996, Statut de la Polynésie). [...]
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