En incluant dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946, et tous les textes auxquels il renvoie, ainsi que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 Août 1789, le Conseil Constitutionnel a ouvert la voie à une interprétation très subjective des principes qui y sont contenus du fait de leur nécessaire adéquation à la modernité. La jurisprudence constitutionnelle est donc venue grossir ce bloc déjà élargi de constitutionnalité par l'invocation, et la consécration de l'existence de principes fondamentaux reconnues par les lois de la République (PFRLR). Invoqués, généralement, sur la base d'un esprit traduit par des textes de l'éventail constitutionnel par la juridiction désireuse de renier les thèses critiquant sa dérive « gouvernementale » par des interprétations larges, ils viennent s'incorporer à l'arsenal légal utilisé par le Conseil d'Etat et la juridiction administrative dans le contrôle de conformité des actes administratifs à la loi. D'autre part, certains principes sont consacrés par le Conseil Constitutionnel, auxquels il confère une valeur constitutionnelle, en l'absence de fondement textuel, ainsi du principe de continuité des services publics (C.C. 79-105 DC du 25 Juillet 1979), ou encore du principe de sauvegarde de la dignité humaine (C.C. 94-343 du 27 Juillet 1994). Cette liberté d'interprétation à laquelle s'est autorisée la jurisprudence constitutionnelle suscite un questionnement sur la légitimité dont seraient affublées de telles interprétations effectuées par le juge administratif dans le cadre, imaginons, du contrôle d'un acte administratif prétendument pris en vertu d'une disposition du bloc de constitutionnalité, ou en l'absence de loi faisant écran à la confrontation directe de l'acte à ce bloc (cas des règlements autonomes par exemple). Le Conseil d'Etat serait-il dans son droit d'invoquer un principe novateur qu'il affirme pouvoir interpréter de la Constitution ? Quelle est donc la capacité du juge administratif à invoquer des dispositions supra-législatives de nature à se référer directement à des dispositions textuelles de la Constitution ? Par ailleurs, l'invocation de principes généraux du droit (PGD) en tant que faisant référence à une tradition juridique, ou à l'esprit de la Constitution ne pourrait-elle pas être rattachée, pour certains, à une valeur constitutionnelle indirecte ? L'hypothèse a en effet été vérifiée dans laquelle le Conseil Constitutionnel consacrait un PGD en lui conférant un fondement constitutionnel textuel et par là valeur constitutionnelle : le Conseil d'Etat pourrait-il continuer à invoquer le principe qu'il a lui-même préalablement invoqué, en l'ornant d'une valeur constitutionnelle, ou doit-il au contraire faire référence au principe tel que consacré par la juridiction constitutionnelle ?
Ainsi apparaissent deux axes de réflexion distincts quant à la nature des rapports unissant le Conseil d'Etat et les principes à valeur constitutionnelle. La diversité de l'origine de ces principes peut être à même de fournir les éléments justifiant la thèse selon laquelle le Conseil d'Etat pourrait, dans la simple nécessité de contrecarrer des actes administratifs, invoquer l'existence des PGD qu'il a mis en évidence par sa jurisprudence plutôt que de mettre en avant la valeur constitutionnelle qui a pu leur être conférée a posteriori par la jurisprudence constitutionnelle. Nous verrons également à l'occasion de ce premier temps, l'impossibilité existant dans certaines circonstances qui empêche le juge administratif d'effectuer une bonne application de tels principes (I). D'autre part, dans la diversité qu'ils offrent, et la souplesse qui leur a été conférée dans leur invocation par la décision de Juillet 1971 du Conseil Constitutionnel, les principes à valeur constitutionnelle pourraient peut-être apparaître comme à la portée d'une création par le juge administratif en ce qu'il est amené à faire parfois une interprétation directe de la Constitution (II).
[...] Le Conseil d'Etat et les principes à valeur constitutionnelle L'essence de la juridiction administrative repose sur la nécessité de contrecarrer les actes de l'administration qui seraient jugés contraires à la légalité dans son acception large. Pour ce faire, l'action juridictionnelle administrative doit être en mesure d'invoquer la contrariété de ces actes pris par l'administration à des dispositions de sens contraire, et qui sont imposables à ces actes ; cela signifie en réalité qu'à l'appui de la révocation, de l'annulation, ou de la modification des actes administratifs puissent être invoquées des normes reconnues comme hiérarchiquement supérieures. [...]
[...] La question se pose alors de l'application qui doit être faite par le Conseil d'Etat du second type de principe. En effet, lors des litiges qui lui sont proposés, la valeur supra-décrétale, accordée aux PGD, d'une norme suffit tout à fait au juge administratif pour faire jouer la hiérarchie des normes en la défaveur de l'acte irrégulier. Cependant, il apparaîtrait nécessaire à l'uniformité, l'homogénéité de l'ordre normatif que le principe qui a l'autorité la plus forte soit choisi dans ce cas là. [...]
[...] La fonction d'interprétation du Conseil d'Etat, et la surprise du délaissement de la catégorie des PGD La reconnaissance à la juridiction administrative de cette capacité d'identification de principe à valeur constitutionnelle n'apparaissant pas comme fondamentalement nécessaire à son fonctionnement, qui pourrait dans la majorité des cas se satisfaire de l'invocation de PGD, ou d'une interprétation large de normes existantes conduit à l'interrogation de la valeur de l'arrêt Koné. N'était-ce que le moyen de résoudre de manière opportune un litige en invoquant, avec une dimension novatrice indéniable, l'interprétation de dispositions constitutionnelles ? On peut en douter car l'Assemblée de la juridiction administrative suprême n' pas répondu à ce qu'avait proposé le commissaire du gouvernement de l'époque, M. [...]
[...] Invoqués, généralement, sur la base d'un esprit traduit par des textes de l'éventail constitutionnel par la juridiction désireuse de renier les thèses critiquant sa dérive gouvernementale par des interprétations larges, ils viennent s'incorporer à l'arsenal légal utilisé par le Conseil d'Etat et la juridiction administrative dans le contrôle de conformité des actes administratifs à la loi. D'autre part, certains principes sont consacrés par le Conseil Constitutionnel, auxquels il confère une valeur constitutionnelle, en l'absence de fondement textuel, ainsi du principe de continuité des services publics (C.C. 79-105 DC du 25 Juillet 1979), ou encore du principe de sauvegarde de la dignité humaine (C.C. [...]
[...] Il apparaît ainsi, en matière de PFRLR tout du moins, que si un principe répond à l'exigence posée par le juge constitutionnel (C.C. 88-244 DC du 20 Juillet 1988) qu'il doive être le résultat de la législation républicaine et que cette dernière ne soit pas revenue sur son contenu antérieurement à la Constitution de 1946, il peut être mis en évidence et consacré par la juridiction administrative. On confère ainsi au Conseil d'Etat par son activité qui emporte parfois nécessairement l'interprétation de la Constitution en des points qui n'ont pas déjà été soulevés par le Conseil Constitutionnel (à propos d'un conflit donné) la capacité de consacrer des principes dont la valeur serait constitutionnelle. [...]
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