Modification des contrats, droit des contrats, rétrogradation de l'imprévision, théorie de l'imprévision, révision pour imprévision, charge extracontractuelle, indemnisation, régime d'indemnisation temporaire, droit de la commande publique, Conseil d'État
Face à un contexte global où l'imprévisible semble rejaillir incessamment, l'opportunité de la théorie de l'imprévision paraît plus que certaine. Crise sanitaire, crise sociale, crise économique ou crise climatique, « qui aurait pu prédire » un tel regain d'intérêt pour cette théorie à l'amorce de cette nouvelle décennie. Face à un sort demeuré quelque peu incertain par une codification au CCP, le Conseil d'état, à l'occasion d'un avis commandé par le ministre de l'Économie, a pu réaffirmer la valeur de droit positif de sa théorie jurisprudentielle (Point 17 de l'avis du 15 septembre 2022) et largement en repréciser les contours.
[...] L'indemnisation tend dès lors à s'éloigner du cadre contractuel et de la modification pour s'enraciner dans une dimension extracontractuelle. Le Conseil d'état l'affirme dans son avis de 2022, il n'existe pas de droit à obtenir une révision du contrat, mais un droit à obtenir une indemnité pour charge extracontractuelle. Dès lors, si la théorie de l'imprévision tire sa source des relations contractuelles, sa finalité tend à s'en écarter. Toujours dans son avis de 2022, le Conseil d'état ira même jusqu'à affirmer que le droit à indemnisation pourra conduire à une convention d'indemnisation n'ayant ni pour objet, ni pour effet de modifier les clauses du contrat, ni les obligations contractuelles réciproques des parties, ni d'affecter la satisfaction des besoins de l'autorité contractante. [...]
[...] A l'appui de cette argumentation le cas de la convention d'indemnisation telle qu'envisagée par le Conseil d'État. Dans son avis précité du 15 septembre 2022, le juge administratif suprême précise en effet qu'une telle convention ne peut être que temporaire. Cela, pour maintenir un certain équilibre contractuel qui ne saurait avoir pour effet de modifier ni les clauses, ni les obligations contractuelles réciproques des parties ni encore affecter la satisfaction des besoins de l'autorité. Le Commissaire du gouvernement Riboulet, dans ses conclusions sur l'arrêt CE 1919 Société du Gaz de Nice, envisageait une suspension du contrat au profit d'une dérivation, une superstructure permettant le versement d'une indemnité. [...]
[...] L'étude des rapports entre imprévision et modification appelle à constater l'intégration de l'imprévision au cœur du régime de la modification par une tentative d'encadrement de l'imprévisible avant d'envisager la nature même de la réponse à l'imprévu révélant l'indemnisation d'une charge extracontractuelle (II). Un ancrage au cœur du régime de la modification, l'encadrement de l'imprévisible Largement encadrée par le droit de l'Union européenne, l'imprévision s'est vue en partie rétrogradée au rang de critère contribuant à son incorporation au sein du régime de modification du contrat Dans un mouvement antérieur mais analogue, les autorités administratives ont largement été invitées à anticiper les circonstances imprévisibles entourant l'exécution du contrat La rétrogradation de l'imprévision, un critère de modification du contrat parmi d'autres Consacré comme critère par les directives de 2014 et par le Code de la commande publique, c'est sans doute dans cette perspective que l'imbrication entre imprévision et modification se fait la plus apparente. [...]
[...] Envisagée comme critère d'application, l'imprévision s'insère ainsi pleinement dans le régime entourant la modification du contrat administratif, parmi d'autres critères tels que des modifications non substantielles ou de faible montant. L'imprévision se révèle ainsi être une voie de contournement autorisée à une procédure de mise en concurrence en cas de modification du contrat. À cet égard, il est intéressant de préciser que le Juge administratif ne s'estime pas disposé du pouvoir de modifier le contrat (CE 1927 Ville de Saint-Omer). [...]
[...] Comment l'imprévision influence-t-elle la modification des contrats et l'indemnisation des charges imprévues ? « On est toujours forcé de donner quelque chose au hasard ». S'il demeure par définition imprévisible, l'aléa n'est pour autant jamais à exclure. Le droit des contrats administratifs semble en avoir tiré les conséquences en élaborant une théorie de l'imprévision qui, pour détourner les quelques mots attribués à Napoléon Bonaparte permet, dans certaines circonstances, de recevoir quelque chose du hasard. Théorie centenaire (CE 30 mars 1916 Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux) consacrée à l'article L.6 3° du Code de la Commande publique, l'imprévision vise dans une large mesure à matérialiser le principe de continuité (la poursuite du contrat étant une des conditions de sa mise en œuvre). [...]
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