Dès la fin du siècle dernier, le doyen Hauriou relevait déjà un lien entre certains progrès de la décentralisation (un transfert de compétences de l'État à des institutions distinctes de lui, ici, les collectivités territoriales) et une multiplication des contrats passés entre collectivités publiques c'est-à-dire entre personnes morales de droit public (Etat et collectivités territoriales)
Aujourd'hui, la doctrine constate un tel développement des relations contractuelles dans le cadre de la décentralisation, qu'elle parle « d'engouement pour le procédé contractuel », « d'instrument banalisé des relations entre personnes publiques », de « clonage contractuel ».
Dès lors, le terme de contractualisation est souvent préféré à celui de contrat, les deux notions ne se recouvrant pas. Le contrat est l'acte par lequel deux ou plusieurs parties s'engagent l'une à l'égard de l'autre, avec création d'obligations à la charge d'au moins une des parties. La contractualisation, terme plus récent, évoque non plus seulement l'acte, mais toute une activité ou un mode de relation entre des personnes : la contractualisation peut désigner le mouvement, par lequel les relations contractuelles entre des personnes se développent, se multiplient, au point de devenir une mode normal ou habituel de relation entre ces personnes. La contractualisation est une forme d'institutionnalisation du contrat, elle est une généralisation de la relation contractuelle.
[...] Le contrat de plan est aussi un autre exemple de l'évolution des compétences par le contrat. La procédure du contrat de plan permet en effet à l'Etat de solliciter le concours financier des collectivités pour la réalisation de projets d'intérêt national. C'est le cas en matière de voirie. Il en va de même pour l'enseignement supérieur, domaine dans lequel la participation des régions est importante. Le cofinancement, généralement Etat-région, se fait indépendamment de la question de savoir quelle est la collectivité titulaire de la compétence en cause. [...]
[...] À l'opposé, la convention enregistre mieux la variété des situations, elle permet de tenir compte de l'ensemble des particularismes : le pluralisme des conventions est un atout, l'unicité du décret, une servitude Le contrat correspondrait ainsi à une nouvelle manière de concevoir l'autorité, hormis les matières qui sont réservées, légalement ou par tradition, à l'acte unilatéral. b. Déclin de la coopération institutionnelle, trop rigide. La collaboration institutionnelle constituait la forme quasi exclusive de coopération entre les collectivités décentralisées : l'autorité de tutelle éprouvait une certaine méfiance vis-à-vis du contrat qui était considéré comme la forme privilégiée de collaboration entre les personnes publiques et les personnes privées. [...]
[...] La question se pose alors de savoir si cette diffusion des démarches contractuelles n'est pas une forme raffinée de tutelle qui, sous couvert d'accords réciproques, réduit en fait les pouvoirs locaux à adhérer aux politiques pilotes de l'Etat pour bénéficier de ses financements. On serait en présence d'un tutorat en forme contractuelle Cette tutelle revêt cependant une signification particulière. Ce poids de l'Etat dans la conclusion des conventions. Avant 1982, la technique contractuelle permettait d'éviter que les collectivités locales n'aient un programme propre, qui contredise un programme étatique arrêté d'avance. Désormais, l'objectif est d'associer les collectivités locales à un programme que l'Etat désire réaliser. La voie contractuelle est parfaite pour ce faire, l'acte administratif unilatéral est inadapté à ce processus. [...]
[...] À titre d'exemple, s'agissant des communautés urbaines, la loi du 31 décembre 1982 a permis d'assouplir le système institutionnel par la voie de convention concernant l'exercice, par la communauté où une ou plusieurs communes, de compétences relevant de l'autre partie. De plus en plus souvent, l'incitation à la collaboration passe par une utilisation conjointe de l'institution et de la convention. Les deux procédés se trouvent à égalité sur le plan théorique. En pratique, les conventions se multiplient, offrant plus de souplesse que la forme institutionnelle. La convention tend ainsi à corriger tout ce que peut avoir d'excessif la rigidité de l'institution B . [...]
[...] Ce mouvement s'inscrit-il pour autant dans la durée, ou bien n'est-il qu'un phénomène passager, un remède destiné à pallier les dysfonctionnements momentanés de la décentralisation. Certes, la place importante occupée actuellement par la convention souligne son rôle de réducteur des incertitudes législatives dans un édifice juridique en pleine mutation. Cependant, il ne semble pas que le contrat ne soit qu'un remède passager, il est institutionnalisé. Il est devenu un mode de droit commun de relation entre personnes publiques, à côté de l'acte administratif unilatéral. Si l'acte unilatéral occupait une place de choix au siècle dernier, cette fin de XXe siècle sera, elle, plus conventionnelle. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture