« Juger l'administration, c'est encore administrer », ce principe évoque la raison d'être de la juridiction administrative, il est au cœur de la conception française de la justice administrative. Une conception qui procède de la considération qu'un juge administratif ne doit pas être un simple juge spécialisé en matière administrative, mais qu'il doit être une sorte de juge administrateur. C'est-à-dire un juge ayant l'esprit de l'administrateur, connaissant les besoins et les réalités de l'action administrative, capable de rendre un jugement se situant dans la ligne de l'action administrative. Une sorte de prolongement ou complément à l'action administrative.
Cette conception est au fondement de la justice administrative et de l'édification de l'ordre juridictionnel administratif. Elle atteste d'une justice administrative qui a longtemps été considérée comme faisant partie intégrante de la fonction d'administrer. En effet sous l'Ancien Régime les organes chargés de rendre la justice administrative comme le Conseil du Roi, ancêtre du Conseil d'Etat constituait un instrument unique aux mains du souverain dans un système de confusion des pouvoirs. Dans ce système régnait l'arbitraire qui se traduisait notamment dans les jugements rendus par les Parlements.
[...] Ce renouveau de la juridiction administrative est consécutif de la période de l'âge d'or du contentieux administratif. Au cours de cette période, le juge administratif va étendre son pouvoir de contrôle et rendre des arrêts significatifs qui sont à la base du droit administratif moderne. La jurisprudence du Conseil d'État va aller dans un sens d'un plus grand contrôle de l'administration active. De grands arrêts vont être à l'origine de ce mouvement. L'arrêt Prince Napoléon de 1875 marque une étape importante dans l'extension du contrôle des actes administratifs par le Conseil d'État. [...]
[...] Le juge administratif élargit la recevabilité du recours pour excès de pouvoir, il admet le principe selon lequel le contribuable d'une collectivité publique peut à ce seul titre attaquer les décisions ayant des répercussions sur les finances ou le patrimoine de cette collectivité. Puis, dans l'arrêt du 6 octobre 1907, Chemins de fer de l'est le Conseil d'État marque une nouvelle étape vers l'extension du contrôle juridictionnel de l'administration. Il admet en effet que la légalité des décrets puisse être examinée directement grâce au recours pour excès de pouvoir. Ainsi, l'administration active qui comprend à son sommet le Chef de l'État se soumet au contrôle d'un organe juridictionnel. [...]
[...] On va admettre la responsabilité de l'État pour les activités de police. Auparavant pour les fautes commises par les services de police le Conseil d'État maintenait le principe d'irresponsabilité de la puissance publique. Dans cet arrêt il affirme au contraire le principe selon lequel la puissance publique doit être déclarée pécuniairement responsable des fautes des services commis par ses agents. L'émancipation de la fonction juridictionnelle du Conseil d'État va se traduire également par l'élaboration des principes généraux du droit. En effet, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale le Conseil d'État va créer de manière prétorienne des principes généraux du droit qu'il va découvrir dans les textes du Préambule de la Constitution de 1958. [...]
[...] Cet arrêt est significatif de l'émancipation de la fonction juridictionnelle. En effet en affirmant la théorie du risque professionnel et la responsabilité du service public : si un accident se produit dans le travail et s'il n'y a pas faute de l'ouvrier, le service public est responsable et doit indemniser la victime le Conseil d'État va prendre une initiative de taille et précéder le législateur dans une voie où il hésitait à s'engager. Cet arrêt sera en effet suivi des lois sur les accidents du travail de 1898 et de 1946. [...]
[...] Ceci est rendu possible par le fait que l'institution de cette juridiction n'a pas de base textuelle ce qui permet donc sa suppression par voie jurisprudentielle. Ainsi, cet arrêt consacre d'une part la compétence de la saisine ne premier ressort du Conseil d'État qui devient juge de droit commun en matière administrative et d'autre part la fin de la théorie du ministre juge qui est consécutive de la dissociation entre les fonctions d'administrer et de juger. Dès lors, les justiciables peuvent déposer leurs requêtes directement devant le Conseil d'État qui détient la fonction de juger et qui se présente comme un véritable organe juridictionnel autonome au service des administrés. [...]
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