L'histoire de l'Etat français marque sans conteste un accroissement régulier des prérogatives et pouvoirs de l'administration et ce, quel que soit le domaine : social, économique ou autre. Se noue alors un lien semble-t-il essentiel de sujétion de l'administration vis-à-vis de l'Etat et du gouvernement. Pour autant, cela n'a pas empêché le législateur de créer la notion d'autorité administrative indépendante par une loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Naît alors un nouvel échelon dans l'administration, un échelon particulier et dont l'articulation, tant avec les sphères législatives et judiciaires qu'avec la sphère administrative même, reste source de conflits et de problèmes juridiques majeurs. En effet, aucune définition de ce qu'est une AAI n'a été posée par le législateur. Et ainsi la Doctrine et la Jurisprudence ont essayé de créer une catégorie nouvelle à l'aune des cadres juridiques classiques. Dans son rapport de 2001 sur les AAI, le Conseil d'Etat les définit comme des “organismes administratifs qui agissent au nom de l'Etat et disposent d'un réel pouvoir, sans pour autant relever de l'autorité du gouvernement”. Dès lors, l'étude des caractéristiques mêmes des AAI, si elle révèle une diversité de nature ou de fonctionnement qui fait presque de chaque AAI une entité sui generis, achève surtout de montrer la complexité d'une instance douée d'autorité, c'est-à-dire d'un pouvoir de décision ou d'influence notable, qui pour être administrative par son champ d'action et sa mission, n'en reste pas moins indépendante alors même que l'administration suppose le principe de hiérarchie. Reste que le législateur y recourt désormais de manière fréquente dans le domaine de la protection des libertés ou de la régulation économique
[...] Leur essor répond à une volonté de distinguer, à côté des administrations traditionnelles, des organes dotés de garanties d'indépendance particulières par rapport au pouvoir exécutif et ce, compte tenu de la sensibilité des domaines dans lesquels elles interviennent. Elles constituent ainsi une forme nouvelle de gouvernance où la régulation agit parfois en accord ou à la place de la simple décision administrative, faisant dès lors une plus grande place à la négociation, à la transparence et à l'impartialité. Néanmoins leur essor ne va pas sans composer une “véritable mosaïque juridique” , rendant le paysage administratif très hétérogène à première vue. [...]
[...] Au contraire, il ne doit jamais l'entraver, mais il ne doit point en dépendre”. Dès lors, si les AAI montrent bien tant de manière organique que matérielle l'efficacité de leur action et la légitimité de leur existence, il n'en reste pas moins que plane au-dessus d'elle un flou juridique, notamment en ce qui concerne leur nature juridique au regard des catégories existantes. L'identité des AAI est en effet problématique notamment compte tenu de l'absence de cadres législatifs clairs ce qui impose des réformes non seulement pour améliorer leur visibilité mais aussi pour éviter la fragilisation de l'Etat Si l'existence des AAI ainsi que leur accroissement marque pour Yves Gaudemet forme d'échec ou d'inadéquation des structures traditionnelles, mais aussi de la juridiction pour les aspects les plus nouveaux de l'administration”, cela ne va pas sans poser un autre problème. [...]
[...] Enfin, il faut imposer aux AAI la rédaction d'un rapport annuel de leurs activités afin d'évaluer l'efficacité de leur action, de la même manière que la réforme constitutionnelle de juin 2008 a posé la mise en place d'études d'impact pour les lois votées au Parlement. Ceci est rendu nécessaire par le fait que les AAI se multiplient en effet depuis les années 70 maintenant et ce mouvement se poursuit comme en atteste la création le 30 octobre 2007 du contrôleur général des lieux de privation. Le législateur semble y trouver un moyen pratique de réaction alors même que l'administration traditionnelle serait peut-être à même de les régler sans qu'une AAI voie le jour. [...]
[...] La réflexion juridique traditionnelle et la volonté de les inclure dans une catégorie juridique déterminée occultent la réalité dynamique et mouvante de ces organismes. Et s'il convient pour des raisons évidentes de poser un cadre à ces instances particulières de l'administration, il faut garder à l'esprit que ces dernières sont les témoins tout autant que les acteurs d'une réelle réforme de l'Etat en vue d'une meilleure capacité à assurer le service public et à garantir l'intérêt général. [...]
[...] Les AAI sont d'abord et avant tout une catégorie particulière et récente dont la définition organique marque un recul du gouvernement ou du politique, mais non de l'Etat en tant que tel Toutefois, si ces autorités agissent au travers d'une certaine indépendance, l'Etat comme le juge ont placé des garde-fous a priori et a posteriori à leur action En premier lieu, il faut noter que contrairement à une idée reçue, si les AAI n'ont pris ce nom que par la loi du 6 janvier 1978, leur existence a précédé leur essence telle que définie par le législateur. [...]
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