« Tant qu'il y aura un soldat, un bourreau, un prêtre, un gabelou, un rat-de-cave, un sergent de ville crus sur serment, un fonctionnaire irresponsable, peuple, tu seras misérable ». Ainsi Jules Vallès exprimait-t-il, dans son discours à l'occasion des élections législatives de 1869, l'importance du principe de responsabilité des agents publics, sans lequel les droits des individus se trouvent inévitablement bafoués.
Invention de la Révolution en rupture apparente avec l'adage d'Ancien Régime selon lequel le roi ne peut mal faire, le principe de responsabilité de l'agent public, tel qu'exprimé à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, peut se définir comme le « droit » donné à chaque membre de la société de « demander compte à tout agent public de son administration », du fait de sa gestion (...)
[...] La question de la responsabilité de l'agent public est bien évidemment liée à celle de la responsabilité de la puissance publique. Les limites imposées à l'une et l'autre se sont longtemps justifiées par la nécessité, au nom de l'intérêt général, de garantir à l'administration l'autorité et la sérénité indispensables à son bon fonctionnement. Pourtant, la plupart de ces limites ont dû être levées, au nom de la garantie des droits des individus vis-à-vis de l'administration, qui implique de leur assurer une équitable réparation lorsqu'ils sont victimes de son action. [...]
[...] Ainsi, une certaine irresponsabilité des agents publics demeure néanmoins, de facto. Cette irresponsabilité est accentuée par le fait que, depuis l'arrêt TC Thépaz, les actions judiciaires et administratives sont indépendantes l'une de l'autre, ce qui implique que si le juge pénal a jugé un fonctionnaire responsable d'un dommage constituant un crime ou délit, le Conseil d'Etat n'est pas lié quant à la qualification de la faute. Il peut tout à fait la qualifier à son tour de faute de service et obliger l'Etat à prendre en charge les indemnités dues, à la place du fonctionnaire. [...]
[...] Des normes constitutionnelles affirment également la responsabilité de l'agent public entendu au sens large. La loi constitutionnelle de juillet 1993, avec les nouveaux articles 68-1, 68-2 et 68-3 composant le titre X de la Constitution De la responsabilité pénale des membres du gouvernement crée la Cour de justice de la République, afin de juger les membres du Gouvernement. L'article 68-1 dispose que les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis Le statut pénal du chef de l'Etat a également été modifié, avec la mise en place d'une procédure de destitution par les deux assemblées pour les fautes les plus graves. [...]
[...] C'est aussi le cas des fautes dues à l'inconduite de l'agent, soit qu'il profère des propos injurieux durant son service (TC juin 1908, Girodet), soit qu'il conduise en état d'ébriété au cours du service (CE octobre 1974, Commune de Lusignan). L'affirmation croissante de la responsabilité individuelle des agents publics est aussi une conséquence de l'évolution du cadre légal. La loi prévoit ainsi la responsabilité disciplinaire des fonctionnaires, avec le statut général des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Trois autres lois de 1984 et 1986 précisent le statut des trois fonctions publiques. [...]
[...] Cette responsabilité se modifie suivant la nature et les nécessités de chaque service, ce qui a pour conséquence que seule l'administration peut en apprécier les conditions et la mesure L'Etat, en tant qu'il poursuit une fin spécifique (l'intérêt général) par des moyens extraordinaires (les prérogatives de puissance publique), n'est pas un sujet comme les autres et doit être jugé par un juge spécial : le juge administratif. Quant aux agents de l'Etat, leur responsabilité, quoique nouvelle, reste également limitée. L'abrogation de la garantie des fonctionnaires devait, selon ses auteurs, déboucher sur un système de responsabilité personnelle des agents publics, dans lequel ils répondraient de leurs fautes devant le juge judiciaire. Mais l'arrêt Pelletier, rendu par le Tribunal des conflits le 30 juillet 1873, juge que l'abrogation de la garantie des fonctionnaires n'a pas vocation à porter atteinte au principe de séparation des juridictions administrative et judiciaire. [...]
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