Outre sa qualité de citoyen, l'agent public est une personne employée à titre professionnel par une personne publique. Or, la laïcité de l'Etat, principe fondamental de l'organisation républicaine posé par l'article 1er de la Constitution de 1958, se traduit par la nécessaire neutralité des personnes publiques. La liberté de conscience dont jouit chaque agent public, d'abord en sa qualité de citoyen, doit donc se combiner avec les exigences qu'impose le respect du principe de neutralité-laïcité des services publics. Il en résulte, selon la formule jurisprudentielle, un « devoir de stricte neutralité qui s'impose à tout agent collaborant à un service public ». Définir ce devoir de neutralité n'est pas chose aisée car à la différence de la liberté de conscience et de la laïcité, la neutralité est un principe d'origine jurisprudentielle. En outre, il est très souvent confondu avec le devoir de réserve. Nous proposons ici comme définition possible du devoir de neutralité le principe en vertu duquel le comportement de l'agent public doit être entièrement indépendant des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, qu'il peut légitimement avoir par ailleurs. Cela revient apparemment à ôter à l'agent public le droit d'exprimer publiquement ses opinions, ce qui est pourtant contraire au principe constitutionnel selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme… » (article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789).
Aussi sommes-nous fondés à nous interroger sur les conséquences du devoir de neutralité-laïcité sur la liberté d'expression des agents publics.
Dans quelle mesure le devoir de neutralité-laïcité peut-il être considéré comme un aménagement strictement justifié ou au contraire comme attentatoire au principe constitutionnel de liberté d'expression ?
Si le devoir de neutralité est à l'origine d'une limitation de la liberté d'expression des agents publics en service (I), cette limitation n'est nullement générale et absolue et ne saurait, dès lors, être regardée comme portant atteinte à la liberté d'expression individuelle (II).
[...] Pour reprendre les termes de Jean RIVERO, dans son ouvrage Les Libertés publiques (PUF, 1997,t.2, p.353), la laïcité a été initialement la forme essentielle de la neutralité mais aujourd'hui la neutralité, qui renvoie à d'autres types de croyances ou d'opinion, la déborde On pense notamment aux opinions politiques sur lesquelles nous nous arrêterons avant d'évoquer la question de l'expression des opinions religieuses L'interdiction de faire du service public l'instrument ou le lieu d'une propagande politique La réglementation relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique constitue une première illustration de cette interdiction, pour les agents publics, de faire du service public l'instrument ou le lieu d'une propagande politique ou idéologique. L'article 9 du décret 82-447 du 28 mai 1982 dispose, en effet que les documents d'origine syndicale peuvent être distribués aux agents dans l'enceinte des bâtiments administratifs, mais en dehors des locaux ouverts au public. Ces distributions ne doivent en aucun cas porter atteinte au bon fonctionnement du service. Lorsqu'elles ont lieu pendant les heures de service, elles ne peuvent être assurées que par des agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une décharge de service. [...]
[...] Le devoir de neutralité des agents publics porte-t-il atteinte à la liberté d'expression ? La liberté de conscience découle de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public. et du Préambule de la Constitution de 1946 (al : Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances Elle garantit à tous les citoyens. [...]
[...] Si le devoir de neutralité est à l'origine d'une limitation de la liberté d'expression des agents publics en service cette limitation n'est nullement générale et absolue et ne saurait, dès lors, être regardée comme portant atteinte à la liberté d'expression individuelle (II). I. Le devoir de neutralité limite la liberté d'expression des agents publics en service Le devoir de neutralité interdit aux agents publics de faire connaître leurs opinions pendant l'exercice des fonctions au motif que cette expression est contraire à la nature même du service public. [...]
[...] Etait notamment en cause la fréquentation, à ses heures de loisir, d'un groupement de caractère confessionnel. Après avoir relevé que la requérante n'avait jamais manqué, dans l'exercice de ses fonctions, au devoir de neutralité, le Conseil d'Etat a censuré la décision attaquée, pour erreur de droit ; l'administration ayant entendu dénier d'une façon générale aux candidates ayant des croyances religieuses l'aptitude aux fonctions d'institutrice et instituer une incapacité de principe entièrement étrangère à la législation en vigueur De même, est illégal le licenciement d'une assistante sociale scolaire motivé uniquement par ses opinions religieuses (CE décembre 1948, Dlle Pasteau) Cette jurisprudence témoigne du souci du juge administratif de tracer une ligne claire entre la légitime interdiction de toute expression philosophique, politique et surtout religieuse dans le cadre des fonctions et la discrimination que constitue la prise en compte d'opinions ou de croyances qui ne se manifestent qu'en dehors du service. [...]
[...] Nous proposons ici comme définition possible du devoir de neutralité le principe en vertu duquel le comportement de l'agent public doit être entièrement indépendant des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, qu'il peut légitimement avoir par ailleurs. Cela revient apparemment à ôter à l'agent public le droit d'exprimer publiquement ses opinions, ce qui est pourtant contraire au principe constitutionnel selon lequel la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme (article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789). [...]
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