Historiquement, le droit administratif est très largement d'origine jurisprudentielle, c'est-à-dire que la juridiction administrative participe à la détermination de son contenu, ainsi qu'à la définition des critères de répartition des compétences entre juge judiciaire et juge administratif. Ce rôle prépondérant du juge et plus particulièrement du Conseil d'Etat à partir des arrêts de principe, tout en restant important, est désormais confronté au renforcement du droit positif écrit, qu'il soit d'origine interne ou d'origine internationale et au mouvement de codification.
A) Le caractère jurisprudentiel du droit administratif
Le caractère jurisprudentiel du droit administratif s'explique, comme nous l'avons indiqué dans l'introduction, par le refus d'appliquer aux relations entre l'administration et les administrés, lorsque l'action administrative est spécifique (c'est-à-dire correspond à une activité d'intérêt général ou de police), le droit commun (principalement le droit civil qui correspond aux relations de particuliers à particuliers). Sur la base de ce fondement (voir notamment jurisprudence Blanco de 1873 au GAJA), l'intervention du juge occupe une place particulièrement importante dans la définition du droit administratif et dans la détermination des critères de répartition des compétences entre les deux juridictions et des règles de droit applicables.
1. Le refus d'appliquer le droit privé aux relations entre administration et administrés dans l'hypothèse où l'administration relève d'une action particulière
Le principe affirmé, notamment dans le cadre de la jurisprudence du TC de 1873, Blanco, conduit à considérer que, dès lors qu'il y a compétence de la juridiction administrative, celle-ci applique des règles distinctes de celles du droit privé ; cette spécificité du droit est justifiée par le fait que l'acte ou la situation soumis à son contrôle répond à une action spécifique des autorités administratives. Le refus d'appliquer les règles du droit commun justifie donc l'application d'un droit spécial, mais dont le contenu n'a pas été prévu par des textes. Autrement dit, le juge administratif en écartant l'application du droit privé, devient également compétent pour déterminer les règles de droit applicable dérogatoires au droit commun. C'est le principe de la "liaison de la compétence et du fond" qui est ainsi posé.
Ce principe ne saurait faire obstacle à l'application aux autorités administratives de la légalité. La question est donc la suivante : comment concilier l'affirmation du respect du principe de légalité (c'est-à-dire du droit positif existant) avec l'application d'un droit spécial ? Pour apporter une réponse adéquate, il faut faire référence à l'idée de spécialité de certaines législations et de leur indépendance entre elles (...)
[...] Il s'agissait pour le juge de consacrer en l'absence de règles écrites, en dehors des prélèvements d'organes, des limites à l'expérimentation médicale. Dans le même sens, le juge administratif s'est référé au respect de la dignité humaine comme composante de l'ordre public dans l'affaire de Morsang-sur-Orge de 1995, GAJA. La reconnaissance de PGD est donc toujours à l'ordre du jour et le juge conserve une pleine autonomie pour décider d'une référence explicite à une norme écrite ou, au contraire, pour opter pour une référence à un PGD, modalité qui lui permet de conserver une marge importante d'autonomie sur la détermination de la portée juridique d'un principe au regard des obligations des autorités administratives, indépendamment des solutions jurisprudentielles du Conseil constitutionnel ou de la CEDH. [...]
[...] En effet, en l'absence de dispositions conventionnelles internationales pertinentes ou encore du fait de la non reconnaissance de la suprématie des dispositions du préambule de la constitution, le Conseil d'Etat a fait preuve d'originalité en introduisant dans la hiérarchie des normes, les PGD qui s'imposent aux autorités administratives, et cela afin d'assurer une plus grande protection du respect par l'administration des droits et libertés des individus. Le Conseil d'État commence à affirmer son pouvoir de contrôle sur les règlements d'administration publique (RAP) : CE 06 décembre 1907, Cie des chemins de fer de l'Est, GAJA. [...]
[...] Pour apporter une réponse adéquate, il faut faire référence à l'idée de spécialité de certaines législations et de leur indépendance entre elles. En effet, alors même que le principe de légalité suppose la soumission des autorités administrative au droit positif, c'est-à-dire aux règles écrites (lois, conventions internationales et dispositions constitutionnelles), au nom même de l'unité normative, cette logique d'unité va se combiner avec la notion d'indépendance des législations, dans les hypothèses où un acte relève par son objet d'une législation particulière. [...]
[...] De plus, le juge administratif accepte de plus en plus d'appliquer à l'administration des pans entiers du droit privé, en particulier le droit de la concurrence : CE 03 novembre 1997, Soc. Million et Marais, GAJA (solution qui sera analysée au second semestre dans l'étude sur le service public) Le rôle constructif de la juridiction administrative En l'absence de règles écrites et de codification, il appartient à la juridiction administrative de déterminer tout d'abord les critères de sa compétence, intervention complétée par la jurisprudence du Tribunal des Conflits. [...]
[...] Sur l'arrêt Syndicat général des ingénieurs conseils du 26 juin 1959, GAJA, le commissaire du gouvernement propose de distinguer deux catégories de PGD : - les plus importants et qui constituent des PGD à part entière et qui ont une valeur constitutionnelle et se situent au même niveau que les principes inscrits dans le préambule de la constitution et sont souvent liés à ces principes (annonce de la reconnaissance par le CE de PFRLR dans l'affaire Koné) ; tel le principe d'égal accès à la fonction publique consacré par la jurisprudence de 1954, Barel, GAJA, le législateur lui-même ne pouvant y déroger. - Les principes vis-à-vis desquels le législateur n'est pas lié et peut donc y déroger. [...]
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