En 1996, Michel Combarnous commence un article intitulé « Le Préambule de la Constitution de 1946 50 ans après » en écrivant que « la jurisprudence du Conseil d'Etat a très vite et très clairement incorporé le préambule au droit positif ». La même année, Michel Clapié, à l'occasion d'une journée d'étude, débute son intervention en énonçant que l' « on peut dire sans crainte que le Conseil d'Etat a manqué son rendez-vous avec le Préambule de 1946 ». Pour peu qu'il commence ses recherches par la lecture successive de ces deux auteurs, il y a là de quoi décourager le plus aguerri des exposants. Certes à la lecture des développements qui suivent il reprendra confiance puisqu'il finira, normalement, par comprendre que ces deux entrées en matière ne sont en fin de compte pas aussi contradictoires que cela. Toutefois cette apparente contradiction n'en est pas moins symptomatique des difficultés que l'on peut rencontrer à définir la place et la portée que le juge administratif ou judiciaire accorde au Préambule de la Constitution de 1946.
La position du juge constitutionnelle ne donne pour sa part pas lieu à hésitation. Depuis sa décision du 16 juillet 1971 dite liberté d'association dans laquelle il place le Préambule de 1946 au sommet de la hiérarchie des normes en l'intégrant à son bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel fait pleinement usage de ce texte pour contrôler et censurer les lois dont il a été saisi. Le professeur Dominique Rousseau écrit ainsi que « Le Préambule est pour le Conseil une source inépuisable de droits constitutionnels, ce qui accroit, sans doute, sa capacité de contrôle ».
Mais la situation est beaucoup plus contrastée chez ce que l'on appelle le juge ordinaire, qu'il soit administratif ou judiciaire et la question qui se pose est alors la même que celle qui se pose à propos de toutes les déclarations de droits, celle de l'applicabilité directe du Préambule de 1946. La notion d'applicabilité directe est plus habituellement utilisée à propos de textes internationaux et correspond à l'aptitude de ces derniers à créer en droit interne des droits en faveur des justiciables et à pouvoir être invoquées devant les juridictions nationales.
L'objet de notre étude sera donc de déterminer dans quelle mesure le justiciable peut utilement invoquer une disposition du Préambule de la Constitution de 1946 devant les juridictions administratives et judiciaires et donc de savoir si le juge l'utilise comme fondement de ces décisions.
Pour ce faire nous étudierons dans une première partie quels sont les obstacles auxquels le Préambule de 1946 doit faire face pour que son application directe par le juge soit possible. Puis nous observerons dans une seconde partie que loin de reconnaitre l'applicabilité directe de l'ensemble du Préambule, le juge réceptionne de manière très variée les différents principes établis par celui-ci.
[...] En effet dès 1950 dans sa célèbre décision Dehaene le Conseil d'État reconnaît le droit de grève aux agents publics en citant expressément le Préambule de 1946. Toutefois à la lecture des conclusions du Commissaire du gouvernement Gazier la doctrine avait mal interprété la décision et conclu à la consécration du droit de grève en tant que principe général du droit. Ce n'est qu'avec les termes sans équivoque de l'arrêt Syndicat unifié de radio télévision CFDT que l'applicabilité directe du Préambule par le Conseil d'État en la matière est devenue une certitude. [...]
[...] Belgacem du 19 avril 1991, le Conseil d'État a fondé son contrôle non pas sur l'alinéa 10 du Préambule de 1946 ou sur un principe général du droit (PGD) en découlant, mais sur l'article 8 de la CEDH qui dispose que toute personne a droit au respect de la vie privée et familiale Autre exemple, alors que dans une décision du 27 juillet 1994 relative aux lois bioéthiques le Conseil constitutionnel avait dégagé le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine à partir du premier alinéa du Préambule de 1946, un an plus tard dans deux décisions d'assemblée du 27 octobre 1995 Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d'Aix-en-Provence le Conseil d'État consacre comme élément de l'ordre public le respect de la dignité humaine une nouvelle fois sur le fondement de l'article 8 CEDH. La réticence chronique du juge à reconnaître la juridicité du Préambule de 1946 combinée à la théorie de la loi-écran et à la concurrence des textes internationaux laissent ainsi peu de place à une application directe de celui-ci. [...]
[...] Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF - D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien Articles : - D. Rousseau, Le CC et le Préambule de 1946, Revue administrative p - M. Clapié, Le CE et le Préambule de 1946, Revue administrative p - P.H. Antonmattei, Le Préambule de 1946 et la Cour de cassation", Revue administrative p - Rapport Conseil constitutionnel, Protection constitutionnelle et protection internationale des droits de l'homme : concurrence ou complémentarité RFDA 1993 p - P. [...]
[...] Il faut toutefois préciser que le législateur n'a que très peu répondu à l'appel de la Constitution. La Cour de cassation n'a ainsi pas non plus hésité à viser directement l'alinéa 7 du Préambule de 1946 pour fonder deux règles jurisprudentielles. En premier lieu celle selon laquelle le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement reconnu substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien-fondé de ses revendications dans un arrêt de la chambre sociale du 2 juin 1992. [...]
[...] On songe alors à l'admission de l'exception d'inconstitutionnalité devant le juge ordinaire qui confèrerait au Préambule de 1946 une pleine juridicité devant ce dernier. Bibliographie Ouvrages - G. Conac, X. Prétot, G. Teboul, Le Préambule de 1946, Histoire, analyse et commentaire, Dalloz - CURAPP, Le préambule de la constitution de 1946 : antinomies juridiques et contradictions politiques, PUF - G. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture