L'existence même d'un pouvoir normatif du juge s'inscrit à contrario de la tradition politique et juridique française au sein de laquelle le rôle du juge a pendant longtemps été très restreint. En effet la tradition révolutionnaire qui par la suite a inspiré la législation du Code civil de 1804 s'exprime en réaction aux abus des Parlements de l'Ancien Régime au sein desquels régnaient l'arbitraire, comme en témoigne l'adage : « Dieu nous garde de l'équité des Parlements ». Un tel pouvoir de création du droit est-il alors véritablement en accord avec la fonction de juger ? Ne présente-t-il pas un caractère contestable ?
La réponse à cette question peut être décelée à travers ce que nomme R. Chapus comme étant les « fleurons de l'oeuvre jurisprudentielle du Conseil d'Etat » c'est-à-dire les principes généraux du droit dont l'origine est à la source même du pouvoir créateur de droit du juge administratif (...)
[...] A priori un revirement de jurisprudence semble faciliter les évolutions puisqu'il permet de modifier de manière aisée la règle dégagée précédemment. Cependant cela comporte des inconvénients notamment en ce qui concerne la rétroactivité qui peut nuire à la sécurité juridique. En effet lors d'un revirement de jurisprudence la règle nouvelle ne s'appliquera pas seulement dans l'avenir à compter du jugement, elle va s'appliquer d'abord aux faits qui ont donné naissance au litige et qui se sont réalisés dans le passé sous l'empire d'une jurisprudence précédente. [...]
[...] Elle a été à l'origine des grandes règles qui régissent le régime des actes administratifs, des contrats, de la responsabilité de la puissance publique ou les définitions des notions essentielles telles que le service public, le travail public, le domaine public etc qui ont été progressivement dégagées dans ce cadre. C'est dès lors dans ce contexte précis que va se manifester le pouvoir normatif du juge administratif. Tout pouvoir se caractérise par une puissance nécessitant un fondement qu'il soit juridique ou de fait, le pouvoir consacré de manière juridique pourra être appréhendé comme une compétence, un attribut ou encore une prérogative tandis que le pouvoir de fait ne sera assimilé qu'a une force, une simple maitrise dont le fondement n'a pas de vrai autorité. [...]
[...] Par ailleurs, le droit écrit tendant à accroitre son champ d'application, il n'en demeure pas moins que la jurisprudence récente du Conseil d'Etat ne fait que confirmer le caractère indispensable des principes généraux du droit, illustration du pouvoir normatif du juge administratif (CE mars 2006, Sté KPMG). Bibliographie : - Précis de droit administratif, Pierre-Laurent Frier et Jacques Petit. [...]
[...] C'est effectivement ce qui ressort du Discours préliminaire au premier projet de Code civil de Portalis qui affirme qu' il faut donc laisser au juge la faculté de suppléer à la loi par les lumières naturelles de la droiture et du bon sens et qu'ainsi le juge ait le droit d'interpréter les lois et d'y suppléer Dès lors, cette habilitation à interpréter le texte pour combler les lacunes de la loi va fonder la fonction de juger : pour statuer le juge va se fonder sur un texte qu'il interprète ou sur une disposition qu'aucun écrit ne contient directement mais qu'il aura préalablement dégagé au cours d'une affaire de même espèce. La fonction jurisprudentielle va se trouver inhérente à la fonction de juger et comme le précise R. Chapus il faudra distinguer entre les jugements qui font la jurisprudence et les jugements d'application d'une jurisprudence existante ou du droit écrit Ce sont précisément ces jugements qui font la jurisprudence qui vont être l'illustration d'un pouvoir normatif du juge, qui en donnant à la fois une solution à un litige va édicter une norme. [...]
[...] L'autonomie du juge administratif en matière de création de principes généraux du droit est donc significative. Elle l'est d'autant plus lorsqu'il dégage un nouveau principe à partir des règles à la base du Code civil, notamment celle de la prescription : CE juillet 2005, Société Alusuisse-lonza France. Cette démarche prétorienne se retrouve également dans l'arrêt CE février 2005, JIE Axa courtage où le juge administratif sans faire référence au droit civil a introduit dans le régime de responsabilité administrative la responsabilité du fait d'autrui présente dans le Code civil. [...]
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