L'affaire Réverchon de 1852, du nom du commissaire du gouvernement qui avait prévu de conclure une séance du Conseil d'Etat contre les intérêts du Prince, dessaisi du dossier, puis révoqué du Conseil d'Etat pour cet agissement, fut particulièrement emblématique de la difficulté de saisir, et de définir les contours d'une fonction à la fois ambiguë, chargée de tabou, et soumise aux pressions de l'administration.
Le commissaire du gouvernement, actuellement rapporteur public, est communément défini, par la jurisprudence et le Code de justice administrative, comme celui ayant pour mission d'exposer publiquement, en toute indépendance son opinion personnelle sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. L'accès à cette fonction qu'ils s'agissent des juridictions territoriales, ou du Conseil d' Etat, demeure particulièrement strict et restreint du fait des exigences d'impartialité, de professionnalisme, et du niveau de responsabilité inhérents à ce rôle assurément atypique au sein du processus juridictionnel.
En raison des obligations particulières et spécifiques qui entourent cette fonction, le commissaire du gouvernement a subi de nombreuses critiques de la part de professeurs, juristes, ou justiciables étonnés qu'il puisse bénéficier d'un régime à part, autant empreint de liberté. En ce sens, des évolutions en droit interne ont permis de modifier considérablement son rôle. Il sera alors intéressant de voir s'il s'agit véritablement d'une transformation, définie comme l'action de changer, de s'adapter, ou de se renouveler, d'une transmutation, perçue comme une métamorphose complète, ou alors de simples changements qui finalement n'auraient qu'affecté partiellement la nature des fonctions d'un commissaire du gouvernement devenu aujourd'hui rapporteur public.
Partant, tout l'intérêt du sujet réside dans l'analyse et l'impact de ces innovations. Une fonction qui a été finalement contrainte d'évoluer du fait des controverses doctrinales, jurisprudentielles en France et à l'échelle européenne, à la fois s'agissant de son indépendance, de sa légitimité, et de son utilité.
Ainsi, au regard de l'ensemble des évolutions relatives à l'actuel rapporteur public, anciennement commissaire du gouvernement, la nature de ses fonctions n'a-t-elle pas été dénaturée ?
Malgré de profondes transformations, il n'est pas envisageable de parler de transmutation, ni même de dénaturation, tant les évolutions n'ont pas fondamentalement changé la nature des fonctions du commissaire du gouvernement, actuel rapporteur public.
En effet, nous verrons dans un premier temps que son rôle s'est amoindri (I) du fait d'une clarification de ses fonctions (A), et d'une désacralisation de son rôle (B). Mais dans un second temps, nous verrons que sa prééminence au sein du processus juridictionnel semble conservée (II) en ce qu'il garde des pouvoirs étendus avant la séance publique dans le traitement de l'affaire (A), ainsi qu'une liberté totale dans l'exposition de ses opinions lors de la séance publique (B) (...)
[...] Ainsi, au regard de l'ensemble des évolutions relatives à l'actuel rapporteur public, anciennement commissaire du gouvernement, la nature de ses fonctions n'a t-elle pas été dénaturée ? Malgré de profondes transformations, il n'est pas envisageable de parler de transmutation, ni même de dénaturation, tant les évolutions n'ont pas fondamentalement changé la nature des fonctions du commissaire du gouvernement, actuel rapporteur public. En effet, nous verrons dans un premier temps que son rôle s'est amoindri du fait d'une clarification de ses fonctions et d'une désacralisation de son rôle Mais dans un second temps, nous verrons que sa prééminence au sein du processus juridictionnel semble conservée en ce qu'il garde des pouvoirs étendus avant la séance publique dans le traitement de l'affaire ainsi qu'une liberté totale dans l'exposition de ses opinions lors de la séance publique I. [...]
[...] Une liberté que l'on retrouve également formellement. Ce juge qui parle pour reprendre les termes de Jean-Claude Bonichot a seulement comme obligation logique d'exposer les motifs de la solution qu'il propose, mais il conserve une liberté totale s'agissant notamment de la teneur comme de la longueur de ses conclusions puisqu'il n'y a à vrai dire pas de modèles types. En ce sens, la durée des conclusions n'est ainsi jamais formatée puisqu'elles peuvent durer de quelques minutes pour des affaires simples, à 2 heures pour des litiges complexes portés devant une formation supérieure. [...]
[...] Cela lui permet ainsi de porter un regard neuf sur l'affaire en évaluant la cohérence de la solution à retenir avec l'ensemble de la jurisprudence, mais également en vérifiant si la résolution du litige n'appelle pas une évolution jurisprudentielle. Il est par ailleurs important de souligner que le rapporteur publique reste libre des pistes qu'il entend creuser, et approfondir, mais également du dispositif qu'il décide souverainement de proposer à la formation de jugement. Une liberté de faire que l'on retrouve aisément, lorsqu'après l'étude du dossier, le rapporteur public décide d'orienter le litige vers la formation de jugement qu'il estime la plus appropriée. Après l'étude du dossier, deux solutions s'offrent au rapporteur public. [...]
[...] Après une définition précise de ses modalités dans l'arrêt Leniau rendu par le Conseil d'Etat le 12 juillet 2002, la note en délibéré a finalement été consacrée par l'article R.731-3 du Code de Justice administrative, issu du décret du 19 décembre 2005, disposant que postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré Cette pratique, permettant ainsi aux parties de réagir en temps utile aux conclusions prononcées par le rapporteur public, désacralise considérablement la fonction d'une institution qui n'était pas habituée à se voir contredire par les parties eux mêmes. L'avènement de la désacralisation du rapporteur public s'illustre parfaitement lorsque l'on s'intéresse à l'innovation procédurale introduite par le décret du 7 janvier 2009, et qui constitue le prolongement logique de cette note en délibéré. En effet, il est désormais prévu que les parties, mandataires et avocats respectivement devant les tribunaux et cours, et devant le Conseil d'Etat, peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions. [...]
[...] En effet, devant les tribunaux et cours administratifs, le délibéré a lieu sans la présence du commissaire du gouvernement. Au Conseil Etat, en revanche, la restriction semble moins forte puisqu'il assiste tout de même au délibéré, mais sans y prendre part. Cependant, l'une des parties peut, à tout instant de la procédure avant le délibéré, demander que le commissaire du gouvernement n'y assiste pas. Il était nécessaire de clarifier les fonctions du commissaire du gouvernement sur ce point particulièrement sensible évoqué notamment dans l'arrêt Kress France rendu par la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) le 7 juin 2001 où il est expressément indiqué que sa présence au délibéré lui offrait, fût-ce en apparence, une occasion supplémentaire d'appuyer ses conclusions en chambre du conseil, à l'abri de la contradiction La Cour EDH conclut alors il y a eu violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention, du fait de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement Ainsi, il en va de la lisibilité de la fonction auprès des justiciables par l'édiction de règles précises qui viennent amoindrir le rôle du commissaire du gouvernement. [...]
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