Les personnes publiques, qui sont créées dans un but d'intérêt général pour remplir des missions de service public, ne peuvent agir concrètement si elles ne disposent pas de matière pour parvenir à leurs fins. C'est la raison pour laquelle, elles disposent, tout comme les personnes privées, de biens qui leur permettent de mener à bien leurs différentes missions. Ces biens sont répartis dans deux domaines distincts : le domaine privé et le domaine public de la personne publique. Le domaine privé de la personne publique est celui dont les biens n'ont pas d'utilité publique c'est-à-dire que la personne publique ne les utilise pas pour mener à bien ses missions d'intérêt général. Le domaine public, quant à lui, est composé de tous les biens qui sont utilisés par la personne publique pour servir l'intérêt général. La distinction entre les deux domaines est ancienne et remonte à l'Ancien Régime, le domaine public étant le domaine de la royauté et le domaine privé étant constitué des biens appartenant au Roi lui-même. Néanmoins, cette distinction s'était révélée plutôt difficile à mettre en œuvre et il a fallu attendre le Code civil pour que certains auteurs proposent des critères de distinction basés sur les biens qui les composent. Ce fut notamment le cas de Victor Prudhomme qui proposait une distinction entre le domaine de protection qui serait composé de biens utilisés par tous et le domaine de profit qui serait composé de biens « qui appartiennent propriétairement à la communauté qui en jouit comme les particuliers jouissent de leurs biens ». Il avait alors défini le domaine public et le domaine privé en se fondant sur l'article 538 du Code civil au terme duquel : « les chemins, routes et rues à la charge de l'État, les fleuves et rivières navigables ou flottables, les rivages, les lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée sont considérés comme des dépendances du domaine public ». Le juge administratif ensuite, en l'absence de textes législatifs, avait dégagé ses propres critères.
[...] Le Code a complètement remanié ces critères et son article L. 2111-1 dispose désormais : Sous réserve des dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas, il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public Globalement, le Code général de la propriété des personnes publiques reprend une ancienne jurisprudence du Conseil d'Etat, la jurisprudence Berthier et, comme cette jurisprudence entendait le faire quelques décennies plus tôt, tend à restreindre le domaine public en exigeant des critères plus restrictifs. [...]
[...] Il semble ici que le Conseil d'Etat n'entendait pas appliquer cette théorie aux biens qui n'ont jamais été affectés à l'usage du public ou à un service public. De plus, il ressort des arrêts du Conseil d'Etat que les formules utilisées sont floues et imprécises en ce qu'elles font échos à des concepts subjectifs. Ainsi, selon le Conseil d'Etat, il faut que l'affectation et l'aménagement soient prévus de façon certaine Cette formulation est des plus incertaines puisqu'elle ne précise pas comment savoir que l'affectation était prévue de façon certaine. [...]
[...] 2111-1 substitue une appréciation objective, fondée sur le fait que l'affectation au service est certaine, à l'appréciation subjective résultant de l'application de la théorie de la domanialité publique virtuelle et de fait, entend donner plus de sécurité juridique aux personnes publiques comme aux tiers. Ils en déduisent ainsi que le Code a entendu définitivement priver d'effet la théorie de la domanialité publique. Néanmoins, ce n'est pas le point de vue de l'ensemble de la doctrine et pour certains auteurs, la théorie de la domanialité publique n'a pas complètement disparue et la fin annoncée de la domanialité publique virtuelle n'est plus absolument certaine. [...]
[...] Concernant le principe même domaine public virtuel, les imprécisions laissées par le Conseil d'Etat concernant la domanialité publique virtuelle a fait dire à certains auteurs que le Conseil d'Etat n'avait pas entendu dégager une théorie de la domanialité publique virtuelle, mais simplement qu'il aménageait différemment le principe de la continuité de la domanialité publique qui consiste à considérer que la domanialité publique ne cesse pas entre deux changements d'affectation. Cet argument se justifie d'autant plus que le Conseil d'Etat, comme on l'a vu, n'a jamais explicitement consacré la théorie de la domanialité publique virtuelle. [...]
[...] En effet, de nombreuses questions restaient sans réponse par rapport à cette jurisprudence du Conseil d'Etat. De plus, du point de vue des conséquences pratiques de l'application de la domanialité publique virtuelle, certains auteurs comme Bruno Cheuvreux considéraient que cette théorie constituait un risque pour les personnes publiques en ce qu'elle réduisait considérablement leurs marges de manœuvre concernant leurs biens en leur imposant de nouvelles contraintes alors même que le régime de la domanialité publique est déjà très lourd. Finalement, on constate la défaillance importante de cette notion dans les critiques qui lui sont adressées et celles-ci ne sont pas négligeables, elles sont nombreuses et qui plus est, elles sont particulièrement fondées. [...]
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