L'administration a besoin, afin de remplir efficacement ses missions d'intérêt général, d'acquérir des terrains, des biens et de réaliser le plus souvent des travaux. Pour cela, elle dispose de différents moyens (les nationalisations, les réquisitions ou encore la confiscation) ; moyens parmi lesquels on retrouve la prérogative de puissance publique par excellence qu'est l'expropriation. En effet, si une personne privée détentrice du bien convoité par l'administration refuse de vendre ou exige un prix trop élevé, l'administration a le droit de recourir à ce mode d'acquisition forcée. Et l'augmentation des tâches administratives conduit les collectivités publiques (vaste catégorie regroupant l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissement publics ainsi que certains démembrements tels que les sociétés d'économie mixte dans le cadre de concessions par exemple) à la mettre en oeuvre de plus en plus fréquemment. Dans cette même logique, l'article L. 110 du Code de l'urbanisme issu de la loi du 7 janvier 1983 énonce que « le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences ». D'ailleurs, l'expropriation, procédure par laquelle une personne publique impose à un propriétaire la cession d'un droit, le plus souvent immobilier, dans un but d'utilité publique et moyennant le paiement d'une juste et préalable indemnité, est une technique très ancienne. A ce sujet, les leçons de l'histoire mettent en lumière la recherche permanente par les collectivités publiques d'un juste équilibre entre des procédures efficaces de prise de possession des biens et des garanties à l'égard des propriétaires expropriés sans néanmoins parvenir à des résultats probants. Mais l'ordonnance du 23 octobre 1958 a quand même apporté des réformes significatives à la procédure d'expropriation devenue, au fil du temps, lourde, rigide et complexe.
Ainsi, il est intéressant de se demander dans quelle mesure l'expropriation peut, désormais, apparaître comme une solution souvent satisfaisante mais cependant pas unique et donc peut être ultime en vue de répondre aux besoins des collectivités publiques. A ce titre, l'expropriation comme réponse adéquate à la satisfaction des besoins des collectivités publiques (I) doit, néanmoins, rester d'utilisation modérée et contrôlée ; cette nuance étant mise en exergue par les possibles alternatives à cette procédure (II).
[...] L'expropriation est donc adéquate pour agir en urgence quand la collectivité publique expropriante a des besoins immédiats. Une expropriation au-delà des besoins immédiats et directs des collectivités publiques : vers un détournement de cette procédure L'expropriation peut être détournée de son but premier et satisfaire des besoins ultérieurs et indirects La procédure risque donc de ne plus être une réponse idéale. Une expropriation au delà des besoins immédiats des collectivités publiques Cette procédure est une mesure efficace afin de répondre aux besoins fonciers non immédiats des collectivités publiques dans la mesure où l'expropriation pour cause d'utilité publique permet la réquisition d'emprise totale, où l'expropriation est possible par zones et pour la constitution de réserves foncières. [...]
[...] La possibilité d'une réponse rapide aux besoins fonciers primordiaux On peut rappeler à cet égard, tout d'abord, la volonté de réforme issue de l'ordonnance du 23 octobre 1958 inspirée par la volonté d'accélérer la procédure en permettant d'engager simultanément, et non plus successivement, les opérations administratives et celles relatives à la fixation de l'indemnité. De plus, subsiste la procédure d'urgence permettant de répondre plus rapidement aux besoins fonciers immédiats des collectivités publiques. C'est l'administration qui est seul juge de l'opportunité de cette procédure et le contrôle juridictionnel est limité à la vérification de l'accomplissement des formalités légales. L'acte déclaratif d'utilité publique doit mentionner l'urgence et les délais de la procédure normale sont abrégés. [...]
[...] Dans la mesure où nous venons de voir que l'expropriation peut être une réponse intéressante et adéquate afin de satisfaire les besoins des collectivités publiques, mais que cette procédure doit cependant n'être vue que dans une optique de recours ultime, il est intéressant d'envisager les autres techniques à la disposition des collectivités publiques que sont la cession amiable et le droit de préemption L'absence d'obligation d'user de la contrainte : la cession amiable La cession amiable, acte volontaire reconnaissant l'accord des parties et conclu à titre onéreux, intervient dans des cas. Il est possible de distinguer trois sortes d'accords amiables. Tout d'abord, il peut s'agir d'un accord intervenu avant la déclaration d'utilité publique, le juge de l'expropriation sera alors saisi par l'administration ou le propriétaire pour qu'il donne acte de l'accord et envoie l'expropriant en possession. Avant qu'une enquête publique ne soit close, les propriétaires peuvent donc stopper le déroulement de la procédure en cédant leur bien à l'amiable, il y aura alors vente ordinaire de l'immeuble. [...]
[...] Ainsi, ces trois exemples montrent que l'expropriation n'est plus mise en œuvre uniquement pour la satisfaction de besoins immédiats des collectivités publiques. La satisfaction de besoins indirects L'expropriation est une mesure qui permet à toute collectivité publique d'aller au-delà de ses besoins fonciers directs à travers deux phénomènes : la multiplication des bénéficiaires et la pratique de cette procédure pour risques naturels majeurs. D'une part, l'ensemble des titulaires du droit d'exproprier peuvent également en être les bénéficiaires ; dans ce cas, les collectivités publiques mettent en oeuvre ce droit pour leur propre compte. [...]
[...] Ainsi, la multiplicité des biens expropriables souligne bien que l'expropriation, par son caractère vaste, est une réponse adéquate aux besoins des collectivités publiques. En outre, le principe général de spécialité des personnes publiques implique, en théorie, que ces dernières ne puissent susciter une expropriation que pour satisfaire les intérêts propres qui leur sont confiés. Le Conseil d'Etat a conclu que les expropriations communales destinées à permettre l'implantation d'un service public n'étaient légales que quand il s'agissait d'un service public communal comme le montre l'arrêt du 4 juin 1954 Commune de Thérouanne Mais, plus récemment, le juge a admis la légalité d'une opération du même type dès lors qu'elle a pour objet direct de répondre aux besoins de la population de la commune expropriante selon l'arrêt du 1er avril 1977 Dame Grignard Il est également possible à une commune de susciter une expropriation de terrains situés sur le territoire d'une autre commune à condition qu'elle n'ait pu trouver sur son propre territoire les terrains nécessaires comme le montre l'arrêt du 27 octobre 1948 Commune de Livry-Gargan Néanmoins, cette extension du principe de spécialité ne s'applique pas aux établissements publics car ils ne peuvent exproprier que dans la limite de leur objet statutaire. [...]
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