Dès 1919, Maurice Hauriou, éminent juriste en droit public, déclarait à propos de la décentralisation administrative : « les pays modernes n'ont pas besoin seulement d'une bonne administration, ils ont besoin aussi de liberté politique ». Il ne croyait certainement pas si bien dire, puisqu'à peine un siècle plus tard, des collectivités françaises d'outre-mer ont obtenu la possibilité de concurrencer le législateur national sur son propre domaine de compétence, par le biais des lois de pays.
En effet, les lois de pays, qui existent en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, constituent un outil du processus de décentralisation. Cette technique d'organisation administrative vise à reconnaître d'importantes compétences décisionnelles à des institutions distinctes de l'État, dotées de la personnalité juridique et soumises à un contrôle de l'État. Elle prend deux formes, à savoir la décentralisation fonctionnelle ou technique, qui consiste à transférer à des établissements publics des compétences dans un domaine matériellement limité, et la décentralisation territoriale, qui dote des collectivités territoriales d'une compétence générale dans le cadre d'un territoire déterminé.
[...] C'est l'article 74 de la Constitution qui prévoit l'existence, dans les collectivités dotées de l'autonomie, de certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi Plus bas dans la hiérarchie des normes, ce sont les lois organiques du 19 mars 1999 et du 27 février 2004 qui organisent, respectivement pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, l'édiction des lois de pays. Il s'agit bien là d'une dévolution expresse de compétences par la loi, qui est contrôlée par le juge constitutionnel, à travers sa décision 2004-490 DC du 12 février 2004, et dont on peut imaginer la révocabilité lors d'une éventuelle abrogation par le Parlement français. Le contrôle institutionnel des compétences accrues L'exercice des compétences, et non seulement leur transfert sont également contrôlés par différentes institutions. La présence du haut-commissaire de la République dans cet exercice est intéressante. [...]
[...] Les lois de pays sont avant tout un outil de plus d'une décentralisation avancée même si elles constituent l'amorce d'une révolution institutionnelle prochaine (II). Les lois de pays, outil supplémentaire d'une décentralisation avancée La décentralisation territoriale prévoit une série de dispositifs locaux pour que s'exerce la libre administration des collectivités territoriales, et en outre-mer l'adaptation des normes aux spécificités locales, notamment avec les lois du pays Ces normes témoignent certes d'un accroissement de compétences, mais qui sont encadrées et contrôlées par l'État ? [...]
[...] Leur appellation, tout d'abord, comprend le mot lois et tend à ce que ces actes soient catégorisés parmi les actes législatifs. Par ailleurs, la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui encadre les lois du pays dans cette collectivité précise qu'elles ont force de loi ce qui est clair sur leur valeur juridique, mais pas sur leur nature. En réalité, leur nature n'est clairement pas législative. L'article 72 de la Constitution, qui s'applique aux collectivités territoriales, parmi lesquelles la collectivité d'outre-mer (COM) de la Polynésie française dispose que ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences La Polynésie française ne dispose donc bien que du pouvoir réglementaire, et en aucun cas du pouvoir législatif. [...]
[...] Il est d'ailleurs remarquable que les lois organiques sur ces collectivités prévoient un droit de regard sur les lois concernant leur territoire ou leur population, comme si ces collectivités États bénéficiaient d'un domaine réservé La présence du haut-commissaire de la République et de quelques services de l'État ne suffit pas à contrecarrer cette image d'État dans l'État L'approche d'une indépendance envisagée par la Constitution Tout cet ordonnancement laisse aisément transparaître ce que la Constitution elle-même prévoit : une prochaine indépendance de la Nouvelle- Calédonie, voire également de la Polynésie française. Pour la Nouvelle- Calédonie, l'article 77 dispose expressément : la loi organique ( . ) détermine ( . [...]
[...] Ce principe a une valeur constitutionnelle, puisque la jurisprudence du Conseil constitutionnel le déduit de l'expression organisation particulière des collectivités (d'outre-mer) contenue à l'article 74 de la Constitution. Si des actes administratifs ou réglementaires peuvent certes combler le vide juridique éventuellement créé par l'application de ce principe, force est de constater que le domaine de compétence de la loi ne peut pas, en théorie, être pourvu sans un aménagement, d'où le rôle crucial des lois de pays. Il s'agit surtout d'élargir le champ de compétence des deux collectivités, afin d'accorder, dans un contexte politique difficile, des marges supplémentaires d'adaptation du droit applicable au niveau local. [...]
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