Les contrats administratifs sont très souvent perçus comme étant les contrats où règne sans partage l'administration. Il est vrai que ces contrats sont soumis à un régime exorbitant de droit commun. Ce régime se distingue des prescriptions de l'article 1134 du Code civil, selon lesquelles « les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites », en ce qu'il est notamment possible pour l'administration contractante de modifier, voire de résilier unilatéralement le contrat, sous certaines conditions et moyennant certaines contreparties.
Comme l'ont observé Georges Vedel et Pierre Delvolvé, certaines prérogatives exorbitantes du droit commun « proviennent de ce que les contrats administratifs comportent des clauses exorbitantes du droit commun inscrites dans leur texte… En ce cas, les prérogatives de l'administration ne sont que la mise en œuvre du contrat lui-même et si elles sont exorbitantes par leur contenu, elles ne le sont pas quant à leur source. En revanche certaines d'entre-elles ne sont pas d'origine contractuelle. Sans doute peuvent-elles être inscrites dans le contrat, mais même si elle n'étaient pas stipulées, elles n'en existeraient pas moins ».
Ce régime exorbitant trouve incontestablement son fondement dans la notion d'intérêt général qui anime l'action des personnes publiques. Comment concevoir en effet qu'un contrat passé au nom de l'intérêt général soit contraint dans des règles qui ont été conçues pour des contrats conclus entre personnes privées, en vue d'intérêts particuliers ? En d'autres termes, l'immutabilité contractuelle semble difficilement compatible avec la mutabilité de l'intérêt général. Sans conteste, l'intérêt général, dont la garde et la gestion sont confiées à l'administration, doit connaître en fonction de cette conception, un régime particulier. Ainsi il a toujours été admis qu'il existait une différence fondamentale entre les règles d'exécution valables pour les contrats civils et celles établies pour les contrats administratifs. Ces dernières se caractérisent essentiellement par des privilèges accordés à l'administration habilitée à prendre des sanctions à l'encontre de son partenaire, à imposer des modifications au contenu de la convention et à la résilier unilatéralement.
Un tel régime vient nécessairement affecter le « consensualisme contractuel ». Mais l'existence de pouvoirs unilatéraux ne saurait constituer une remise en cause absolue de l'accord de volonté qui existe à l'origine des contrats administratifs. Si tel était le cas l'administration ne trouverait plus de cocontractants ; et la satisfaction de l'intérêt général serait impossible à réaliser. Il convient donc de relativiser le caractère exorbitant des pouvoirs unilatéraux de l'administration dans les contrats administratifs.
L'exorbitance des pouvoirs de l'administration dans les contrats administratifs (I) est à relativiser (II).
[...] Il peut s'agir de pénalités fixées par le contrat et destinées à sanctionner des retards d'exécution sous la forme d' amendes déterminées par l'administration, lorsque les sanctions prévues par le contrat ne sont pas adaptés, à cause de leur sévérité, à certains comportements non gravement fautifs du cocontractant. Les autres sont des sanctions coercitives. Elles visent à obtenir la résiliation du contrat par l'emploi de moyens de contrainte destinés à surmonter la défaillance du cocontractant. Sans que le contrat soit rompu, l'administration se substituera au cocontractant ou lui substituera un tiers, l'exécution du contrat étant ainsi poursuivie aux frais et risques du cocontractant. [...]
[...] Lorsque les contractants sont égaux et gardiens au même titre de leurs services publics, il n'y a aucune raison de laisser subsister un tel pouvoir. L' exorbitance aurait donc un champ d'application étendu mais non sans limite. Bibliographie Christophe Guettier, Droit des contrats administratifs; Chapus R., droit administratif général (T1 et Morand-Deviller J., Cours de droit administratif; Amselelek Pierre, la qualification des contrats administratif par la jusrisprudence (article de l'AJDA 1983). [...]
[...] B.Les pouvoirs de l'administration sur le contrat Le pouvoir de modification unilatérale existe en dehors et dans le silence des dispositions du contrat. Il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs selon l'arrêt du Conseil d'Etat du 2 février 1983, Union des transports public et régionaux. Ces règles générales sont elles-mêmes fondées sur la notion d'intérêt général, à laquelle sont liées celles de service public et de travail public. L'ensemble des contrats administratifs connaît ainsi le pouvoir de modification unilatérale encore que parfois certains y voient davantage l'application de la théorie du fait du prince que d'un véritable pouvoir de modification unilatérale. [...]
[...] Enfin, le cocontractant dont les charges sont aggravées a droit à leur compensation intégrale : l'administration est tenue de rétablir l'équilibre financier du contrat par le versement d'une indemnité adéquate. Il faut considérer une seconde hypothèse relative au fait du prince. C'est celle où une autre personne publique que celle qui est partie au contrat prend des mesures qui ont pour effet d'aggraver les conditions d'exécution du contrat. On peut dire alors que l'aggravation est la conséquence du fait du prince : par exemple, loi décret ayant des incidences sur l'exécution de contrats des collectivités locales ou d'établissement publics, en réglementant les prix ou en prohibant l'emploi de certains produits ou encore en suspendant certaines importations. [...]
[...] Toutefois, si l'unilatéralisme conventionnel paraît respectueux de la force obligatoire du contrat, il peut ne s'agir que d'une apparence, tout particulièrement lorsque les parties sont dans des rapports d'inégalités tels que l'idée même d'accord est très artificielle. En tout cas, on constate que l'unilatéralisme est en progrès en droit privé des obligations, même à travers des manifestations unilatérales de volonté produisant des effets sur le contrat mais ne procédant pas de lui. La chose mérite d'être révélée car elle contribue à rapprocher singulièrement le droit privé des obligations du droit des contrats administratifs. Plusieurs exemples permettent d'illustrer le phénomène. [...]
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