« Il faut rougir de faire une faute et non de la réparer » disait Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage Emile ou de l'éducation en 1762. Pour autant, alors que le droit civil admet que toute faute (art.1382 du Code civil : « tout fait quelconque de l'homme ») et ce quelque soit sa gravité, engage la responsabilité de son auteur ou de celui qui en répond, en droit administratif français aucun principe équivalent ne s'impose au juge. Bien au contraire, l'arrêt Blanco déclare que la responsabilité de l'Etat n'est pas « absolue », ce qui autorise la juridiction administrative à moduler le degré de faute requise pour engager cette responsabilité « suivant les besoins du service ».
Le commissaire du gouvernement Romieu dans ses conclusions sur l'affaire Tomaso-Grecco (relatif à une balle perdue qu'aurait reçu un citoyen par un gendarme qui tentait d'abattre un taureau en fuite) évoquait la faute caractérisée à propos de la police, mais plus tard ce sont d'autres expressions, celle de faute lourde et de faute « manifeste et de particulière gravité », qui vont émerger dans la jurisprudence. Leur usage est alors relativement incertain : la première étant plutôt réservée à la responsabilité du fait de la police administrative, de l'activité médicale ou de la tutelle et la seconde concerne généralement la surveillance des aliénés et des détenus ou les services fiscaux. Mais il est assez difficile de rationaliser leur emploi et de rendre compte de la différence de gravité qu'elles représentent. Puis, au début des années soixante, les choses vont se trouver simplifiées du fait de l'abandon de la référence à toute autre formule que celle de « faute lourde ».
Alors aujourd'hui, avec l'évolution de la jurisprudence et la mise en cause plus aisée de la responsabilité de l'Etat dans de nombreux domaines, faut-il supprimer l'exigence de la faute lourde ? Pour autant, on le constate depuis quelques années, le recours à la notion de faute lourde n'a cessé de se raréfier dans la jurisprudence administrative. Mais si cette notion de faute lourde est effectivement en déclin, faut-il pour autant envisager sa suppression, car elle n'en reste pas moins toujours présente, même si les domaines tels que la police ou les activités médicales par exemple ne lui sont plus spécifiquement réservés.
[...] De la même façon, alors qu'une faute lourde était exigée pour engager la responsabilité des services fiscaux (CE du 21 décembre 1962, Dame Husson- Chiffre), tel n'est plus le cas pour certaines opérations matérielles telles que la saisie informatique de la déclaration du contribuable arrêt de section juillet 1990, Bourgeois) ou l'appréciation de sa situation au regard de cette déclaration (CE du 29 septembre 1997, Commune d'Arcueil), si du moins les circonstances montrent que de telles opérations ne présentaient aucune difficulté particulière. Ce sont ensuite, plus récemment et d'une façon plus générale, plusieurs autres domaines qui ont été concernés par l'abandon de l'exigence de la faute lourde. l'actualité plus récente du recul de la faute lourde dans certains domaines Le plus connu de ces reculs est constitué par les activités médicales. [...]
[...] Mais c'est l'arrêt Marabout/Ville de Paris qui met en évidence une distinction entre les actes de la police dénonçant le fait que des mesures de police qui pourraient dans d'autres domaines de l'action administrative relever de la faute simple étaient dans ce cas sous la pression d'une faute lourde. C'est pourquoi une distinction est alors opérée selon la difficulté des activités mises en cause, la faute lourde restant exigée pour les opérations d'urgence. Dans le domaine fiscal, des exceptions existent au profit de la faute lourde. [...]
[...] Pour autant, on le constate depuis quelques années, le recours à la notion de faute lourde n'a cessé de se raréfier dans la jurisprudence administrative. Mais si cette notion de faute lourde est effectivement en déclin, faut-il pour autant envisager sa suppression, car elle n'en reste pas moins toujours présente, même si les domaines tels que la police ou les activités médicales par exemple ne lui sont plus spécifiquement réservés. De sorte qu'aujourd'hui, il importe de constater qu'il y a bel et bien déclin de la faute lourde dans le droit de la responsabilité administrative mais que pour autant elle garde encore une importante influence en des domaines et situations où elle reste nécessaire et presque obligatoire (II). [...]
[...] L'arrêt Bourgeois a clairement identifié cette règle (27 juillet 1990) en mettant en parallèle faute simple et faute lourde. Ainsi, l'arrêt commune de Garges-Lès-Gonesse rendu par le Conseil d'État en 1991 montre l'exigence d'une faute lourde lorsque l'établissement des rôles de la taxe foncière se révèle particulièrement difficile, notamment dans ce cas avec l'évaluation des propriétés. Enfin, les activités de contrôle peuvent aussi être soumises à la faute lourde. Dans ce cas, la faute lourde est essentiellement prise en raison de la difficulté de l'activité de contrôle elle-même. [...]
[...] Il faut bien voir en effet que la faute lourde a joué un rôle important dans le développement de la responsabilité administrative. la faute lourde conserve finalement son intérêt aussi bien auprès de l'administration que des requérants Dès l'origine, elle a eu pour effet de permettre le contournement du principe d'irresponsabilité de l'administration ; cette fonction qui justifie qu'il y soit fait encore référence dans certains secteurs (tel que le service postal pour lequel le code des postes et des télécommunications affirmait l'exonération de toute responsabilité pour l'administration) a permis d'affirmer progressivement le principe de responsabilité de l'administration, consacré comme ayant une valeur constitutionnelle par le conseil constitutionnel. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture