Bien souvent, il arrive que l'administration, gardienne des pouvoirs de puissance publique, ne respecte pas tout à fait le principe de sa subordination à la loi. En effet, elle est susceptible de commettre des illégalités ou de produire des actes administratifs irréguliers. Ces erreurs peuvent être aussi bien insignifiantes que graves du fait de leur atteinte à une liberté individuelle ou au droit de propriété, lesquelles constituent alors une voie de fait. Dans la conception initiale de la théorie, l'action administrative se trouvait dénaturée dès lors qu'elle présentait un caractère nettement illicite et ne pouvait plus, de ce fait, jouir du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire lui assurant une protection contre les recours des justiciables. Lorsqu'il y a voie de fait, le juge judiciaire des référés peut effectivement être saisi pour stopper l'activité illégale de l'administration.
Toutefois, la théorie de la voie de fait a commencé à poser problème dès l'entrée en vigueur de procédures d'urgence en matière administrative, lesquelles étaient jusque là exclusivement réservées à l'autorité judiciaire, notamment celle du référé-liberté. Ce dernier est consacré par l'article L. 521-2 du Code de justice administrative depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. Il est désormais possible pour tout justiciable d'y recourir à condition qu'il se trouve en situation d'urgence et qu'une autorité administrative, qu'il s'agisse d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé ayant en charge un service public, porte une atteinte illicite à une de ses libertés fondamentales.
[...] Il s'agit d'une procédure d'urgence qui permet à tout justiciable de saisir le juge des référés, quant à lui chargé de prononcer toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale dès lors que l'administration, dans l'exercice de l'un de ses pouvoirs, a porté à cette liberté une atteinte grave et manifestement illégale C'est donc la sauvegarde d'une liberté fondamentale qui constitue l'objet principal de ce type de référé. Dès lors qu'un justiciable saisit le juge, il ne se trouve pas dans l'obligation de saisir en parallèle le tribunal administratif. A l'inverse, le juge, lui, a l'obligation stricte de se prononcer dans un délai maximal de quarante-huit heures. De plus, il peut prendre toutes les directives qu'il juge nécessaires. [...]
[...] En effet, il semblerait évident que celle-ci se voit absorbée par l'utilisation du référé-liberté puisqu'il permet le recours devant un juge d'urgence rattaché à la juridiction administrative, ce type de juges n'étant plus exclusivement réservé à l'autorité judiciaire. C'est d'ailleurs vers une telle hypothèse que s'est accordée une partie de la doctrine, bien qu'elle se soit vue rapidement infirmée par la jurisprudence, notamment par certains arrêts du Tribunal des conflits. Ainsi, dans quelle mesure la voie de fait et le référé-liberté sont-ils susceptibles de coexister au sein de la procédure juridique française ? [...]
[...] Parmi ces derniers, on observe d'emblée l'absence de législation dans le domaine de la voie de fait et, pour cause, elle est essentiellement basée sur la jurisprudence. De ce fait, les limites, les conditions et les conséquences d'une telle procédure ne sont consacrées par aucun texte, ce qui a pour effet de rendre les contours de son cadre quelque peu brumeux. Cette imprécision est par ailleurs susceptible de devenir dangereuse dans la mesure où elle peut engendrer des abus. Fort heureusement, lorsque le juge judiciaire a dépassé les limites de ses fonctions, le Tribunal des conflits a su remettre les choses en place. [...]
[...] Toutefois, le Conseil d'État s'est prononcé autrement à l'occasion d'une ordonnance de référé du 23 janvier 2013 Commune de Chirongui : Sous réserve que la condition d'urgence soit remplie, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L521-2 du Code de justice administrative, d'enjoindre à l'administration de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d'une liberté fondamentale, quand bien même cette atteinte aurait le caractère d'une voie de fait. Pour le Conseil d'État, l'existence de la voie de fait ne suppose pas forcément l'incompétence du juge administratif des référés. Dans tous les cas, le juge judiciaire conserve une compétence exclusive en ce qui concerne l'indemnisation du justiciable lésé, d'où l'intérêt du maintien de la voie de fait, loin d'être incompatible avec le référé- liberté. [...]
[...] A partir du moment où il est saisi du recours, le juge judiciaire procède à la constatation des faits pour ensuite, si voie de fait il y faire cesser l'illégalité de l'administration en lui adressant des injonctions, soit un ordre de faire ou de ne pas faire. D'ordinaire, une telle procédure ne pourrait avoir lieu en vertu du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, l'injonction constitue donc un attribut purement exceptionnel. Par la suite, le juge, qui a plénitude de juridiction, peut condamner l'administration à l'indemnisation de l'individu lésé par son action, généralement opérée par le versement de dommages et intérêts à titre de réparation, parfois accompagnée, le cas échéant, d'une interruption de travail ou d'une expulsion de l'administration. [...]
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