L'expression d'Henrion de Pensay « juger l'administration, c'est encore administrer » met en exergue un paradoxe. En effet, l'action de « juger » implique un arbitrage impartial, ce qui semble incompatible avec le fait d'« administrer » c'est-à-dire de gouverner. Cette citation permet également de mettre en perspective la double nature de ce « juge administrateur » (Pacteau).
À l'origine sous l'égide de l'administration, la juridiction administrative s'est progressivement affranchie de l'administration pour évoluer vers un statut original : à la fois « autre juridiction et juridiction autre » (Pacteau). L'émancipation du juge administratif est également indissociable de la notion d'État de droit. En effet, l'affranchissement d'un juge contrôlant l'action de l'administration, de cette même administration relève d'un véritable enjeu démocratique.
En quoi l'activité du juge administratif est-elle liée à celle de l'administration et cette liaison est-elle compatible avec le fait de juger ?
[...] La connivence entre l'administration et son juge d'apprécie également au regard de la composition de la juridiction administrative. Le président de droit du Conseil d'Etat est le premier ministre et le président de fait soit le vice-président, est nommé par décret en Conseil des ministres sur la proposition du Garde des Sceaux. Par ailleurs, au niveau du recrutement deux modes de recrutement coexistent : le concours et la nomination au tour extérieur à savoir la nomination par le gouvernement (au Conseil d'Etat, c'est le cas pour un quart des maîtres de requêtes et un tiers des conseillers). [...]
[...] L'histoire de la juridiction administrative laisse entrevoir deux tendances lourdes. La première est le refus réitéré de confier la justice administrative au pouvoir judiciaire comme les lois des 16 et 24 août 1790 et 16 fructidor an III, à l'origine de cette juridiction, l'ont montré. Ces lois n'ont pas institué de juridiction administrative mais ont posé les fondements de son devenir. A ce titre, la seconde tendance lourde de cette histoire est le besoin fonctionnel de cette justice qui va être confiée à l'administration elle-même qui va identifier des organes en son sein, organes qui vont finir par se détacher d'elle. [...]
[...] Se pose donc la question de l'indépendance et de la légitimité de ce juge- administrateur. II. Une juridiction à part entière L'action de juger exige l'impartialité. Cette dernière est dépendante de l'indépendance de celui qui juge. Ainsi, la reconnaissance de l'indépendance du juge administratif est un signal fort de l'émancipation de son rôle de juge Cependant, au vu notamment de ses liens avec l'administration, il est légitime de se demander sur quelle légitimité se fonde ce pouvoir de juger A. [...]
[...] La séparation des autorités judiciaire et administrative va se doubler au XIXe siècle d'une autre séparation cette fois-ci entre la juridiction administrative et l'administration active. Selon le mot de Bernard Pacteau : après avoir rejeté le juge extérieur, le droit administratif sécrétait un juge de l'intérieur C'est ainsi que la loi du 24 mai 1872 conféra définitivement (une première loi l'avait déjà fait en 1849, abrogée sous le IIe Empire) la justice déléguée à la juridiction administrative. Cette évolution sera achevée grâce à l'arrêt Cadot (CE décembre 1889) qui supprimera l'institution du ministre-juge et laissera donc le juge administratif seul juge de l'administration. [...]
[...] Il fait donc trouver ce qui rend spécifique la mission du juge administratif. L'existence du juge administratif a été constitutionnellement consacrée par la décision du Conseil constitutionnel en date du 23 janvier 1987 (ce qui est en soi une source de légitimité). Le fondement de cette réserve constitutionnelle est un principe fondamental de valeur constitutionnelle, de la loi de la République du 24 mai 1872 confiant au Conseil d'Etat la justice déléguée et non les lois des 16 et 24 août 1790 et du 16 fructidor an III qui ont posé dans sa généralité l principe de séparation des autorités administratives et judiciaires [mais qui] n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle Le Conseil constitutionnel consacre une chasse gardée du juge administratif : relèvent de sa compétence les recours contentieux tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de prérogatives de puissance publique. [...]
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