Classiquement, la jurisprudence administrative appliquait le principe de l'effet rétroactif de l'annulation des actes administratifs réglementaires, principe jurisprudentiel consacré au début du XXe siècle. Cependant, récemment, la jurisprudence a évolué en admettant une exception à ce principe. Cette évolution s'est amorcée grâce à l'influence des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme. C'est ainsi qu'aujourd'hui le juge, par exception, accepte de moduler les effets d'une annulation dans le temps. Le Conseil d'Etat a admis cette exception pour la première fois dans sa décision d'assemblée du 11 mai 2004 association AC et autres.
En l'espèce, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a pris différents arrêtés le 5 février 2003 relatifs à la convention du 1er janvier 2003 portant sur l'aide au retour à l'emploi et l'indemnisation du chômage. Les arrêtés ayant été pris par un ministre, le Conseil d'Etat était compétent en premier et dernier ressort. C'est pour cela que l'association AC et d'autres associations ont formé devant lui un recours en excès de pouvoir contre les différents arrêtés. Les requérants soutenaient l'illégalité des arrêtés pris par le ministre. Le Conseil d'Etat approuva les requérants en déclarant illégaux les arrêtés en cause. Cependant, si le principe reste l'annulation rétroactive des actes administratifs réglementaires, « compte tenu des conséquences manifestement excessives » qu'une annulation rétroactive pourrait avoir, le Conseil d'Etat, pour certains arrêtés ministériels, dérogea au principe et modula les effets de leur annulation.
Cette évolution jurisprudentielle emporte de nouvelles conséquences sur l'effet de l'annulation, et, sans être un revirement de jurisprudence, la décision du Conseil d'Etat bouleverse une jurisprudence classique bien établie, même si nous verrons par la suite que cette évolution était amorcée depuis quelques années déjà. Cette évolution s'inscrit dans une volonté de protéger la sécurité juridique, parfois au détriment du principe de légalité. Mais il faut alors s'interroger sur ce point : en quoi l'évolution récente de la jurisprudence montre cette volonté de protéger la sécurité juridique ?
Pour bien comprendre l'intérêt de la question, il faut revenir sur l'évolution des effets d'une annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif réglementaire (1). A partir de ce moment, il convient alors de démontrer que cette évolution est la conséquence d'une politique jurisprudentielle visant à assurer une certaine sécurité juridique (2).
[...] C'est ainsi qu'aujourd'hui le juge, par exception, accepte de moduler les effets d'une annulation dans le temps. Le Conseil d'Etat a admis cette exception pour la première fois dans sa décision d'assemblée du 11 mai 2004 association AC et autres. En l'espèce, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a pris différents arrêtés le 5 février 2003 relatifs à la convention du 1er janvier 2003 portant sur l'aide au retour à l'emploi et l'indemnisation du chômage. [...]
[...] Mais il faut alors s'interroger sur ce point : en quoi l'évolution récente de la jurisprudence montre cette volonté de protéger la sécurité juridique ? Pour bien comprendre l'intérêt de la question, il faut revenir sur l'évolution des effets d'une annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif réglementaire A partir de ce moment, il convient alors de démontrer que cette évolution est la conséquence d'une politique jurisprudentielle visant à assurer une certaine sécurité juridique Une évolution du principe de rétroactivité de l'annulation d'un acte réglementaire La jurisprudence a posé en principe que l'annulation d'un acte administratif réglementaire est rétroactive ( 1.1 .). [...]
[...] Avec la modulation dans le temps, l'annulation n'a plus d'effet erga omnes (à l'égard de tous). Or, cela crée une inégalité entre les requérants, qui auront le bénéfice de l'annulation sans effet rétroactif, et les tiers à l'affaire, qui ne pourront pas bénéficier des effets de l'annulation, contrairement à ce qui était le cas sur la base de la jurisprudence Rodière. Dans un arrêt Quierraud du Conseil d'Etat de 1960, le juge administratif avait refusé le recours contre un acte pris sur la base d'un acte administratif illégal annulé, mais seulement parce que le délai de recours était épuisé. [...]
[...] Cependant, si le principe reste l'annulation rétroactive des actes administratifs réglementaires, compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'une annulation rétroactive pourrait avoir, le Conseil d'Etat, pour certains arrêtés ministériels, dérogea au principe et modula les effets de leur annulation. Cette évolution jurisprudentielle emporte de nouvelles conséquences sur l'effet de l'annulation, et, sans être un revirement de jurisprudence, la décision du Conseil d'Etat bouleverse une jurisprudence classique bien établie, même si nous verrons par la suite que cette évolution était amorcée depuis quelques années déjà. [...]
[...] Pour savoir s'il existe des possibilités que les conséquences de l'annulation soient manifestement excessives le juge administratif devra statuer au cas par cas, la notion étant vague et non définie en l'espèce. Ainsi, en l'espèce, le Conseil d'Etat considère que la seule circonstance que la rétroactivité pourrait avoir une incidence négative pour les finances publiques et entraîner des complications pour les services administratifs chargés d'en tirer les conséquences ne peut, par elle-même, suffire à caractériser des conséquences manifestement excessives permettant au juge d'utiliser son pouvoir de modulation. [...]
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