Police administrative, désordre moral, désordre matériel, prévention, ordre public, arrêt Société des films Lutétia, moralité publique, arrêt Commune de Morsang sur Orge, attentats Charlie Hebdo, liberté d'expression, démocratie, droits fondamentaux, Maurice Hauriou, l'article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales, arrêt Benjamin, juge pénal, autorité judiciaire, police judiciaire, lois des 16 et 24 août 1790
Conformément à l'idéologie libérale, la police administrative n'a pour objectif que d'assurer « l'ordre matériel et extérieur », selon l'expression du célèbre professeur de l'école de Toulouse M. Hauriou, « et même, le plus souvent, l'ordre dans la rue ; en d'autres termes [...] elle ne pourchasse pas les désordres moraux ». Par cela, il décrit ce que devrait être selon lui la police administrative : en effet, il la cantonne en une conception essentiellement matérielle et préventive, au détriment de tout ce qui relève de la morale. Toutefois, cette conception sera remise en cause par la jurisprudence du Conseil d'État, lorsque des éléments immatériels seront intégrés dans la notion d'ordre public, qui est l'objet même de la police. C'est notamment avec l'arrêt Société des films Lutétia rendu en 1959 que le Conseil d'État a admis que l'autorité de police administrative pouvait prendre des mesures de police administrative pour des raisons de moralité publique. Et par l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge rendu en 1995, le Conseil d'État a à nouveau intégré un élément parfaitement immatériel à cet ordre public : l'atteinte à la dignité de la personne humaine.
[...] Par exemple, si en 2014 le Conseil d'État avait refusé la tenue d'un spectacle pour des raisons d'ordre public immatériel (propos apparemment antisémites), celui-ci autorise la tenue de ce même spectacle un an plus tard, à un moment où la liberté d'expression est fragilisée par les attentats Charlie Hebdo. C'était donc l'occasion pour le Conseil d'État, à travers cette décision qui touchait à l'ordre public, d'affirmer l'importance et la pérennité de la liberté d'expression. Par ailleurs, la notion même de police constitue un enjeu considérable dans un État démocratique, pour garantir et permettre l'exercice des droits fondamentaux. [...]
[...] Par exemple, dans l'arrêt Commune de Rochecour sur marne rendue par le Conseil d'État en 2009, on apprend que lorsqu'il existe une police administrative spéciale, le plus souvent confiée au ministre ou au préfet, le maire ne peut prendre un arrêté de police administrative générale, que s'il parvient à démontrer qu'il existe un péril imminent ou s'il démontre qu'il prend au titre de l'ordre public, un objet qui n'est pas dans la police administrative spéciale. Dès lors, si un déplacement de la frontière entre polices judiciaire et administrative est caractérisé par un empiètement de la part du juge administratif sur les compétences du juge judiciaire, il semblerait que cela prenne tout son sens lors de situations d'urgence. [...]
[...] Ainsi, il est clair que les deux polices concourent par des mesures différentes certes, mais dans un seul but commun : la protection de l'ordre public. Dès lors, cela traduit l'opposition même entre police administrative et police judiciaire ; qui n'est autre que la conséquence directe du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires (loi des 16 et 24 août 1790), et du rôle qu'elles ont chacune à assurer en principe. Cette distinction présente en ce sens deux conséquences juridiques. [...]
[...] Pourtant, c'est le juge judiciaire qui est compétent pour apprécier cela. Cela vaut aussi pour le placement des étrangers en rétention, qui normalement est une mesure censée assurer l'exécution des mesures de police administrative (Article L.552-1 CESEDA). Pourtant, cela relève du juge des libertés et de la détention (du juge judiciaire). On peut penser que ce choix de compétence s'explique par une meilleure préservation de l'ordre public justement, assurant un contrôle direct par le juge judiciaire, qui est garant des libertés en vertu de l'article 66 de la Constitution, au détriment du juge administratif, qui lui, n'est que garant de l'intérêt général (soit de l'administration). [...]
[...] Il convient alors de se demander en quoi le curseur de séparation entre les polices judiciaire et administrative peut varier selon la nécessité de protéger l'ordre public ? Si le concours des mesures de police judiciaire et administrative repose sur des critères de distinction censés assurer la préservation de l'ordre public cette frontière entre police judiciaire et police administrative a été largement déplacée (II). Une distinction importante selon un critère préservant l'ordre public Dans la mesure où la distinction entre police administrative et police judiciaire est liée à la dualité des ordres de juridiction, la jurisprudence a dû recourir à un critère de distinction précis : la finalité de l'opération ; avant de basculer vers un critère essentialiste, faute d'efficacité du premier critère Le critère finaliste, un choix pour une plus grande protection de l'ordre public Dès lors que l'on se trouve en présence d'autorités qui se trouvent cumulées à la fois des fonctions administrative et judiciaire dans un seul et même but, il semblait évident de mettre en place un critère qui puisse délimiter le champ d'action de chacune. [...]
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