D'un point de vue procédural, le procès administratif est soumis aux grands principes édictés par la Convention européenne des droits de l'Homme et notamment son article 6§1. Ce dernier dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) ».En d'autres termes, chaque partie a droit à un procès équitable, notion qui reste très largement définie. L'on retiendra particulièrement que cet article prévoit deux principes généraux à respecter : le principe du contradictoire qui implique la liberté pour chacune des parties, de faire connaître tout ce qui est nécessaire au succès de sa demande ou de sa défense et qui est la condition indispensable de la liberté de la défense ainsi que le principe de l'impartialité. Entendu largement, le principe du contradictoire englobe le principe de « l'égalité des armes » : chaque partie doit ainsi se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (3). Nul doute d'ailleurs que l'arrêt Kress rendu en 2001 par la Cour européenne et constituant l'arrêt de principe en la matière sera la base d'une grande partie du raisonnement que nous allons suivre.
Alors, s'il ne fait aucun doute que les parties sont soumises à ces différents aspects du procès équitable, la réponse n'est pas aussi certaine quant au commissaire du Gouvernement, agent né d'une incessante évolution depuis le XIXème siècle. Pourtant après 170 ans d'existence, on en vient à se poser la question de savoir si le commissaire du gouvernement est concerné par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Sans se limiter à se demander si les conclusions de ce commissaire devant les juridictions administratives relèvent ou non du champ d'application de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (4), nous devrons nous interroger sur le statut de ce commissaire du gouvernement. En d'autres termes, quelles sont les conséquences de son statut sur le respect du droit au procès équitable ?
Afin de répondre le plus clairement possible à cette interrogation ancienne mais toujours d'actualité, après l'examen du statut du commissaire du gouvernement et ses conséquences sur le principe du contradictoire (I), il conviendra de s'intéresser aux conséquences de la consécration par l'arrêt Kress de « l'intérêt supérieur du justiciable » (II)
[...] Car, elle est certes fondée sur une apparence, mais elle a le mérite d'avoir le poids nécessaire pour s'imposer aux juridictions inférieures Ainsi, en transformant le célèbre adage, on parviendrait à la conclusion suivante : dure est la jurisprudence de la CEDH, mais c'est SA jurisprudence et la juridiction française devra, quoiqu'il en soit, s'y faire. On le comprend, la situation n'est pas claire. Entre une Cour européenne qui persiste et un Conseil d'Etat qui s'obstine, la place du commissaire du Gouvernement est des moins enviable. Une chose est certaine, le commissaire du Gouvernement ne respecte pas le droit au procès équitable selon la CEDH (qui l'emportera à terme), et va connaître de prochaines évolutions. [...]
[...] C'est d'ailleurs ce qu'avait déjà consacré l'arrêt Gervaise : le commissaire du gouvernement a pour mission d'exposer au Conseil les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant, en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale Dans le même ordre d'idées, l'arrêt Esclatine précise que le commissaire du gouvernement participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction dont il est membre Ainsi, selon le Conseil d'Etat, le commissaire du gouvernement est un juge comme un autre qui a la particularité singulière de donner son opinion en public. Ce serait alors seulement cette publicité qui l'empêcherait de voter lors du délibéré en raison du principe du secret du délibéré. Cependant, la Cour européenne des droits de l'Homme ne partage pas cette opinion. [...]
[...] A l'heure où l'on se demande s'il est juge ou partie, l'on se rend compte que dans l'analyse de ce problème, les protagonistes sont juges ET parties. Dès lors, qui croire ? Jamais les conseillers d'Etat ne suivront l'analyse de la CEDH car ils ont tous ou presque été commissaire du Gouvernement dans leur carrière Chacun se réfugie derrière des apparences, des sentiments. [...]
[...] La participation du commissaire du Gouvernement au délibéré : la lutte entre la CEDH et le Conseil d'Etat Participer assister être présent Autant de termes différents qui ont tous leur importance dans le débat autour du rôle du commissaire du Gouvernement au cours du délibéré. Si l'on suit le raisonnement développé par les instances françaises, rien ne devrait s'opposer à ce que le commissaire du Gouvernement participe au délibéré. En effet, le délibéré est réservé aux juges. Or, le commissaire est un juge, comme on a pu le comprendre. [...]
[...] Soit le commissaire du gouvernement est un juge comme un autre et alors il devrait voter, soit il est une partie et alors il n'a pas le droit de participer au délibéré. Et la Cour d'estimer qu'en lui interdisant de voter, au nom de la règle du secret du délibéré, le droit interne affaiblit sensiblement la thèse du gouvernement (français), selon laquelle le commissaire du Gouvernement est un véritable juge, car un juge ne saurait, sauf à se déporter, s'abstenir de voter (arrêt Kress, Alors, juge ou partie, rien n'est sûr. [...]
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