Contractualisation, action publique, article 1101 du Code civil, acte administratif unilatéral, personnes publiques, Conseil d'Etat
« On ne saurait élever l'administration contractuelle au rang de panacée. On ne peut gouverner par contrat » écrivait encore le vice-président du Conseil d'Etat Renaud Denoix de Saint Marc en 2003 dans l'AJDA. Pourtant, si l'acte administratif unilatéral reste la voie de prédilection de l'administration, le recours au contrat ne cesse de gagner du terrain dans l'action publique en France et en Europe. Le contrat, défini par l'article 1101 du Code civil comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose, est devenu incontournable dans l'action administrative. Souvent présenté comme synonyme de modernité, substituant la régulation et la négociation à la contrainte, libérant l'administration de ses rigidités, il apporterait pour ses défenseurs une légitimité nouvelle à l'action publique. Le recours des personnes publiques au contrat, qu'il soit de droit commun ou administratif, a pris une telle ampleur qu'il a fait l'objet du rapport public du Conseil d'État de 2008 intitulé Le contrat, mode d'action publique et de production de normes. Si ce rapport reconnait qu'il n'existe aucun outil statistique fiable pour évaluer le nombre et le volume des contrats conclus par l'administration chaque année, l'augmentation du nombre et de la proportion des affaires contentieuses relatives aux contrats et aux marchés publics devant le juge administratif révèle l'engouement significatif pour ce procédé.
[...] En outre, la contractualisation ne saurait pénétrer les attributions régaliennes de l'État dans des proportions trop importantes. Les fonctions inhérentes à l'exercice de la souveraineté ne peuvent être déléguées par contrat. Il en va notamment de la surveillance des détenus et des mesures de contrôle judiciaire (CC août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice). Les autorités détentrices d'un pouvoir de police, de même, doivent prendre des actes unilatéraux et ne peuvent recourir au procédé contractuel (CE juin 1932, ville de Castelnaudary). [...]
[...] Toutefois, la contractualisation de l'action publique ne se limite pas à ces fonctions habituelles du contrat en droit civil ou commercial. Le contrat sert désormais au pilotage de politiques publiques, par exemple les conventions d'objectifs et de gestion, ou à leur expérimentation (contrats signés dans le cadre d'expérimentation du RSA). La contractualisation de l'action publique a encore vocation à préciser ou clarifier des dispositions législatives difficilement accessibles au citoyen, si l'on songe au contrat d'accueil et d'intégration et au contrat de responsabilité parentale. [...]
[...] La contractualisation de l'action publique appelle à préciser la sécurité juridique des relations contractuelles. La contractualisation de l'action publique n'est pas sans poser problème au regard de l'intelligibilité de la norme juridique. Dans son rapport public de 2008, le Conseil d'État relevait que le droit des contrats publics avait perdu en lisibilité et gagné en complexité avec la montée en puissance du recours au procédé contractuel. Il relevait le risque élevé d'instabilité juridique dû au foisonnement des différents types de contrats, à la double compétence législative et règlementaire pour déterminer leur régime juridique et à l'adéquation encore imparfaite en la matière entre droit français et droit européen. [...]
[...] La contractualisation vise ainsi à susciter le consentement et garantir l'application effective de la norme juridique. Elle peut aussi constituer un gage de stabilité que n'apporte pas l'acte unilatéral, si l'on songe aux contrats de longue durée, comme les délégations de service public, les baux emphytéotiques administratifs et les contrats de partenariat. Enfin, l'administration a de plus en plus recours au contrat pour adapter son action afin de tenir compte des spécificités de chaque territoire, secteur économique ou groupe social, adaptation permise, voire encouragée par le Conseil constitutionnel (CC janvier 1995, Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire). [...]
[...] Cette contractualisation doit toutefois rester mesurée et encadrée de manière plus stricte par le droit et la jurisprudence. [...]
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