« À chaque instant, pour les règles de fond, soit pour celles de procédure, la jurisprudence fait des emprunts au droit commun, toutes les fois où la justice ou la nécessité l'exige dans le silence du droit spécial », écrit le commissaire du gouvernement Émile Reverchon dans ses conclusions sous l'arrêt du Conseil d'État du 27 février 1852 Niocel. Le phénomène d'application du droit commun par le juge administratif n'a rien de nouveau en soi et a longtemps été vu de manière assez pragmatique.
Le juge administratif apprécie la légalité de l'acte soumis à son contrôle à partir d'un bloc de légalité composé de l'ensemble de normes applicables à l'administration. La légalité administrative est composée, au sens strict, de l'ensemble de règles énonçant les conditions de légalité des actes administratifs, et dans un sens plus large, de l'ensemble de règles dont le non-respect peut amener le juge à la censure de l'acte en cause. Si l'autorité administrative est soumise au droit, elle est pourtant considérée comme soumise à un droit fait par elle et distinct de celui applicable aux particuliers. Or en même temps, alors même que l'administration est normalement soumise à un droit qui lui est propre, l'application du droit privé par le juge administratif ne peut pas être exclue, la légalité elle-même étant unique et indivisible.
[...] Le juge découvre ainsi dans une règle privatiste une autre, applicable à l'administration. Si l'ordonnance du 1986 s'adresse clairement aux opérateurs privés exerçant des activités de production, distribution et de services, le juge administratif applique l'ordonnance à l'administration par interprétation extensive en estimant que l'acte déféré à son contrôle influence des activités en question (CE Million et Marais). Cette situation n'est pas isolée : alors que l'article L432-13 du Code pénal (relatif au délit de prise illégale d'intérêts) ne pose aucune obligation à la charge de l'administration, le Conseil d'Etat y découvre une interdiction adressée à l'administration de nommer un fonctionnaire dans un poste ou il méconnaitrait cette règle (CE 6 décembre 1996 Sté Lambda). [...]
[...] L'intégration des règles de droit privé dans le bloc de légalité administrative a été dictée par une nécessité de combler une lacune dans la répartition de compétences entre les deux ordres juridictionnels. L'application des règles de droit privé permet au juge de rétablir une cohérence du système juridique tout en protégeant son domaine de compétence Cette application peut par ailleurs avoir des raisons très différentes Défense de sa compétence par le juge administratif L'intégration des règles issues du droit privé dans le bloc de légalité administrative exprime la volonté du juge administratif de garder le contrôle sur le droit des services publics . [...]
[...] Le contrôle des actes administratifs par le juge administratif est un contrôle apriori et in abstracto de la légalité de l'acte à la date à laquelle il a été pris, il complète le contrôle a posteriori in concreto du juge judiciaire qui porte sur des agissements ou des pratiques. Dans ce sens, les deux contrôles sont complémentaires, l'intervention du juge administratif dans ce domaine étant donc bénéfique. Une grande diversité des motifs La motivation exposée plus haut correspond à la situation telle qu'elle se présente en droit de la concurrence. Il serait pourtant faux de dire que cette explication vaut pour l'ensemble des règles de droit privé appliquées par le juge administratif. [...]
[...] Les modèles d'intégration du droit privé dans le bloc de légalité administrative L'application du droit privé par le juge administratif ne suit pas toujours un schéma logique uniforme. Il faut distinguer au moins deux cas : soit la règle est transposée directement à l'action, y compris normative, de l'administration soit la règle est appliquée par interprétation extensive, par analyse des effets des actes administratifs déférés au contrôle du juge L'application directe des règles issues du droit privé à l'administration Dans cette hypothèse, la personne publique est assimilée à une personne soumise au droit privé, à un professionnel soumis au droit de la consommation ou à un opérateur économique soumis au droit de la concurrence. [...]
[...] En acceptant à appliquer une règle de droit privé, le juge administratif reprend-il aussi les fondements idéologiques de cette règle ? Ainsi, le droit de la consommation vise à rétablir l'égalité entre les parties au contrat de consommation ; cette exigence d'égalité peut-elle être appliquée à une relation d'un SPIC avec des usagers ? Dans l'arrêt du 13 mars 2002, Union fédérale des consommateurs, le CE fait prévaloir le principe d'égalité des usagers devant le service public sur le principe de prohibition de vente liée du droit consommation. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture