Apparue dans la loi « Informatique et liberté » du 6 janvier 1978 pour qualifier la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la référence à l'AAI a ensuite progressivement gagné un nombre considérable de domaines, parmi lesquels le secteur économique figure en bonne place.
La notion d'autorité administrative indépendante (AAI), malgré certaines divergences sur l'acception à lui donner, est maintenant bien ancrée dans notre ordre juridique. Comme le souligne le rapport du Conseil d'Etat de 2001, la notion d'AAI se définit plus aisément par des caractéristiques justifiant que l'on y ait recours, que par un contenu précis. En effet, le contenu de cette notion paraît difficilement inventoriable. Toutefois, près de trente ans après la création de la première AAI, il est possible de définir les éléments essentiels de cette notion, en dépit de l'absence d'un statut unifié.
Selon une approche générale communément admise, les AAI peuvent être définies comme des organismes administratifs, qui agissent au nom de l'Etat et disposent d'un réel pouvoir, sans pour autant relever de l'autorité du Gouvernement. Elles présentent de ce fait une particularité importante au regard des principes traditionnels d'organisation de l'Etat. Le développement de ces autorités constitue une innovation majeure dans notre organisation administrative. En effet, si aux termes de l'article 20 de la Constitution, le Gouvernement dispose de l'administration, les AAI échappent précisément au contrôle du pouvoir exécutif. Toutefois, le juge constitutionnel range les AAI parmi les administrations de l'Etat dont le Gouvernement, conformément à la Constitution, est responsable devant le Parlement ; il s'attache néanmoins à préserver leur indépendance ce qui pourrait sembler contradictoire ( CCl, 17 janvier 1989, CSA).
Sous la notion d'AAI, on trouve des organismes marqués par une grande hétérogénéité pour ce qui est de leurs missions, de leurs pouvoirs, ou encore de leurs moyens. Cette diversité résulte de l'adaptabilité des AAI à leurs missions, qui fait de chacune d'entre elles une entité originale. Le rapport public du Conseil d'Etat en 2001 souligne d'emblée le caractère irréaliste d'un modèle juridique uniforme d'AAI ; il récuse même l'idée d'un tel modèle ; le Conseil d'Etat insiste sur le fait qu'en recherchant à ramener les AAI à une forme unique, on les priverait de ce qui est leur raison d'être : apporter une réponse adaptée à un problème spécifique à un moment donné.
Certaines AAI ont été créées pour répondre à des exigences communautaires, notamment après l'ouverture d'un secteur économique. Mais les obligations d'origine communautaire ne concernent qu'un petit nombre d'entités (ex : Autorité de régulation des télécommunications). D'autres AAI ont été créées pour mobiliser une capacité d'expertise permanente face à la technicité d'un secteur comme la Commission bancaire ou même l'AMF. D'autres encore ont été créées pour assurer des fonctions de médiation.
Les AAI constituent aujourd'hui une catégorie de fait rassemblant 39 entités pouvant être rangées dans 2 groupes principaux. En effet, une distinction se dessine depuis une dizaine d'années, d'une part les autorités de régulation économique (Conseil de la concurrence, Commission de régulation de l'énergie, AMF…), et d'autre part les autorités chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales (CNIL, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, Médiateur de la République…).
Dans son rapport sur les AAI pour l'Office parlementaire d'évaluation de la législation du 15 juin 2006, le sénateur Patrice Gélard - tout comme le Conseil d'Etat dans son rapport de 2001, attirent l'attention du Gouvernement et du Parlement sur la nécessité d'une évaluation approfondie avant d'envisager la création de toute nouvelle autorité afin de mettre un frein à la multiplication des AAI – multiplication susceptible pour beaucoup d'accentuer l'éclatement de notre organisation administrative.
Le sénateur Patrice Gélard, souligne qu'aujourd'hui les AAI constituent « une véritable mosaïque juridique » en raison de la diversité de leurs domaines d'activité, de leurs règles de composition et de fonctionnement, et de leurs pouvoirs. Il relève notamment à cet égard que le législateur a eu recours à trois appellations différentes : celle d'autorité indépendante (appliquée au Médiateur de la République, au CSA et au Défenseur des enfants), celle d'autorité administrative indépendante (désignant la majorité des organismes), et celle d'autorité publique indépendante (attribuée aux quatre autorités dotés de la personnalité morale, à savoir l'Autorité des marchés financiers (AMF)), l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), la Haute autorité de santé (HAS) et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLCD).
La souplesse des AAI qui est leur principale caractéristique, engendre des incertitudes, a fortiori quand certaines autorités sont dotées de la personnalité morale alors que d'autres en demeurent privées. On peut alors se demander quelles sont les caractéristiques pour qu'une AAI soit dotée de la personnalité juridique et quel est l'intérêt de doter certaines AAI plutôt que d'autres de cette personnalité juridique.
Il conviendra alors, pour répondre à ces interrogations, de se pencher dans un premier temps sur la loi du 1er août 2003 dite « sécurité financière » qui accorde la personnalité juridique à quatre entités et crée ainsi la notion nouvelle d'Autorité Publique Indépendante ; pour ensuite étudier l'intérêt et les conséquences de l'attribution de la personnalité morale aux API.
[...] La force symbolique de la personnalité morale L'attribution de la personnalité morale à une autorité paraît illustrer, en général, la volonté du législateur d'affirmer l'indépendance de l'entité visée. A cet égard, Marie-Anne Frison-Roche considère qu' il n'est pas techniquement acquis qu'il faille cette personnalité pour que les AAI soient effectivement indépendantes et qu'il n'y a pas d'urgence technique à leur attribuer cette personnalité, mais il peut y avoir urgence symbolique si le législateur veut expliciter sa volonté politique de soutenir l'indépendance la plus grande possible des AAI Les AAI apparaissent aujourd'hui comme des instances en devenir. [...]
[...] C'est une nouvelle dénomination de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance. la Haute autorité de santé Elle fut, quant à elle, créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Il s'agit d'une autorité indépendante à caractère scientifique appellation sui generis qui souligne la mission générale d'expertise dont est investie cette instance. l'Agence française de lutte contre le dopage Elle fut créée par la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs. [...]
[...] De ce fait, elles ne pourraient donc prétendre qu'à une autorité financière partielle voire même fictive comme le souligne le sénateur Patrice Gélard dans son rapport. Qui plus est, il serait sans doute difficile selon Martine Lombard, d'attribuer des ressources propres à toutes les AAI, dont l'activité ne se prête pas nécessairement à la perception de droits ou de taxes. B - La responsabilité attachée à la personnalité morale Une API pleinement responsable de ses actes Une autorité dotée de la personnalité morale est pleinement responsable de ses actes et doit par conséquent réparer, le cas échéant, les fautes qu'elle aurait elle-même commises dans l'exercice de ses missions. [...]
[...] Patrice Gélard à l'Assemblée Nationale le 15 juin 2006, Office parlementaire de la législation ; AN, rapp. n°3166 (2005-2006) juin 2006. [...]
[...] Ainsi, le Conseil de la concurrence, qui n'est pas doté de la personnalité morale, a néanmoins la capacité de former des pourvois contre les arrêts de la Cour d'appel de Paris réformant ses décisions. Concernant le lien entre personnalité morale et ressources propres, on observe d'ores et déjà que, si les deux API créées en 2003 (l'AMF et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles) bénéficient d'une totale autonomie financière, le budget des deux plus récentes (la Haute autorité de santé et l'Agence française de lutte contre le dopage) est constitué en premier lieu par les subventions de l'Etat. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture