Que faire de l'égal accès au service public lorsque l'on souhaite précisément établir des critères de différenciation entre les candidats à cet accès ? Ne pouvait-on pas rapprocher ces différenciations des discriminations positives issues des Affirmative actions américaines ? Ces Affirmative actions consistaient à établir des discriminations en faveur des Noirs et des minorités dans l'accès à certaines écoles, à certains emplois. C'est en fait le problème qui était soulevé par ces deux arrêts. Les conseils municipaux de Tarbes et de Gennevilliers pouvaient-ils, sans méconnaître le principe d'égalité devant le service public, établir des tarifs différents, calculés en fonction des ressources familiales, pour l'inscription à leur école de musique ?
Nous citerons ici le commissaire du gouvernement Stahl pour qui, « si les situations sont différentes, le principe d'égalité, qui ne vise en droit public français qu'à garantir le traitement égal des personnes placées dans une même situation, n'est pas froissé par l'établissement de tarifs différents. Au contraire, si les situations sont identiques, le principe d'égalité impose normalement l'établissement d'un seul tarif, sauf si un motif supérieur d'intérêt général en rapport avec l'objet du service justifie que l'on passe outre le respect scrupuleux de l'égalité ». Partant sur ces mêmes bases de raisonnement, le Conseil d'Etat de 1985 posait une règle bien précise concernant ces écoles de musique alors que le Conseil d'Etat de 1997 y mettait un terme. En effet, il faut remarquer que ces deux arrêts se fondent sur l'application des mêmes critères posés antérieurement (I) pour arriver à deux solutions différentes concernant le même problème juridique et ceci dans un contexte qui appelait l'évolution fournie par l'arrêt Commune de Gennevilliers (II).
[...] Egalité devant le service public Dans son ouvrage intitulé Grands services publics, J.F. Lachaume explique : la pire des inégalités consisterait à traiter tous les usagers de la même façon car l'inégalité des moyens a vite fait d'anéantir l'égalité juridique C'est ce qu'illustrent les deux arrêts que le Conseil d'Etat rendit à douze années d'intervalle : l'arrêt Ville de Tarbes du 26 avril 1985 et l'arrêt Commune de Gennevilliers du 29 décembre 1997. Dans la première affaire, le 8 septembre 1980, une délibération du conseil municipal de Tarbes avait établi un nouveau barème pour les droits d'inscription à l'école nationale de musique de Tarbes. [...]
[...] Par ailleurs, il faut que les différences de situation soient appréciables, ce qui n'était pas le cas en l'occurence puisque les seuils choisis pouvaient différencier des familles dont les revenus étaient proches. Enfin, elles doivent être en rapport avec l'objet du service. Or, ici, l'objet d'une école de musique est précisément d'enseigner cet art et non de prendre en compte des considérations financières. Etant donné qu'il était impossible au Conseil d'Etat de dégager une différence de situation entre les élèves ou entre leur famille, le juge, à en croire certains auteurs, aurait dû en rester là et conclure dès lors à l'illégalité des ces mesures. [...]
[...] Ainsi, se maintenait la distinction entre les services publics sociaux et les services publics culturels. Cette distinction devenait de plus en plus insupportable dans une société où il devenait de plus en plus difficile de la considérait comme opératoire. A ce titre notons, par exemple, que la formation, l'éveil à la culture ou aux cultures sont devenues de véritables facteurs d'intégration sociale. C'est pourquoi de nombreuses communes trouvèrent des palliatifs à la solution posée par l'arrêt Commune de Tarbes. Ainsi, cette même commune, dès juin 1982 c'est-à-dire immédiatement après sa condamnation par le tribunal administratif de Pau, mit en place un système de bourses calculées sur la base des ressources au profit de certains élèves. [...]
[...] Dès lors qu'il y a nécessité d'intérêt général et que celle-ci a un rapport avec l'objet du service, la puissance publique peut méconnaître l'égalité devant le service public. Et l'évolution jurisprudentielle opérée entre 1985 et 1997 n'a été possible qu'au regard de ces caractères de l'intérêt général. Ainsi, le commissaire du gouvernement Stahl dans ses conclusions sur l'affaire Gennevilliers écrivait que la notion d'intérêt général est une notion d'une certaine plasticité, volontairement imprécise, qui permet au juge d'adapter les contours de sa jurisprudence aux aspirations et aux nécessités de son temps C'est donc en se plaçant sur le terrain de l'intérêt général et en acceptant effectivement qu'il puisse justifier une différenciation tarifaire sans méconnaître le principe d'égalité devant le service public, que le Conseil d'Etat de 1997 a effectué un véritable revirement de jurisprudence. [...]
[...] Selon une jurisprudence constante, elles doivent être appréciables JH. Stahl précisa cet adjectif : elles doivent être objectives, appréciables et en rapport avec l'objet du service Nous verrons ici en quoi consistent ces trois critères et en quoi ils n'étaient pas réunis dans le cas des deux arrêts étudiés. Et ce même si celui de Gennevilliers n'y fait pas expressément référence car on sait, au vu de la jurisprudence, que le juge administratif vérifie en premier lieu l'existence d'une différence de situation, de sorte que la référence directe à l'intérêt général révèle en réalité l'absence d'une telle différence. [...]
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