Le commissaire du gouvernement Chenot a dit en 1950 dans ses conclusions de l'arrêt Gicquel : « il n'y a pas d'objection théorique valable contre l'action populaire, sinon la considération d'un trouble qu'engendrerait dans le fonctionnement des juridictions, comme dans la marche des administrations, une jurisprudence qui autoriserait n'importe qui à se pourvoir contre n'importe quoi ».
L'action, c'est-à-dire le droit d'agir en justice est un droit incontestable, aussi bien en droit interne qu'en droit communautaire. Le droit au recours est en effet consacré par la Déclaration des droits de l'homme de 1789, dans son article 16 (DC, 1993, loi sur la maîtrise de l'immigration : le Conseil en fait un droit constitutionnel), et par la Convention Européenne des Droits de l'Homme dans son article 13 et 6-1. Cependant ce droit concerne la contestation d'une accusation dirigée contre la personne. Il ne s'agit en effet pas d'un droit au recours par n'importe quel individu contre n'importe quel acte.
La particularité des juridictions judiciaires en France tient dans l'intervention d'un ministère public. Il s'agit d'une autorité qui peut exercer l'action publique pour les infractions causant un trouble à l'ordre social et qui, d'une manière générale, représente les intérêts de la société devant toutes les juridictions de l'ordre judiciaire.
[...] Si cet intérêt est bien établi, le requérant pourra en revanche déployer sa critique de l'acte sans que la disparition ultérieure de cet intérêt puisse lui être opposée (pour exemple : CE Société Elido Worl). L'intérêt à agir est apprécié par rapport aux conclusions dont le juge est saisi, c'est-à-dire par rapport à l'objet de la demande. L'intérêt à agir a été créé par le juge administratif comme un verrou contentieux donc. Il doit donc être présent pour que le recours soit recevable, quel que soit le type de contentieux. [...]
[...] Dès lors, on pourrait penser que tout citoyen se rendant compte d'une irrégularité devrait pouvoir saisir le juge administratif et devenir ainsi une sorte de procureur du droit. On parlerait dès lors d'action populaire : une action intentée devant le juge que n'importe quelle personne pourrait former contre n'importe quelle décision qu'il considérerait comme illégale. Mais cette action populaire n'est pas reconnue par le juge administratif, qui réclame diverses conditions de recevabilité de la requête concernant la personne du requérant notamment. Pourquoi le juge A n'accepte-t-il pas une action populaire ? [...]
[...] On peut considérer que cette longueur s'accentuerait inévitablement si le juge administratif ouvrait son prétoire à tout individu. La raison logique : être concerné par l'acte que l'on attaque Exposé de la raison S'agissant d'un acte individuel par exemple, il apparaît anormal que sa critique puisse émaner de ceux qu'il ne lèse pas, d'autant plus lorsque ceux qui sont touchés par cet acte individuel s'en satisfont (Exemples : le refus d'un permis de construire ; la délibération d'un jury). S'agissant même des actes plus généraux, il n'est pas non plus rationnel qu'ils soient mis en cause par ceux qu'ils ne concernent pas. [...]
[...] I Les raisons du refus de l'action populaire devant le juge administratif Le refus par le juge administratif d'une action populaire s'explique par deux considérations. Tout d'abord, ce refus est justifié par la crainte du juge administratif d'un afflux excessif de recours devant lui Ensuite, il s'explique par une raison à la fois plus théorique mais aussi logique : un individu ne devrait pouvoir contester qu'un acte qui le concerne personnellement La raison pratique : éviter l'afflux excessif des recours Exposé de la raison : la conception de Chenot Le commissaire du gouvernement Chenot parle de trouble dans le fonctionnement des juridictions, comme dans la marche de l'administration et plus spécifiquement de trouble social Pour lui, il est donc évident que la possibilité de reconnaître une action populaire conduirait obligatoirement à des recours systématiques et abusifs. [...]
[...] Pour le Conseil d'Etat, la condition d'intérêt doit servir à canaliser et non à museler le recours pour excès de pouvoir. Ainsi, la jurisprudence est souple concernant la condition d'un intérêt à agir, élargissant sans cesse le cercle des requérants potentiels (selon les mots de Chenot). En effet, sur le plan local, la qualité de contribuable d'une commune permet des recours contre les actes ayant des retentissements sur le budget (CE Casanova). Cette solution a été étendue au contribuable départemental et au contribuable colonial (CE Richemond et CE Galandou Diouf). [...]
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