Le droit des étrangers est une matière remarquable par la somme importante de contentieux qu'elle engendre. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer ce phénomène : la nécessaire conciliation du traitement des étrangers avec les libertés publiques notamment celle d'aller et venir, la complexité administrative qui entoure la matière (compétence du préfet, du ministre, différents statuts), mais aussi la complexité juridictionnelle (intervention de principe du juge administratif mais intervention nécessaire du juge judiciaire, reconnu constitutionnellement protecteur des libertés individuelles : C° 66). Enfin, le droit des étrangers apparaît comme une matière sans cesse en évolution, une évolution quelque peu anarchique. Chaque alternance apporte en effet son lot de nouvelles normes, complexifiant encore un peu un domaine toujours considéré comme un enjeu majeur des campagnes électorales et qui ne laisse en France personne indifférent. Pour être complet, il y a lieu de mentionner l'influence croissante des institutions communautaires sur un droit qui est longtemps resté un symbole de la souveraineté nationale.
Dans le droit des étrangers, le droit d'asile est particulier car il fait l'objet d'un statut spécial. Pour le définir, il suffit de se référer à l'alinéa 4 du préambule de 1946 partie intégrante du bloc de constitutionnalité : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Cette définition apparaît très large à tel point que le Conseil d'Etat dans son arrêt « France terre d'asile » de 1985 a considéré que l'insuffisante précision de cet alinéa lui empêchait de s'imposer au pouvoir réglementaire en l'absence de loi ou de traité. A la lecture de cet alinéa 4, on perçoit clairement le droit d'asile comme un droit de l'Homme.
Si les fondements de ce droit se limitaient à la constitution, alors sa mise en œuvre concrète serait relativement simple. Il n'en n'est pas ainsi car le droit d'asile est une matière qui fait l'objet de conventions internationales. Il faut ici évoquer la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés politiques introduite en droit interne par un décret du 14 octobre 1954. Ce texte a notamment posé des conditions à l'octroi du statut de réfugié politique et a contraint les pays signataires à la mise en place de services qualifiés et indépendants auxquels les personnes revendiquant l'asile politique doivent s'adresser. Concrètement la loi du 25 juillet 1952 créé un établissement public national dénommé « Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides » l'OFPRA et une juridiction spéciale relevant du conseil d'Etat dénommée : « Commission de recours des réfugiés » . Les accords de Schengen du 14 juin 85 et les accords de Dublin du 15 juin 1990 sont venus brouiller les pistes. Ces conventions ont pour but de supprimer graduellement les contrôles aux frontières communes et de déterminer les compétences de chaque Etat signataire pour le traitement des demandes d'asile. En définitive, ces conventions permettent à l'Etat membre de refuser le traitement d'une demande d'asile si les règles objectives de l'article 30 de la convention de Schengen l'en dispensent. On peut alors affirmer que ces accords internationaux remettent en cause le droit d'asile tel que la tradition constitutionnelle française l'aborde.
En effet, on a été amené à remarquer que l'alinéa 4 du préambule définissait le droit d'asile comme un droit de l'individu, si l'Etat peut désormais se permettre de refuser l'examen d'une demande d'asile, ne peut-on pas affirmer que le droit d'asile devient un droit de l'Etat, une expression de sa souveraineté. Une intervention du Juge constitutionnel et du constituant a donc été nécessaire pour tenter de concilier : droit de l'individu de voir sa demande d'asile examinée et droit de l'état de refuser de connaître d'une demande ne relevant pas de sa compétence.
Devant cette complexité qui entoure le droit d'asile, le gouvernement actuel a décidé de commander un rapport dans l'objectif d'une mise à plat du régime et d'une simplification. Ce rapport Weil a donc tout logiquement abouti en 1998 à une loi de réforme de la matière qui s'efforce de mettre en avant le fondement constitutionnel du droit d'asile sans pour autant vider la convention de Genève de son sens. Il en résulte un statut de réfugié unique mais il en ressort également la mise au jour d'une autre modalité d'asile très particulière et toujours pour le moins opaque, l'asile territorial.
On le perçoit assez bien, le dilemme redondant qui affecte la présentation du droit d'asile est précisément sa nature : droit de l'Homme ou droit de l'Etat. Ce problème central, au delà de la bataille des fondements peut se répercuter sur les procédures de demande et d'autorisation d'asile. Si le préfet ou le ministre disposent de compétences discrétionnaires en la matière on aura du mal à considérer le droit d'asile comme un droit de l'individu. Au contraire si des organismes indépendants sont chargées de telles décisions et que celles ci peuvent faire l'objet de recours juridictionnels respectant les droits de la défense, alors la marge de manœuvre de l'Etat sera considérablement réduite.
Au vu de ces différents éléments et en gardant à l'esprit le dilemme droit de l'individu - droit de l'Etat, on peut se demander comment se manifeste la coexistence des fondements constitutionnels et conventionnels du droit d'asile sur son régime juridique.
Il est alors nécessaire d'évoquer d'une part ces différents fondements dont aucun n'a été écarté au profit de l'autre mais qui font l'objet d'une conciliation dans le droit positif (I) aboutissant d'autre part à une certaine unicité dans la mise en œuvre du droit d'asile (II).
[...] Cela ouvre sur un unique statut protecteur que le fondement de l'asile soit constitutionnel ou conventionnel. En effet, la convention de Genève et les textes français d'accès au statut de réfugié ne font aucune différence quant au fondement Cependant, la loi de 1998, même si elle ouvre l'asile conventionnel à sa définition constitutionnelle révèle dans le même temps un asile accordé à la discrétion de l'Etat : l »asile territorial Dualité de fondement du droit d'asile mais unité de régime juridique Sans faire d'exposé exhaustif des modalités d'accès à l'asile selon la convention de Genève et du statut auquel il donne droit, on peut distinguer 2 axes capitaux : le rôle des autorités nationales et de l'OFPRA dans l'accès à l'asile et les droits des demandeurs quant aux contestations juridictionnelles. [...]
[...] Cette interprétation par le juge administratif ne paraissait pas conforme à l'esprit de la convention de Genève et était assez régulièrement critiquée par le haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. La loi de 1998 élargit l'accès à la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté elle reprend ici la formule du préambule de 1946 et c'est en ce sens qu'on peut affirmer que le droit d'asile constitutionnel est renforcé. Cependant, malgré l'apport de l'asile constitutionnel sur l'origine des persécutions, celui-ci reste plus restrictif que l'asile conventionnel. [...]
[...] Franck Moderne considère pour sa part qu'il y a perversion conventionnelle du droit constitutionnel d'asile, il souligne que celui-ci s'est considérablement affaibli partout en Europe. Ce qui est certain, c'est qu'en France, l'ouverture provoquée par la loi de 1998, n'a aucunement modifié la mise en œuvre du droit d'asile. La concurrence féroce entre les fondements n'a paradoxalement atteint ni le régime juridique de ce droit, ni le statut auquel il permet l'accès : celui de réfugié politique. On peut donc opposer à la dualité de fondements du droit d'asile, une certaine unité dans sa concrétisation. [...]
[...] Il ressort de cet accord que l'Etat peut désormais refuser l'examen d'une demande d'asile qui ne relève pas de sa compétence selon les règles posées par la convention elle-même. Le conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la convention d'application de ces accords le 25 juillet 1991. Il relève trois éléments : le préambule de 1946 très large et qui fait obstacle à ce que une demande soit refusée si l'étranger répond à la condition d'une action en faveur de la liberté. [...]
[...] Franck Moderne dit de cette coexistence qu'elle est ambiguë En effet, les combattants de la liberté disposent d'un droit fondamental subjectif selon le préambule de 1946) mais peuvent se voir opposer le pouvoir souverain de l'Etat selon le nouvel article 53-1. Dans cette optique on peut alors affirmer que la révision de 1993 a réduit le champ d'application du droit d'asile constitutionnel en constitutionnalisant la réserve de souveraineté. La reconnaissance seulement symbolique du droit d'asile constitutionnel par le législateur de 1998 Si la révision de 1993 a affaibli la notion d'asile constitutionnel, elle ne l'a pas rendu pour autant inefficace. [...]
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