Le procès Papon, qui s'est achevé le 2 avril 1998 par la condamnation de l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde pour complicité de crimes contre l'humanité, a révélé les enjeux ultimes de la responsabilité pénale des fonctionnaires. L'existence, les caractères et désormais les limites d'une vielle culture de la stricte obéissance hiérarchique au sein de l'administration française ont pu ainsi être dévoilées dans leurs dimensions politiques, morales et juridiques. En s'immisçant dans les pratiques d'une administration, le droit pénal a donc permis de rendre justice de manière équitable, mais surtout éclatante. Il a également permis de constater que tout crime commis, même par un agent public de l'Etat, au nom de l'Etat, mérite sanction et cette sanction doit être celle de la société et non de l'administration elle-même. Cela est difficilement concevable dans le cadre de la justice administrative et l'exemple extrême de l'affaire Papon montre que le droit pénal peut, par le biais de la responsabilité, influer sur la condition juridique de l'agent.
Puissance supérieure dépositaire de la souveraineté nationale, l'Etat, de même que ses agents, a longtemps été considéré comme irresponsable de ses actes. A mesure que l'Etat était davantage perçu comme un prestataire de services au profit des citoyens dans le cadre de l'Etat-providence, les conditions d'engagement de la responsabilité furent assouplies. Parallèlement s'instaurait un régime protecteur au profit de ses agents dans le cadre de leurs fonctions, protection très limitée, voire nulle, face au juge pénal. Cependant, le récent mouvement de responsabilisation des agents qui s'est traduit par la tenue de procès judiciaires (sang contaminé, affaire Papon…) concernant des élus ou des fonctionnaires prouve que ce régime n'est pas totalement protecteur.
L'agent public peut-il être soumis aux règles de droit pénal ?
La recherche d'un responsable, la lenteur des procédures administratives de nombreux contentieux et la mauvaise indemnisation du pretium doloris par le juge administratif, ont engendré une recherche accrue de la responsabilité pénale des agents (I). Cette irruption excessive du juge pénal dans le contentieux de la responsabilité, créant par la même un risque de paralysie de l'action publique, a entraîné l'intervention récente (lois de 1996 et 2000) du législateur définissant l'action du juge pénal en matière de délit non intentionnel, avec comme objectif avoué, diminuer la responsabilité pénale des agents publics et élus, et renforcer les dispositions relatives à leur « protection » (II).
[...] À la lumière du rapport Massot de 1999 sur la responsabilité pénale des décideurs publics, reste encore à enrayer la création de nouvelles incriminations pénales par la recherche d'autres formes de sanctions similaires à celles où le contrevenant a manqué à ses devoirs (par exemple, interdiction de diriger une entreprise pour celui qui commet une banqueroute frauduleuse), introduire des conditions plus strictes de recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile, et surtout de favoriser les autres modes de règlement des conflits (tels que les sanctions disciplinaires). Bibliographie - Responsabilité pénale des agents publics, E. [...]
[...] Pendant longtemps, le juge pénal n'a pu venir troubler qu'à la marge l'action de l'administration. La loi des 16 et 24 août 1790 prohibaient ainsi au juge judiciaire, à peine de forfaiture, de troubler de quelque façon que ce soit l'action de l'administration. De même, l'art 75 de la Constitution de l'an VIII soumettait toute poursuite pénale à l'encontre d'un agent de l'administration à l'autorisation préalable de sa hiérarchie. Cette disposition est abandonnée avec le Décret du 19 septembre 1870 qui autorise alors la libre poursuite des agents publics, la Cour de Cassation continuant à exiger une faute personnelle de l'agent, faute qui se distingue de la faute de service Si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à l'erreur et non l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, l'acte reste administratif. [...]
[...] Les privilèges de juridiction ont également été diminués avec la création de la Cour de justice de la République (LC du 22 juillet 1993), dans le contexte de l'affaire du sang contaminé, et la disparition du privilège de juridiction des préfets et du Conseil d'Etat. L'irruption du juge pénal dans la sphère politique est un élément qui plaide en faveur de la thèse du grossissement du droit pénal dans le droit régissant les agents publics. Auparavant, la responsabilité pénale des membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions ne pouvait être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice. La création de la Cour de Justice de la République allège donc la procédure initiale. [...]
[...] De même la CA de Poitiers, dans son arrêt du 02 février 2001, relaxe un maire poursuivi pour homicide involontaire (mort d'un enfant suite à un équipement défectueux sur un terrain de sport de la commune), mais le condamne sur les intérêts civils en raison du préjudice moral causé aux parents, sur la base de la suppression de l'identité des fautes civiles et pénales. Il faut ajouter que les dispositions introduites par la loi du 10 juillet 2000 sont plus douces et dès lors applicables à toutes les affaires qui n'ont pas donné lieu à une décision définitive (rétroactivité in mitius de la loi pénale). C'est la solution choisie par la Cour de Cassation dans son arrêt Drac du 12 décembre 2000 (responsabilité des agents EDF et non des deux enseignantes). [...]
[...] Les maires, présidents de conseils général et régional, ainsi que leurs suppléants ayant reçu délégation de pouvoir, sont respectivement (sous réserve de l'art 121-3 C.pen.) sous la protection de la commune (et de l'Etat, si agit en qualité d'agent de l'Etat), du département et de la région pour des poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. Cette protection recouvre frais de transport, de justice et d'avocat. Mais surtout, l'art 7 aligne le régime de la preuve s'appliquant aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public et aux militaires sur celui des élus. [...]
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