Dans quelle mesure le juge administratif français prend-il en compte le droit international dans ses décisions ?

Extraits

[...] En tant que garant de la légalité administrative, le juge administratif doit veiller au respect du droit par les autorités nationales. Or, dans un contexte d'internationalisation croissante du droit, cette mission l'amène désormais à prendre en compte les règles du droit international s'imposant également à la France. Si la justice administrative existe dans de nombreux États, la conception selon laquelle elle est traduite au niveau des institutions juridictionnelles peut considérablement varier d'un système juridique à l'autre. Ainsi, au Royaume-Uni, le système juridique est régi par la Common Law : le droit administratif est donc soumis à ce « droit commun », et n'étant pas considéré comme un droit spécifique, il est alors régi par les tribunaux de droit commun, c'est-à-dire les tribunaux judiciaires. [...]

[...] Dans quelle mesure le juge administratif français prend-il en compte le droit international dans ses décisions ? Dans un arrêt Van Gend en Loos de 1963, la CJUE consacre l'effet direct du droit européen, signifiant que l'UE possède la capacité de créer des droits et des obligations qui s'imposent directement dans l'ordre juridique national de chaque État membre : en conséquence, les justiciables européens sont en mesure de se prévaloir d'un acte juridique européen devant une juridiction européenne ou une juridiction nationale, dès lors qu'il est d'effet direct ou transposé par une norme nationale. [...]

[...] L'influence fragmentée du droit international sur les décisions du juge administratif En effet, le juge administratif doit effectivement respecter les engagements internationaux de la France de manière compatible mais surtout conforme lui laissant une certaine marge de manœuvre. Le respect compatible des engagements internationaux face au juge administratif La France, en tant qu'État souverain, est tenue de respecter les engagements internationaux qu'elle a librement souscrits. Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, la Haute juridiction administrative a jugé que l'article 55 de la Constitution impose au juge administratif d'assurer, dans le cadre de sa compétence, le respect des engagements internationaux souscrits par la France. [...]

[...] Cette application directe des traités par le juge administratif a été confirmée dans de nombreuses autres décisions, comme l'illustre l'arrêt GISTI du 8 décembre 1978 dans lequel le Conseil d'État s'est fondé sur l'article 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour annuler un décret relatif aux étrangers. Plus récemment, dans son avis, Mme Sarran du 30 octobre 1998, la Haute juridiction administrative a considéré que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pouvait être utilement invoqué à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir. [...]

[...] Ainsi, il conviendra de se demander : dans quelle mesure le juge administratif français prend-il en compte le droit international dans ses décisions ? Il conviendra donc d'étudier dans un premier temps l'application théorique du droit international par le juge administratif pour la confronter à la pratique (II). L'application directe du droit international par le juge administratif Selon le système pyramidal tel qu'imaginé par Hans Kelsen, le droit international a vocation à s'appliquer naturellement au sein du système juridique français. [...]