« L'arbitrage en matière administrative peut apparaître d'abord au voyageur du droit comme une terre de désespérance » . Le mot de Yves Gaudemet, pour lyrique qu'il soit, n'en a pas moins de sens. En effet, l'arbitrage, « mode juridictionnel de règlement d'un litige par une autorité tenant son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'Etat, mais de la convention des parties » , n'a traditionnellement que peu de place dans l'ordre du droit public. Confidentialité, coût, célérité, absence de recours et autonomie de la volonté sont autant de caractères traditionnellement rattachés à cette « justice privée » et conventionnelle, qui s'interpénètrent mal avec les principes du droit public. A ce titre, le rapport difficile qu'entretiennent arbitrage et personnes publiques s'inscrit dans cette incompatibilité juridique tenace. Les personnes morales de droit public, pouvant être définies in abstracto comme les institutions publiques dotées de la personnalité juridique , désignent aussi bien l'Etat, que les Etablissements Publics nationaux ou locaux, administratifs, de recherche ou à caractère industriel et commercial (EPIC).
En droit français, l'action de compromettre, procédé conventionnel d'origine civiliste par lequel les contractants choisissent le mode alternatif de l'arbitrage, soit au moment de la conclusion du contrat par l'insertion dans leur convention d'une clause compromissoire, soit une fois le litige né, par la signature d'un compromis, est par principe prohibée aux personnes publiques (I). Néanmoins, de nombreuses tempérances et exceptions sont venues altérer ce principe général du droit, à telle enseigne que se pose aujourd'hui de façon instante la question de l'autorisation du recours à l'arbitrage pour ce qui concerne les litiges intéressant les personnes morales de droit public, interrogation qui n'est pas sans susciter de vifs débats doctrinaux (II).
La présente étude ne se donne pas pour objectif de prendre parti dans lesdits débats mais plutôt de présenter les sources historiques et théoriques de cette prohibition, les exceptions légales et jurisprudentielles qui l'ont progressivement tempérée, et enfin, de lege ferenda, les différentes possibilités évoquées en doctrine quant à son abolition.
[...] aurait suffi à conférer aux personnes morales de droit public la faculté de compromettre[26]. Les thuriféraires de cette deuxième approche craignaient notamment qu'un tel dédoublement de compétence en matière arbitrale entre les juridictions administratives et civiles ne complexifie à outrance les procédures actuelles et, partant, n'effraie les investisseurs et partenaires commerciaux étrangers. En dépit de ces critiques, la nouvelle Garde des Sceaux a affirmé, le 22 décembre 2007, vouloir procéder à l'adoption du projet de loi tel qu'il avait été élaboré par le groupe de travail, sans y apporter de modification. [...]
[...] Lesdits articles prévoyaient une procédure spéciale pour les arbitrages impliquant une ou plusieurs personnes publiques, et notamment le fait que seul le juge administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les sentences arbitrales en la matière. Cette proposition a immédiatement provoqué une levée de boucliers des observateurs, académiques et praticiens, qui ont vu là une velléité des pouvoirs publics de préserver une prérogative de contrôle sur les procédures arbitrales impliquant les personnes publiques, alors qu'à leur sens, la simple abrogation de l'article 2060 C. [...]
[...] Déjà en 1960, un décret codifié à l'article 361 du Code de Justice Administrative avait écarté l'illégalité de la faculté de compromettre des établissements publics locaux pour les litiges déjà nés en matière de travaux publics et contrats de fourniture ou encore pour l'exécution ou l'interprétation des contrats pour la réalisation d'opérations d'intérêt national entre une pluralité de personnes publiques[23]. Plus récemment, et de manière plus générale, l'article 126 de la loi portant sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) du 15 mai 2001 a introduit dans le Code Civil un article 2061 qui dispose : Sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle Cette nouvelle disposition semble inverser le rapport entre le principe et l'exception et admettre, de manière plus large, le recours à l'arbitrage pour les personnes publiques. [...]
[...] A ce titre, le rapport difficile qu'entretiennent arbitrage et personnes publiques s'inscrit dans cette incompatibilité juridique tenace. Les personnes morales de droit public, pouvant être définies in abstracto comme les institutions publiques dotées de la personnalité juridique[4], désignent aussi bien l'Etat, que les Etablissements Publics nationaux ou locaux, administratifs, de recherche ou à caractère industriel et commercial (EPIC). En droit français, l'action de compromettre, procédé conventionnel d'origine civiliste par lequel les contractants choisissent le mode alternatif de l'arbitrage, soit au moment de la conclusion du contrat par l'insertion dans leur convention d'une clause compromissoire, soit une fois le litige né, par la signature d'un compromis, est par principe prohibée aux personnes publiques Néanmoins, de nombreuses tempérances et exceptions sont venues altérer ce principe général du droit, à telle enseigne que se pose aujourd'hui de façon instante la question de l'autorisation du recours à l'arbitrage pour ce qui concerne les litiges intéressant les personnes morales de droit public, interrogation qui n'est pas sans susciter de vifs débats doctrinaux (II). [...]
[...] Alternativement, la confidentialité des délibérations du tribunal arbitral prévue à l'article 1469 NCPC semble être difficilement conciliable avec la lecture combinée des articles L et L du Code de Justice Administrative en vertu desquels les jugements sont publics et motivés. Mais par delà ces considérations prima facie, force est de constater que l'interdiction de compromettre pour les personnes publiques tient à deux raisons de droit fondamentales. La première, de fond, consiste en l'idée que la défense des intérêts publics ne peut être assurée correctement que par la justice d'État et plus précisément, par la justice administrative. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture