Le recours pour excès de pouvoir est un recours par lequel on demande à un juge administratif, et donc a fortiori au Conseil d'Etat, d'annuler un acte administratif généralement unilatéral sur la base de son illégalité. On admet pour ouvrir un recours pour excès de pouvoir, plusieurs cas principaux : le détournement de pouvoir, l'incompétence, le vice de forme ainsi que la violation de la loi. Par cette dernière voie de recours, on entend désigner toute illégalité qui ne soit pas comprise dans les autres. A ce titre, on caractérise souvent cette dernière de « fourre-tout ». Cela fait de cette notion, un principe très complet mais aussi très hétérogène. On pourra cependant y distinguer deux catégories : l'erreur de droit et l'erreur de faits. On parle d'erreur de faits lorsqu'une erreur a été commise dans les motifs de faits que ce soit au niveau matériel, juridique ou au niveau de l'appréciation factuelle des juges. Ces erreurs donnent parfois lieu à des disproportions entre l'objet de l'acte et les mobiles réels de l'acte. C'est au juge administratif que revient le rôle de les repérer et de les apprécier. Depuis 1933, ce dernier accepte donc d'effectuer ce contrôle de proportionnalité. Cependant, il faut mettre en évidence les différences entre les niveaux de contrôle. A ce propos, on pourra noter une évolution jurisprudentielle du degré de contrôle qu'accepte d'effectuer le juge pour les recours en excès de pouvoir.
Une suite de quatre arrêts témoigne de ce phénomène avec authenticité.
Tout d'abord, dans un arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat « SA libraire François Maspero » datant du 2 novembre 1973, les juges administratifs ont entendu les arguments du ministre de l'intérieur ; ce dernier invoquait, afin de sanctionner la publication et la mise en vente d'une revue cubaine, d'une part, les répercussions que ce livre pourrait avoir sur les relations diplomatiques de la France et d'autre part, les troubles que ce livre pourrait causer à l'ordre public. Le Conseil d'Etat a toutefois rejeté la demande de la librairie François Maspero au motif que l'appréciation du Ministère de l'intérieur n'était pas « entaché d'erreur manifeste ».
En l'espèce, dans le second arrêt de section du Conseil d'Etat du 9 juillet 1997, le Ministère de l'Intérieur avait interdit la diffusion de la Revue « Euskadi en guerre ». Au regard de la loi du 29 juillet 1881 et du décret de 1939, cette revue pouvait être considérée comme étant de provenance étrangère, et donc être interdite. Ici, le juge administratif avait refusé cette interdiction en sanctionnant la mauvaise appréciation des faits « de nature à justifier légalement la gravité de l'atteinte à la liberté de la presse constituée par la mesure litigieuse ».
A la suite de cet arrêt s'inscrit une décision de la CEDH du 17 juillet 2001 : celle-ci exige du contrôle juridictionnel qu'il soit encore renforcé pour éviter les abus de la part des autorités administratives.
Un arrêt du 7 février 2003 GISTI du Conseil d'Etat consacre cette volonté exprimée antérieurement par la CEDH, en effectuant un contrôle plus resserré des actes administratifs. En l'espèce, l'association GISTI (groupe d'information et de soutien des immigrés) avait demandé « l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le Premier Ministre sur sa demande tendant à l'annulation du décret du 6 mai 1939 […] sur la liberté de presse ». Le Conseil d'Etat avait accepté leur requête en visant notamment l'article 10 de la CEDH sur la liberté d'expression.
Mettre en perspective ces quatre arrêts leur donne un relief inattendu, une plus grande signification. Quelle doit être l'étendue du contrôle des juges administratifs afin de garantir au mieux le respect des libertés individuelles consacrées par la CEDH, et de protéger contre les abus des autorités administratives ? Nous ne raisonnerons ici, que dans le domaine de la police spéciale concernant les publications étrangères susceptibles d'être interdites
Ces arrêts mettent en valeur un phénomène évolutif de la jurisprudence administrative (I) ; Se posent alors plusieurs questions, comme celle de la place exacte de l'arrêt de la CEDH, celle de son rôle, dans cette évolution. En effet, l'assemblage et la comparaison entre cette série d'arrêts qui s'étale sur trente ans, permettent d'avoir une vision d'ensemble du contrôle de la jurisprudence administrative. Cela donne une nouvelle saveur aux arrêts, qui prennent une dimension symbolique, tant au niveau de la conciliation entre droit interne et européen, que pour la place que ces arrêts semblent donner aux juges administratifs (II).
[...] Le Conseil d'Etat effectue donc ici un contrôle de conventionnalité des actes administratifs a posteriori. Il vérifie en effet la conformité de l'acte incriminé par rapport à la CEDH. Il considère que ce décret n'est pas conforme à l'obligation de conventionnalité des lois, exigée par la pyramide des normes de Kelsen, ainsi que par l'article 55 de la Constitution selon lequel les traités ont une valeur supérieure à celle des lois qui doivent donc leur être conforme. Ce qui est important c'est aussi que ce contrôle se fait a posteriori ce qui garantit une grande efficacité du contrôle de conventionnalité. [...]
[...] On vérifie si elle a correctement raisonné au regard des faits. Ce degré de contrôle a été pour la première fois consacré par un arrêt Gomel du Conseil d'Etat datant du 4 avril 1914, mais dans un domaine différent. On pourra aussi citer les arrêts d'assemblée du Conseil d'Etat du 19 avril 1991 Belgacem et Babas dans le domaine de police des étrangers, d'expulsion ou de reconduite à la frontière prononcées à l'égard des étrangers. Toutefois, la CEDH dans un arrêt du 17 juillet 2001 Association Ekin c/France, considèrera que même ce type de contrôle normal n'est pas suffisant ; il incitera alors les juges administratifs à resserrer leur contrôle, à le renforcer, pour effectuer un contrôle dit maximal. [...]
[...] Bibliographie : manuel de droit administratif de M. [...]
[...] A ce propos, on pourra noter une évolution jurisprudentielle du degré de contrôle qu'accepte d'effectuer le juge pour les recours en excès de pouvoir. Une suite de quatre arrêts témoigne de ce phénomène avec authenticité. Tout d'abord, dans un arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat SA libraire François Maspero datant du 2 novembre 1973, les juges administratifs ont entendu les arguments du ministre de l'Intérieur ; ce dernier invoquait, afin de sanctionner la publication et la mise en vente d'une revue cubaine, d'une part, les répercussions que ce livre pourrait avoir sur les relations diplomatiques de la France et d'autre part, les troubles que ce livre pourrait causer à l'ordre public. [...]
[...] Quelle doit être l'étendue du contrôle des juges administratifs afin de garantir au mieux le respect des libertés individuelles consacrées par la CEDH, et de protéger contre les abus des autorités administratives ? Nous ne raisonnerons ici, que dans le domaine de la police spéciale concernant les publications étrangères susceptibles d'être interdites Ces arrêts mettent en valeur un phénomène évolutif de la jurisprudence administrative ; Se posent alors plusieurs questions, comme celle de la place exacte de l'arrêt de la CEDH, celle de son rôle, dans cette évolution. [...]
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