Progressivement, une conception restrictive de la voie de fait est apparue en jurisprudence.
La meilleure illustration parait être l'arrêt Préfet de police contre le Tribunal de grande instance de Paris du 12 mai 1997, arrêt dans lequel le Tribunal des conflits a estimé que les mesures prises par l'administration envers des étrangers, leur imposant « une consignation » à bord d'un navire et leur interdisant de débarquer, ne constituaient pas une voie de fait alors que la consignation à bord constitue, sans aucun doute, un acte attentatoire à la liberté individuelle.
Pour affirmer la compétence exclusive de la juridiction administrative sur cette affaire, le tribunal des conflits a écarté successivement deux terrains de compétence judiciaire.
Il a tout d'abord jugé que l'article 136 du Code de procédure pénale disposant que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont exclusivement compétents « dans tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle » ne pouvait aller dans le sens d'une autorisation de ces tribunaux à adresser des injonctions à l'administration hors cas de voie de fait (...)
[...] La survie de la voie de fait semble ainsi suspendue a la pratique par le juge administratif des référés de ses nouvelles prérogatives. S'il interprète favorablement et de façon libérale la loi du 30 juin 2000, il y a peu de chance de voir la voie de fait continuer a hanter les prétoires. En effet elle ne disparaitra totalement que si le juge administratif accepte d'utiliser pleinement ses nouvelles prérogatives pour condamner avec vigueur les actions manifestement illégales de la puissance publique. [...]
[...] Mais cet arrêt de 2000 n'est pas suffisant dans la démonstration de l'affirmation par la jurisprudence de l'utilité persistante de la voie de fait malgré l'intervention de la loi du 30 juin 2000, cette loi n'étant entrée en vigueur que le premier janvier 2001. Ainsi il convient d'étudier maintenant un arrêt postérieur a cette date afin d'examiner la position du tribunal des conflits une fois le référé liberté entré dans les procédures actuelles: Dans l'arrêt Mademoiselle Mohamed contre le Ministre de l'intérieur rendu le 19 novembre 2001, le tribunal des conflits estime que constitue une voie de fait la non restitution d'un passeport a une personne de nationalité française soupçonnée de falsification d'identité en l'absence de procédure pénale. [...]
[...] 521-2 du Code de la juridiction administrative instituant le référé-liberté, s'il ne recouvre nullement la définition de la voie de fait, permet d'obtenir une décision rapide d'un juge administratif dans le cas d'illégalités commises par l'administration et touchant une liberté fondamentale. Cet article prévoit que, saisit d'une demande en ce sens justifié être par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale Il est précisé que, dans cette hypothèse, le juge des référés se prononce dans un délai de 48h , ce qui constitue une innovation très forte pour la protection des libertés . [...]
[...] Il appartenait alors au juge administratif de statuer sur la légalité du refus de visa. Le juge des conflits, tout en confirmant l'arrêté de conflit, réaffirme sa jurisprudence sur le sujet : il n'y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire que dans la mesure ou l'administration soit a procédé a l'exécution forcée, dans des conditions irrégulière d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou a une liberté fondamentale , soit a pris une décision ayant l'un ou l'autre de sec effets a la condition toutefois que cette dernière décision soit elle même manifestement insusceptible d'être rattaché a un pouvoir appartenant a l'autorité administrative La théorie de la voie de voie est ici maintenue et son caractère de protecteur des libertés est réaffirmé, malgré la mise en place de la loi instituant le référé liberté. [...]
[...] Le tribunal des conflits réaffirme donc l'existence et l'utilité de la voie de fait en tant que protectrice des libertés. Donc aujourd'hui, quand une atteinte est portée a une liberté par l'administration, il existe 2 voies de droit : soit cette atteinte est portée par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs, on a alors compétence du juge administratif dans le cadre du référé liberté; soit cette atteinte est portée par l'administration n'agissant pas dans le cadre de ses pouvoirs, on a alors une voie de fait de la compétence du juge judiciaire. [...]
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