Suppression de la juridiction administrative, unité juridictionnelle en France, loi révolutionnaire des 16 et 24 août 1790, loi du 28 pluviôse, loi du 24 mai 1872, arrêt Cadot, litiges administratifs, dualité juridictionnelle, loi du 31 décembre 1957, article 6 de la CEDH, loi du 31 décembre 1987, décret du 6 mars 2008, loi du 20 juin 2000, loi du 24 juillet 2015, article 66 de la Constitution, arrêt Dame Veuve Trompier, arrêt Syndicat des propriétaires de forêts chênes lièges, arrêt Sacilor-Lormines, arrêt Kudla c/ Pologne
"Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions". C'est par ces termes que la loi révolutionnaire des 16 et 24 août 1790 pose pour la première fois le principe de séparation des ordres administratifs et judiciaires menant à la dualité juridictionnelle française. Comme l'exprime la loi, il résulte de cette dualité que les compétences de la juridiction judiciaire, qui s'entend comme l'ensemble des tribunaux compétents en matière de droit privé, demeurent séparées de la juridiction administrative.
Cette dernière renvoie à l'ensemble des tribunaux compétents à l'égard du contentieux administratif susceptible de s'élever entre différentes administrations ou entre l'administration et ses administrés. Cependant, cette juridiction a connu une évolution flagrante qui conduit à affirmer que la juridiction administrative telle qu'on l'entend pendant la période révolutionnaire n'a rien à voir avec celle qui est aujourd'hui admise. En effet, durant la période révolutionnaire, conformément à la théorie de l'État de droit, émerge l'idée selon laquelle l'administration de l'État doit être soumise à des règles de droit qui s'imposent à elle et qui lui sont extérieures, ce afin de fonder et de limiter ses pouvoirs. Pour assurer le respect de ces règles par l'administration, il semble alors pertinent de mettre en place une juridiction administrative.
[...] Enfin, c'est donc principalement par l'action du législateur que ce rôle du juge administratif s'est récemment étoffé : il intervient le 30 juin 2000 par la loi relative au référé devant les juridictions administratives qui créé le référé-liberté, procédure qui permet au juge administratif d'ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Plus récemment encore, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement confie au juge la sauvegarde des droits fondamentaux contre les techniques des services de renseignement dans le cadre d'un état d'urgence très controversé, car devenu quasi-permanent en raison de la menace terrorisme constant. Ainsi, « tel est sans doute le fondement principal, aujourd'hui, de la justice administrative : la garantie des droits fondamentaux est une pièce maîtresse de l'État de droit. [...]
[...] En effets, les principes contenus dans les traités internationaux auxquels la France est partie, ainsi que dans les décisions des cours internationales, s'appliquent aussi bien à la juridiction administrative qu'à la juridiction judiciaire : il en résulte une similitude de nombreux principes et une certaine convergence de ces droits. C'est ainsi que dans l'arrêt Kudla Pologne du 26 octobre 2000, la Cour européenne des droits de l'Homme interprète l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme sur le droit au procès équitable comme portant un droit pour les individus à ce que leurs procès soient réglés dans un délai raisonnable, imposant aux États membres de mettre en place, en droit interne, un régime de responsabilité pour méconnaissance du délai raisonnable : la Cour de cassation intervient le 23 février 2001 en Assemblée plénière et créée un régime de responsabilité de l'État pour faute simple pour réparer les préjudices liés à la méconnaissance du délai raisonnable et le Conseil d'État, le 28 juin 2002, met en place exactement le même régime lorsque les procès ont lieu devant la justice administrative. [...]
[...] Ainsi le justiciable qui porte son litige devant la justice administrative en pensant se prévaloir d'un principe qu'elle a posé, n'est pas à l'abri, entre-temps, d'un revirement de jurisprudence qui abolisse ce même principe. Par exemple, alors que le Conseil d'État considérait que le Président de la République n'était compétent que pour les décrets dont la délibération en Conseil des minutes a été prévue par un texte, il procède en 1992 à un revirement de jurisprudence, reconnaissant ce dernier compétent pour chaque décret délibéré, sans qu'aucun texte ne le prévoie. [...]
[...] Cependant, cette juridiction a connu une évolution flagrante qui conduit à affirmer que la juridiction administrative telle qu'on l'entend pendant la période révolutionnaire n'a rien à voir avec celle qui est aujourd'hui admise. En effet, durant la période révolutionnaire, conformément à la théorie de l'État de droit, émerge l'idée selon laquelle l'administration de l'État doit être soumise à des règles de droit qui s'imposent à elle et qui lui sont extérieures, ce afin de fonder et de limiter ses pouvoirs. [...]
[...] Ce dernier système peut être illustré par les pays de tradition de la Common Law, dans lequel l'unité de juridiction ne semble pas poser de problèmes d'efficacité de la justice, loin de là. Ainsi, si le droit comparé nous permet de compter par dizaines les cas d'unité juridictionnelle efficaces dans le monde, il est légitime se demander : une unité juridictionnelle est-elle aujourd'hui envisageable en France ? Cependant, si l'efficacité de la juridiction administrative française est, à bien des égards, questionnable le maintien d'un système de dualité juridictionnelle semble aujourd'hui nécessaire (II). [...]
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