En matière administrative, une faute simple suffit en principe pour engager la responsabilité de l'administration. Néanmoins, il est des cas où est exigée une faute qualifiée dite « faute lourde », expression qui a remplacé la formulation ancienne « faute manifeste d'une particulière gravité ». Telle solution se justifie par le fait que lorsque le service fonctionne dans des conditions difficiles, la faute légère est excusable. Mais encore convient-il d'apprécier la notion de difficulté qui heurte un bon fonctionnement.
C'est par un arrêt du 18 février 2002 Groupe Norbert Dentressangle que le Conseil d'Etat apporte des précisions à ce problème. En l'espèce, la compagnie d'assurance « Défense Générale Tous Risques » a fait l'objet d'un contrôle de la part du ministère de l'économie et de la commission de contrôle des assurances. Or, cette dernière a commis des carences dans l'exercice de sa mission disciplinaire. La compagnie d'assurance intente une action en justice contre la commission de contrôle au motif que celle-ci a entaché son action d'un retard constitutif d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat. La cour d'appel de Paris, le 13 juillet 1999 estime qu'en exerçant ses pouvoirs de contrôle et de sanction, « la commission n'avait entaché son action d'aucun retard constitutif d'une faute lourde ». Ainsi, elle maintient le régime de la faute lourde pour l'activité juridictionnelle des commissions de contrôle des assurances, en revanche, elle abandonne l'exigence d'une faute lourde pour engager la responsabilité de l'administration dans ses activités de contrôle administratif.
La compagnie d'assurance forme un pourvoi contre la cour d'appel au motif que celle-ci en maintenant l'exigence de la faute lourde pour engager la responsabilité de l'Etat du fait du contrôle des assurances dans sa mission disciplinaire a méconnu les stipulations de l'article 13 de la convention de européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son premier protocole additionnel. Le pourvoi est rejeté par le Conseil d'Etat ainsi que la demande d'indemnisation présentée par le Groupe Norbert Dentressangle au motif que « eu égard à la nature des pouvoirs qui sont dévolus à la commission de contrôle des assurances, elle ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde ; qu'ainsi en jugeant qu'une telle faute était nécessaire pour que puisse être engagée la responsabilité de l'Etat du fait des carences dans l'exercice, par la commission, de la mission disciplinaire prévue par l'article L. 310-18 du code des assurances, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit , alors même qu'elle s'est fondée à tort sur le caractère juridictionnel que revêtirait cette mission».
On se pose alors la question suivante : La responsabilité de l'Etat pour les activités de contrôle des assurances nécessite-t-elle une faute simple ou lourde pour être engagée ?
La décision prise par la Cour d'appel de Paris et du Conseil d'Etat, concernant la responsabilité de l'Etat pour les activités de contrôle des assurances est une décision tranchant entre la faute simple et la faute lourde (I). En outre, cette décision du Conseil d'Etat est illustratrice du réel maintien de l'influence de la notion de faute lourde dans la responsabilité administrative (II).
[...] Or, selon le Conseil d'Etat, la Cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit, alors même qu'elle s'est à tort fondée sur le caractère juridictionnel que revêtirait cette mission C'est la particularité de cet arrêt, en effet, comme nous venons de le remarquer la cour d'appel administrative de Paris avait elle aussi admis que la responsabilité de l'Etat obéissait au système de la faute lourde, mais elle est parvenue à cette conclusion en invoquant le caractère juridictionnel des décisions disciplinaires prises par la commission de contrôle des assurances. Cependant, comme l'énonce le Conseil d'Etat, il s'agit d'une erreur de droit car la Commission de contrôle des assurances ne saurait être regardée comme une juridiction disciplinaire lorsqu'elle inflige une sanction aux sociétés d'assurances. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 18 février 2002 Groupe Norbert Dentressangle En matière administrative, une faute simple suffit en principe pour engager la responsabilité de l'administration. Néanmoins, il est des cas où est exigée une faute qualifiée dite faute lourde expression qui a remplacé la formulation ancienne faute manifeste d'une particulière gravité Telle solution se justifie par le fait que lorsque le service fonctionne dans des conditions difficiles, la faute légère est excusable. Mais encore convient-il d'apprécier la notion de difficulté qui heurte un bon fonctionnement. [...]
[...] Seban, si la faute lourde a indéniablement reculé, elle n'a pas pour autant vocation a disparaître On a presque le sentiment que les exhortations de la doctrine en faveur du déclin de la faute lourde ont un peu l'effet inverse sur la Haute juridiction, et l'arrêt Groupe Norbert Dentressangle en est l'illustration. La nécessité de délimiter clairement la frontière entre faute lourde et faute simple La jurisprudence récente, plutôt que de l'abolir, semble procéder à une réévaluation de la place de la faute lourde dans le droit de la responsabilité administrative, compte tenu de l'évolution des institutions et de la société au cours du siècle passé et notamment de l'attention plus grande portée aux droits individuels. [...]
[...] L'engagement de la responsabilité de l'Etat pour les activités de contrôle des assurances sous la condition d'une faute lourde Le Conseil d'Etat rejette, tout comme la Cour d'appel de Paris, la soumission des activités de contrôle des assurances au régime de la faute simple et confirme l'exigence de la faute lourde pour engager la responsabilité de l'Etat dans son activité de contrôle à raison des mesures disciplinaires Le refus de la soumission des activités de contrôle des assurances au régime de la faute simple En l'espèce, la compagnie d'assurance Défense Générale Tous Risques a fait l'objet de contrôles de la part du ministère de l'économie et de la commission de contrôle des assurances. Or, selon le pourvoi, le retard, commis par la commission de contrôle des assurances est de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En effet, cette dernière a commis des carences, en l'espèce un retard, dans l'exercice de sa mission disciplinaire. Ce qui, selon le pourvoi du Groupe Norbert Dentressangle, suffit à engager la responsabilité de l'Etat. Donc, le pourvoi estime que les activités de contrôle des assurances sont soumises au régime de la faute simple. [...]
[...] En outre, dans le contexte très particulier du sang contaminé le Conseil d'Etat a adopté le système de la faute simple en ce qui concerne le contrôle exercé par l'Etat sur les centres de transfusions sanguines privées (CE avril 1993). Et il est vrai que, la cour d'appel de Paris avait soumis au régime de la faute simple l'activité de contrôle en matière de recouvrement (CAA, Paris 13 octobre 1998, M.Guillet). Il est vrai qu'il s'agissait d'une opération ne présentant pas de difficultés particulières relatives à l'appréciation de la situation du contribuable. [...]
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